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Projet "lutte contre les fistules obstétricales dans le Sahel" : 89% de taux de succès, des indicateurs au vert

Publié le lundi 5 septembre 2011 à 02h32min

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Le Projet « d’appui au programme de lutte contre les fistules obstétricales pour l’amélioration de la sécurité humaine et du bien-être de la population de la région du Sahel », lancé en 2008 sera à son terme en fin 2011. Un constat de la mise en œuvre effectué courant août 2011, dans la région révèle un bilan de mise en œuvre satisfaisant pour tous les acteurs avec un taux de succès des traitements des fistules de 89%, une prise en charge de 264 femmes victimes de fistules sur une prévision de 400 et des indicateurs au vert pour la santé reproductive, le taux des accouchements assistés étant passé de 26% en 2006 à 56% en 2010.

En cette matinée de mardi 23 août 2011 dans le village de Yakuta (à une vingtaine de kilomètres de Dori) dans la région du Sahel, s’est réveillée une jeune dame, du nom de Hadjatou Hama. Hadjatou Hama n’a vécu qu’un quart de siècle (elle a 26 ans), mais que de misères en si peu de temps ! A l’âge de dix-huit (18) ans, elle a connu sa première grossesse, mais a accouché de deux enfants mort-nés. Voilà que commencèrent ses problèmes de fistules obstétricales et une vie au foyer, impossible. Mais grâce au projet d’ « appui au programme de lutte contre les fistules obstétricales pour l’amélioration de la sécurité humaine et du bien-être de la population de la région du Sahel », elle a été prise en charge, puis traitée.

Elle a retrouvé l’affection de sa famille depuis plus d’un an, et réintégré son foyer il y a à peine un mois. Aujourd’hui, elle a fière allure et participe même aux évènements heureux comme malheureux du village. Justement, en ce mardi 23 août 2011, au moment où nous la recherchions, elle compatissait aux douleurs d’une famille ayant perdu un proche parent. Point donc de travaux champêtres, ce jour ! Sa voisine immédiate est enthousiasmée à l’idée de retrouver une certaine ambiance : « Avant, il y avait beaucoup de discriminations envers elle. Maintenant qu’elle a retrouvé sa santé, il y a une parfaite harmonie dans le voisinage ».

Mlle Aïssatou Cissé, elle, habite le secteur n°2 de Dori. Tout comme Hadjatou Hama, elle a été victime de fistules obstétricales. Alors que Hadjatou de Yakuta est totalement guérie, la jeune Aîssatou, elle, suit toujours un traitement. Elle a subi trois interventions dont la dernière remonte à janvier 2009. Aujourd’hui, le traitement et la prise en charge reçus, grâce au projet, lui ont permis de recouvrer la santé et d’avoir le loisir d’aller au marché faire ses emplettes comme toutes les autres filles. Grâce au volet réinsertion socio-économique du projet (qui octroie au moins cent mille à chaque femme traitée), elle a pu développer un petit commerce et faire l’embouche ovine qui lui permettent de s’occuper sereinement, après les travaux ménagers.

Près de trois cent cas traités en deux ans six mois

A quatre mois de la fin officielle du projet « d’appui au programme de lutte contre les fistules obstétricales pour l’amélioration de la sécurité humaine et du bien-être de la population de la région du Sahel », mis en œuvre, grâce à l’appui financier de l’UNFPA et du Grand Duché du Luxembourg, avec le soutien technique de la Direction régionale de la santé du Sahel, l’ONG Family Care International (FCI) et des associations communautaires de lutte contre la fistule, tous les acteurs sont unanimes sur un constat : le satisfecit dans sa mise en œuvre.

Le projet dans sa conception avait pour objectifs stratégiques, la prévention de la survenue des fistules obstétricales par l’augmentation de l’âge des jeunes filles au mariage et à la première grossesse, le renforcement de l’accès des femmes à la contraception pour la prévention des grossesses précoces et/ou non désirées et l’espacement des naissances, l’augmentation du taux des accouchements assistés et de la prise en charge des complications obstétricales, le traitement des cas de fistules existants par l’amélioration de l’accès à la prise en charge et la réinsertion des femmes victimes de fistules obstétricales. A l’examen des actions, Dr Saîdou Gnanou , directeur régional de la Santé du Sahel, pilote du projet, affirme sans détour : « Depuis le démarrage du projet, nous pouvons estimer le taux de succès des opérations des femmes atteintes de fistules dans nos structures, à 80, voire 90% ; c’est un résultat réconfortant qui nous permet de dire que les choses s’annoncent bien pour la lutte ».

