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En Côte d’Ivoire, la sécurité publique ne doit pas rester entre les mains d’intérêts privés étrangers !

Publié le mercredi 7 septembre 2011 à 02h18min

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C’est un préalable politique, diplomatique et économique. Il n’y a pas de hiérarchie. Il faut tout faire tout de suite car, dans ce domaine, il n’y a que des urgences. La question sécuritaire en Côte d’Ivoire - et pas seulement à Abidjan - est une préoccupation prioritaire. La population, après des années de terreur diffuse où tout, soudainement, était possible, et surtout le pire, veut retrouver (autant que faire se peut) la confiance dans son armée, sa gendarmerie et sa police.

Cela fait plus de vingt ans que la situation s’est dégradée ; depuis la chute de Henri Konan Bédié, les affrontements politiques de l’année 2000, le déclenchement de la « rébellion » en 2002 et la déliquescence de l’Etat sur tout le territoire et notamment dans les quartiers de la capitale et les villes et villages de province considérés comme « d’opposition » (quelle que soit cette opposition d’ailleurs) à la suite de cette « rébellion » ratée.

Avec les affrontements post-électoraux de la fin de l’année 2010, l’insécurité a atteint son paroxysme. La « communauté internationale », quant à elle, observe avec attention ce qui se passe sur le terrain, sachant que rien - ou pas grand-chose - ne fonctionne en cette matière et que les dérives sont quotidiennes ; les ONG n’autoriseront à Alassane Ouattara aucune marge de manœuvre : dans cette affaire, il est le « démocrate » et a été élu, justement, pour restaurer l’ordre et la légalité. Les entrepreneurs, enfin, voudraient pouvoir « entreprendre » sans risques et dans un cadre où le gouvernement « gouverne », l’administration « administre » et la police garantit l’ordre républicain plutôt que de racketter les uns et les autres.

Il ne faut pas se voiler la face d’ailleurs : sous Félix Houphouët-Boigny (depuis la fin des années 1980), sous Bédié, sous Robert Gueï et sous Laurent Gbagbo, l’insécurité a été un fléau en Côte d’Ivoire, dans la capitale comme en province. L’effondrement administratif du pays au cours de la dernière décennie ajoute à cette insécurité due aux hommes l’insécurité routière (routes en mauvais état, véhicules en plus mauvais état encore…) et ces dernières semaines, dès lors que le trafic a repris, les victimes ont été nombreuses dans un pays qui pouvait s’enorgueillir d’avoir un réseau routier à la hauteur de ses ambitions.

Ce n’est pas tout. La faillite de l’Etat « gbagboïste » en matière de sécurité a ouvert la porte à des officines qui se sont engouffrées sur ce créneau porteur de la « sécurité ». En un temps où, partout dans le monde en conflit, les SMP (« sociétés militaires privées ») font rapidement fortune, la tentation était grande de s’installer en Côte d’Ivoire. Avec des activités qui, bien souvent, dépassaient le cadre strict de la « sécurité ». On se souvient de « l’affaire Robert Montoya », cet ex-gendarme du groupe de sécurité de l’Elysée proche du couple Gbagbo qui, dès la tentative de coup de force du 18-19 septembre 2002, s’est pleinement investi dans la « sécurisation » du régime Gbagbo et s’est rapidement retrouvé à la tête d’une nébuleuse comprenant plusieurs dizaines de sociétés commerciales, en Afrique, en Europe de l’Est (Lettonie particulièrement), en France…, avant d’être impliqué dans « l’affaire de Bouaké ». On ne parle plus guère de Montoya en Côte d’Ivoire mais beaucoup de Frédéric Lafont. Formé par la Légion étrangère, installé en Côte d’Ivoire dans les années 2000, il va y mettre en œuvre son savoir-faire et ses connexions (il a épousé une franco-ivoirienne : Louise Kado).

