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Procès Kpatcha au Togo : Une arête dans la gorge de Faure ?

Publié le jeudi 8 septembre 2011 à 03h28min

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Après le report du 1er septembre, le procès de Kpatcha Gnassimbé, le demi-frère du président togolais, Faure Gnassimbé, poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’Etat, s’est ouvert le 6 septembre 2011 à Lomé. Les avocats de la défense ont quitté la salle d’audiences au motif que l’immunité parlementaire de leur client n’ayant pas été levée, la Cour serait incompétente à juger leur député de client. Avec la rébuffade de la défense et la décision de la Cour, malgré tout, de continuer le procès, cet imbroglio judiciaire et familial se révèle un chewing-gum sous le talon de Faure : difficile, en effet, pour lui de s’en défaire proprement et prestement.

Ce procès tient du linge de famille et de l’affaire l’Etat, tant il est vrai qu’au Togo, la smala d’Eyadema a taillé le pays à sa dimension et l’enfile de père en fils tel un justaucorps.Ce procès est si ourlé de non-dits et nappé d’épaisse zones d’ombre qu’il suscite beaucoup d’interrogations. La défense a vraisemblablement raison d’invoquer l’immunité parlementaire de son client, qui est un élu du Nord, précisément de Kara, le fief de son père. Et son immunité parlementaire n’étant pas levée, ne serait-ce pas à la Cour constitutionnelle qu’il échoit de statuer sur son cas ? Les conditions d’arrestation et de détention de Kpatcha, et les atermoiements du pouvoir à juger l’affaire sont troublants.

En effet, le frère du président a été mis aux arrêts en avril 2009 pour tentative de coup d’Etat et détenu au secret durant deux années dans les cachots de l’Agence nationale de renseignement dans un isolement total : ni son épouse ni ses enfants n’ont eu le droit de visite. Trop d’impairs dans la gestion de cette affaire. Tout un Etat peut-il se méprendre sur l’arsenal juridique approprié dans ce cas d’espèce ? Derrière cette apparente incurie de l’Etat dans cette affaire, n’y aurait-il pas une minutieuse stratégie de neutralisation d’un adversaire qui faisait certainement de l’ombre au jeune Faure ?

Un procédé d’immunologiste, qui consiste à rendre inactif un germe pathogène en le faisant mariner dans une éprouvette à très basse température, appliqué à la politique. L’arrestation de Kpatcha aura permis à Faure de briguer un second mandat sans l’aide du frérot et sans le risque de l’avoir contre lui. Face à l’impatience des diplomaties occidentales qui le poussent du coude à trouver un épilogue judiciaire, et surtout les pressions du clan, qui se fissure dans ce clash fratricide, un procès boîteux, qui claudique sur le calendrier, permet à Faure de jouer la montre.

Tandis que son frère, une mouche piégée dans une toile d’araignée, se débat dans les mailles de la justice, il a tout le loisir de consolider son pouvoir. Tout cela n’est que conjectures et uchronies politiques, neanmoins il est certain que ce procès ne fera pas la lumière sur ce qui a poussé Faure ou Kpatcha à changer de braquet et à mettre fin au tandem qui, à la mort du père, a permis à la famille de conserver le pouvoir et les prébendes du clan.
Il n’est toutefois pas interdit de penser que, dans quelques mois ou années, comme dans tout bon scénario, interviendra la paix des braves.

La mise sur pied en ce moment de la commission Réconciliation et vérité incline à cette lecture : abandon des armes, larmes des retrouvailles et les deux frères tombant dans les bras l’un de l’autre devant la famille Eyadéma réunie. Mais l’arène politique n’étant pas un plateau de cinéma, on peut aussi imaginer un tout autre happy end. Dernière séquence : Faure, en cavalier de rodéo, essayant de mater l’étalon sauvage qu’est Kpatcha ; ayant le pied pris dans l’étrier et étant incapable de se défaire de sa monture, celle-ci l’emporte hors de la scène politique. Fin du film. Fin de la dynastie Eyadéma. Au grand bonheur du peuple togolais.

Par Saïdou Alcény Barry

L’Observateur Paalga

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