Ces propos sont corroborés par ceux du médecin-chirurgicien détaché par l’UNFPA au CHR de Dori pour le traitement des malades, Dr Moussa Guiro : « notre taux de succès dans le traitement est de 89% ; nous avons des cas simples, des cas complexes et des cas très graves. Le taux de 89% est un bon taux ; il aurait pu être meilleur, si les cas qui nous viennent des autres régions n’étaient pas des malades déjà opérés plusieurs fois, rendant encore complexes les traitements à notre niveau. Globalement le projet a apporté un ouf de soulagement dans la prise en charge des fistules ». Dr Béré Séverine Yolande, conseillère technique nationale en santé de la reproduction et détachée auprès de la direction régionale de la Santé du Sahel pour la mise en œuvre du projet, relève pour sa part, qu’à la date du 30 mars 2011, ce sont 264 cas qui ont été traités au CHR de Dori et quarante sont en attente d’être traités. En 2009, ce sont quatre vingt-cinq femmes, en 2010, cent vingt-huit et en 2011, soixante onze en fin mars.

Elle a indiqué que la donne aurait pu évoluer, si le projet n’avait pas connu un retard de démarrage, puis confronté au souci administratif de décaissement des fonds pour l’effectivité des activités. Dr Béré a aussi noté que la prise en charge et le traitement des cas de fistules connaissent un ralentissement dû à la réhabilitation en cours du bloc opératoire du CHR de Dori, ainsi qu’à la réhabilitation du Centre d’accueil (dans lequel sont reçues les femmes avant, pendant et après l’opération). D’autre part, le directeur régional de la Santé, Dr Gnanou s’est réjoui que sa région sanitaire puisse disposer des capacités techniques pour traiter les cas de fistules, lesquels ont longtemps contribué à maintenir les indicateurs au rouge en matière de santé de la reproduction. « Un accent a été mis sur le renforcement des compétences des agents de santé, ainsi que l’équipement des structures sanitaires pour nous permettre désormais de prendre en charge toutes les femmes victimes de fistules » explique-t-il. Aujourd’hui, il y a beaucoup de lueurs d’espoir consécutives à la mise en œuvre du projet. Selon le point focal du projet fistules, Marc Ganou, les indicateurs d’utilisation des services de santé qui étaient de l’ordre de 14 -15% en 2003, sont aujourd’hui, passés à 40%. Quant au taux des accouchements assistés, il est passé de 26% en 2006, à 50%, en 2010.

L’approche communautaire pour la sensibilisation au dépistage

Si le projet peut se réjouir de ces résultats, c’est aussi en grande partie à l’action de l’ONG FCI (Family Care International) et des associations qui ont assuré les actions de sensibilisation, de prévention, mais surtout d’orientation des femmes atteintes de fistules vers les formations sanitaires.

Pour beaucoup d’acteurs, l’approche communautaire a été efficiente dans la prise de conscience que le phénomène pouvait trouver une solution curative. « Il y a une avancée significative, au regard du nombre de cas dépistés. Nous remarquons que la population arrive, malgré les réticences à comprendre le bien- fondé du projet. Voir aujourd’hui que ce sont des chefs de famille, des mères, des fois, des maris qui s’approchent des associations en charge des dépistages, alors, je crois que la satisfaction est là ; surtout pour un changement de comportement, ce n’est pas en trois ans qu’il faut s’attendre à mieux que ça » a laissé entendre le superviseur de FCI, M. Sanou. Dans la structuration de la mise en œuvre du projet, l’ONG FCI a recruté quatre associations à base communautaire (soit une par province) pour les activités d’information, de sensibilisation et d’orientation vers les formations sanitaires pour le traitement et la prise en charge.