« Combattre pour gagner ». Lafont n’a pas oublié les leçons de la Légion (où il aura servi pendant 15 ans notamment au 43ème BIMA à Port-Bouët). Importation de matériel « sécuritaire » puis protection des personnes et des entreprises (société Risk), sécurité maritime et portuaire (société Vision - Louise Kado est proche du milieu des armateurs en Côte d’Ivoire), transport de fonds, transport aérien (compagnie Sophia), bars, boîtes de nuit, restaurants (« Le Mont-Blanc », « Stade de France »…), « événementiel »… diversification au Togo (où il exploite une réserve de chasse de 16.000 ha), au Maroc, en Tunisie, en Algérie. 23 sociétés dit-on ; des milliers de salariés. Sa réputation et sa flamboyance (il possède une collection de voitures de sport qu’il aime exhiber) vont le propulser sur la liste des « proscrits » de l’Union européenne lors de la crise post-présidentielle avant que la décision ne soit rapportée. Lafont peut bien dire qu’il a travaillé, en Côte d’Ivoire, « pour tout le monde, les pro-Gbagbo et les pro-Ouattara » (on dit que c’est à bord d’un de ses jets aux couleurs du RDR que ADO a fait sa campagne 2010), le changement de régime a été, pour lui, une situation à risque. Les luttes d’influence au sein du camp du vainqueur et les règlements de compte l’inciteront alors à prendre le large.

Apparaît dès lors, sur la scène ivoirienne, un colonel, retraité de la gendarmerie, Jean-Grégoire Charaux. Parachutiste militaire, décathlonien, instructeur commando, ceinture noire de judo, amateur de piano classique, parlant couramment anglais et allemand, licencié en droit, diplômé de l’Institut d’études et de recherches pour la sécurité des entreprises (IERSE) de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, stagiaire du Collège européen de police (CEPOL), etc. Il a été directeur des études à l’école de gendarmerie d’Abidjan de 1996 à 1998 et a participé aux activités onusiennes en RCA et en Côte d’Ivoire (dans le cadre de l’ONUCI en 2004-2005).

C’est le samedi 20 août 2011 que débute « l’affaire Charaux ». Charaux, qui vient de débarquer à Abidjan (en provenance de Lomé), y est interpellé avec Laurent Alvès, ex-sous-officier de la Légion, et Jean-Marie Fontaine, un ex-colonel de la gendarmerie. Ils appartiennent au staff de Lafont et viennent réaliser un état des lieux des sociétés ivoiriennes de son groupe et des biens qu’il y possède. C’est le commandant Issiaka Ouattara, dit « Wattao », commandant en second de la Garde républicaine, qui aurait, dit-on, quelques comptes à régler avec Lafont, l’instigateur de cette « interpellation » au nom du principe de précaution : les trois hommes seront présentés comme « à risque » pour la République de Côte d’Ivoire. Embarras de l’ambassade de France et de la force Licorne, vite informés de cette « capture », de l’Elysée et de l’entourage de Ouattara. Charaux porte plainte : « enlèvement, séquestration, vol » (41.000 $ en espèces) et se répand dans la presse (tout particulièrement France-Soir) : « C’est du banditisme sous le sceau d’une autorité militaire d’Etat ».

Charaux profitera de ce qu’il appelle « une bavure de la part des FRCI » pour commenter la situation sécuritaire en Côte d’Ivoire : « Je n’ai pas peur de dire ce que je pense même si ces jours-ci je ne sors pas de mon hôtel de craintes de représailles. Ils sont les mêmes que les voyous d’avant. La seule chose qui a changé ? Leur ethnie. Sinon les mœurs restent les mêmes, la seule chose qui les motive c’est l’argent. Aujourd’hui, ces gens-là squattent des domiciles privés, volent des voitures… ». Il ajoute que son « enlèvement » est « un test fort pour le pouvoir qui suit l’affaire de près » ; « Il faut, dit-il, qu’Abidjan soit débarrassée de la prédation et que gendarmerie et police retrouvent leurs prérogatives » (entretien publié par France Soir). Ce qui ne manque pas d’être un appel du pied pour un renforcement des prérogatives des groupes de sécurité tels que celui de Lafont : si vous n’arrivez à le faire, nous le ferons pour vous… !