Dans la province du Séno, c’est l’Association Kholesmen de Mme Aïssatou Hama qui mène le combat. « Le projet a vraiment porté la lutte contre les fistules. Même au fin fond du Sahel, toutes les femmes savent que même si on ne peut pas empêcher une jeune fille de se marier tôt, on doit se rendre dans un centre de santé, dès qu’on est enceinte jusqu’à l’accouchement ». Et de raconter comment son association procède dans la sensibilisation : « Sur le terrain, nous avons des actions de sensibilisation sur les mariages précoces, les difficultés liées aux accouchements, les accouchements assistés, le suivi des grossesses, les consultations prénatales. Après, nous procédons à la mise en place de petites cellules composées de deux à quatre personnes, afin de nous renseigner sur les femmes qui ont des difficultés à l’accouchement. Après avoir identifié chaque femme, nous procédons à un entretien avec elle, ses parents, son entourage.

En général, les cas rencontrés ont des âges compris entre 14 et 50. La majorité a eu la fistule à la première grossesse ou à la deuxième. Nous avons pu traiter 84 cas. A l’issue de l’entretien, dès que la femme marque son accord, nous prenons un rendez-vous au CSPS le plus proche pour confirmer, si c’est une victime de fistules. Si c’est le cas, nous faisons un entretien avec les parents pour voir les conditions de son orientation au CHR de Dori pour son hospitalisation et son opération ».

Selon le Dr Moussa Guiro, chargé de la prise en charge chirurgicale, le traitement des fistules obstétricales est gratuit : « La femme ne débourse pas de sou, depuis le bilan préopératoire jusqu’à sa sortie. Elle est prise en charge, du début jusqu’à la fin et les traitements sont gratuits ». Selon les observateurs, la bonne mise en œuvre du projet a fait que des malades atteints de fistules venant aussi bien des régions du Burkina que de la Côte d’Ivoire et du Niger sont même référés au CHR de Dori.

Des dispositifs de réinsertion socio-économique

Déjà marginalisées et refoulées de la société pour leur problème de santé, les femmes opérées d’une fistule obstétricale bénéficient d’un accompagnement psychologique, mais surtout de la mise en place d’activités génératrices de revenus pour se refaire une « nouvelle vie ». Selon Dr Béré Séverine Yolande, le bilan physique fait en mars 2011, relevait que cent cinq femmes opérées avaient reçu chacune, la somme de cent mille CFA pour mener des activités dans le cadre de leur réinsertion. La plupart ont opté pour l’embouche ovine ou bovine, eu égard à la spécificité de la région (favorable à l’élevage). Les associations pour leur part, assurent le suivi de ces activités et la sensibilisation aux conditions d’hygiène à observer par les femmes traitées, avant leur première visite qui doit s’effectuer trois mois après l’opération. Pour ce faire, un dispositif d’animateurs et de superviseurs assurent la bonne fonctionnalité de ce processus. A côté, l’accent a été mis sur la formation de quatre comités de leaders provinciaux et le projet de formation d’un comité régional de sages pour la promotion de l’accouchement assisté et la lutte contre le mariage forcé dans la région du Sahel.

Aujourd’hui, le souci de certains acteurs réside dans l’après-projet, étant entendu, qu’il prend fin en décembre 2011. Pour le Dr Moussa Guiro, l’accent doit être mis sur les volets traitement et réinsertion sociale, car le volet prévention a eu beaucoup de partenaires et aidé par les subventions pour les SONU, l’appui de Help. « Au niveau du traitement et de la réinsertion, il n’y a pas beaucoup de partenaires. Il va falloir alors, en trouver pour prendre la relève du projet ou bien demander aux partenaires qui s’occupent de ce volet, l’UNFPA en particulier, de voir comment accompagner ces deux volets, afin que nous ne revenions pas à la case

départ », estime-t-il. Dr Béré Séverine, conseillère technique en santé de la reproduction, abonde dans le même sens : « il faut que l’UNFPA ou le gouvernement trouvent des possibilités de frapper à d’autres portes pour faire un plaidoyer dans le sens d’une prolongation du projet ». Elle ajoutera que dans l’objectif de pouvoir traiter toutes les femmes identifiées avant la fin du projet, il serait souhaitable d’organiser une campagne de cure au niveau du CHR de Dori pour éviter des chocs psychologiques chez les femmes déjà dépistées.

Ismaël BICABA (elbicab @gmail.com)

Sidwaya

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