A Paris, au sein des « services », on ne manque pas de souligner que ces sociétés privées de sécurité sont un Etat dans l’Etat et contrôlent non seulement leurs propres « troupes » mais aussi une large part des contingents « publics », armée, gendarmerie, police par le biais de leurs réseaux d’influence et de leur capacité à rétribuer les services. Quand l’Etat est fort et structuré, les dérives sont limitées. Mais ce n’est pas le cas, aujourd’hui, en Côte d’Ivoire !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 6 septembre 2011 à 20:59 En réponse à : En Côte d’Ivoire, la sécurité publique ne doit pas rester entre les mains d’intérêts privés étrangers !

    Quoiqu’on dise,la CI se porte mieux après le départ du boulanger braqueur des urnes.ADO n’est peut être pas la solution mais ADO reste la solution

  • Le 6 septembre 2011 à 21:36, par Laurent Alvarez En réponse à : En Côte d’Ivoire, la sécurité publique ne doit pas rester entre les mains d’intérêts privés étrangers !

    Bonjour ou bonsoir,

    Tout d’abord, le 43 BIma n’appartient pas à la Légion mais aux troupes de marine. Lafont n’y a jamais servi. Ensuite, moi c’est Alvarez et non pas Alvès.... et pour mémoire, cadeau, je vous invite à aller lire l’excellent article de votre confrère "jeune afrique" (taper mise au point de laurent alvarez jeune afrique sur google) à qui j’ai expédié les preuves de ce mensonge repris par des plumitifs tels que l’écrivaillon qui a rédigé ce papier à sensation...
    Je n’ai jamais été arrêté pour la bonne raison que.... je ne suis arrivé que le lendemain. Vous voulez publier mes billets d’avion ? c’est ok mais je parie que vous ne publierez pas ce commentaire.

    • Le 7 septembre 2011 à 14:42, par Anti-Franceafrique En réponse à : En Côte d’Ivoire, la sécurité publique ne doit pas rester entre les mains d’intérêts privés étrangers !

      Monsieur Alvarèz,

      En tant qu’ancien gendarme, ne trouvez-vous pas suspect que des individus se promènent aussi allègrement avec une liquidité de plus de 40 000 euros ?! Pourriez-vous le faire en France ou dans un autre pays occidental ? C’est cela la Franceafrique dont on parle si souvent. Un réseau de mafieux qui se permettent en Afrique, ce qu’ils ne peuvent se permettre en France sous peine de se retrouver en prison

      • Le 8 septembre 2011 à 13:53, par Laurent Alvarez En réponse à : En Côte d’Ivoire, la sécurité publique ne doit pas rester entre les mains d’intérêts privés étrangers !

        Bonjour.

        Tout d’abord, ancien gendarme d’ou ? france ? Local ? Il faut garder raison et suivre le fil. Lafont a peut être été un proche de l’ancien régime, certes... et alors ? Toujours est il que le régime en place fait n’importe quoi. La vérité est que la RCI s’emploie à plomber ses sociétés et avoir pour régler des comptes peutre être légitimes (ou pas.....) Je suis contre la franceafrique, je suis contre le colonialisme et même contre la politique de mon pays en matière d’afrique. Je ne suis pas resté longtemps mais les salariés du groupe me nommaient laurent et pas "patron". Pour l’argent, c’est un peu plus complexe et ce n’est pas ici que je vais vous en causer. Virer des sommes sur les comptes actuels consisterait tout simplement à remplir les poches d’employés locaux peu scrupuleux en matière d’honneur. C’est pour cela que j’ai été recruté. remettre de l’ordre dans ce binz. Il y a eu une transaction ! oui ! tout le monde le sait. Vous savez comment les FRCI ont eu vent de cela ? Non... personne ne le sait mais moi oui... Au fait, il est ou cet argent et montrez moi un texte RCi qui dise le contraire que ce qui a été fait. A vous lire.Pour la rédaction, je vous ai expédié la mise au point me concernant dans jeune afrique. pas de réponse de vôtre part... étrange de la part de professionnels tels que vous.

  • Le 7 septembre 2011 à 02:05 En réponse à : En Côte d’Ivoire, la sécurité publique ne doit pas rester entre les mains d’intérêts privés étrangers !

    Le ministre Ham. Bak. a été on ne peut plus clair : être citoyen français ne vous met pas au-dessus de les lois ivoiriennes. Ils ont été arrêtés comme n’importe quel ivoirien ou étranger l’aurait pu l’être si un quelconque soupçon pesait sur lui. On n’est plus dans la voyoucratie en CI. Pourriez-vous seulement trimbaler une telle somme en espèce en France sans risque ? soit disant que c’est pour payer le carburant. On ne connaît pas de chèque à Abidjan ? Foutaise !

    Ces gens puent la haine et veulent par là mettre à mal les relations entre le pouvoir et la France et surtout déstabiliser un valeureux soldat. Nous en appelons à la lucidité du Président ADO pour démanteler ces sociétés de sécurité privée qui ne sont que des milices privées.

    Quant à Wattao, qu’il sache qu’on est derrière lui. Ya foé !

  • Le 7 septembre 2011 à 10:28, par dédé En réponse à : En Côte d’Ivoire, la sécurité publique ne doit pas rester entre les mains d’intérêts privés étrangers !

    Un brigand a peur d’être brigandé n’est ce pas ?
    Celui qui a mis du feu a peur du feu.
    Hamback, N’oublie pas quand tu étais à l’Université au Burkina
    Tu avais détourné l’argent envoyé aux ivoiriens par feu Hpuphouet Boigny pendant que tu étais le président des élèves et étudiants vivant au Faso AU Temps de la révolution sous Thomas Sankara. Quand on te cherchaient c’est au camp que tu es allé te caché et labas tu as su te défendre malgré que tu avais bouffé une partie de cet argent entre abidjan et ouaga avec ces inombrables voyages par avion que tu faisais étant étudiant.Le dossier est toujours là au burkina.Détourner et Défendre les délinquants, Le vol Mr le ministre sait le faire : prendre ce qui le t’appartient pas.
    Tout ce que les ivoiriens demandent, c’est la sécurité de tout citoyen du monde vivant en Côte d’Ivoire sans discrimination.
    Arrêtons de toujours nous défendre à partir de la gestion de Bgagbo pour lui, c’est fini donc activez vous à mettre de l’ordre dans les rangs au lieu de trop s"expliquer.
    Le sursit dure jusqu’à fin 2011. En 2012 on vous jugera et là ne nous emmerdé pas avec tous ce que le pouvoir bgabgo a fait ou n’a pas fait. D’ailleurs, on sait qu’on l’a empêché de tourner depuis 2002 donc au travail assez parlé.Faites vos preuves.Enlevez vos dozos, vos analphabètes dans les commissariats du pays et sur les routes. Sécuriser tout Abidjan et tous les confins du pays dans un meilleur délai sans trop parlé pour le bonheur de tous les ivoiriens et les citoyens de la CEDEAO qu’on rackettent et braquent chaque fois sur les routes ivoiriennes.

  • Le 7 novembre 2013 à 10:13, par Commando Bob En réponse à : En Côte d’Ivoire, la sécurité publique ne doit pas rester entre les mains d’intérêts privés étrangers !

    Je suis à Ouagadougou mais la formation avance bien la formation initiale du C.E.C ou CNEC est fini c’est la phase des stages pratiques qui va commencer et je voulais débuter ça chez moi à Koudougou .Donnons-nous rendez-vous à Koudougou à partir de maintenant aujourd’hui c’est jeudi 07 Novembre 2013.Faudrait informer les FANCI et les Forces Nouvelles avant d’effectuer ce déplacement .Je suis Chef d’Etat Major Armée de l’Air de Formation (Commando Fusilier de l’Air ).
    C’est Armée Nationale de le République de Haute Volta .
    Burkina Faso sera impérativement Haute Volta .
    Par Général BADOLO Boukary

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