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Aménagement urbain : Des villes abracadabrantes

Publié le lundi 5 septembre 2011 à 02h33min

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En seize ans de gouvernance locale pour les communes de plein exercice, les conseils municipaux ont beau se démêler, les villes burkinabè ont du mal à se débarrasser de leur caractère de ruralité. Des grandes aux moyennes en passant par les rurales consacrées en 2006, elles ont vraiment du pain sur la planche pour imposer la nouvelles dynamiques de construction d’une véritable cité. Non seulement les ressources font énormément défaut pour entreprendre des travaux urbains (voiries et assainissement) dignes de ce nom mais aussi le comportement des habitants est loin d’être celui de personnes vivant en ville. Même la si flatteuse propreté de loin de Ouagadougou n’échappe pas à cette réalité d’insalubrité et de mal de vivre.

Le bourgmestre, Simon Compaoré et son équipe ont certes mis les bouchées doubles en trois quinquennats mais leurs actions tombent telles de fines gouttes d’eau dans une grande mare. La capitale a bien se parer de ses plus beaux artifices dans sa partie centrale, sa périphérie pue, répugne et rebute. Cela résulte du fait que la gestion municipale burkinabé a longtemps consisté à parceller un terrain vide ou en désordre résidentiel, le partager et le mettre à la disposition des « sans logis à soi » pour des habitats, qu’ils soient des plus précaires ou des plus huppés. Voilà ce qui a été pendant longtemps le processus national d’urbanisation.

De la colonisation aux indépendances, des Etats d’exception à la démocratisation, les villes naissent, se développement sans que l’on prenne le soin de souscrire à un préalable si vital pour une vie saine dans une cité saine. « Débrouillez-vous pour circuler, s’adonner à vos loisirs, satisfaire à vos besoins très pressants, etc. », semble être le maître-mot de toutes les municipalités. Et tous les habitants pataugent dans un désordre urbain, se contentant d’une situation désolante mais ils se consolent de pouvoir au moins tenir le grand coût de vivre en ville, là où il y a au moins l’eau courante, l’électricité, le téléphone, les grands centres hospitaliers, … Bref, le luxe apparent dans cet ilot de misère pour lequel la dignité perd souvent son sens. Les villes burkinabè s’étendent en long et en large sans le moindre charme urbain.
L’entendement burkinabé de zone viabilisée n’est vraiment pas celle que l’on souhaiterait pour s’installer sur un terrain loti. Il ne vaut pas celui moyenâgeux des cités occidentales pour lesquelles tout le schéma a été pensé à priori alliant expansion et innovation.

La vieille ville rompt certes avec la nouvelle mais elle revêt un air comparatif d’évolution et d’adaptation. Du choix des moyens d’assainissement aux voiries sans oublier les matériaux de construction. En dehors du ministre Vincent T. Dabilgou qui a édité un manuel illustratif de l’habitat et de l’urbanisme burkinabè, cet aspect du développement manque de rappel historique. Il ne s’agit pas de se borner sur une remémoration des modes d’habitat de chaque peuple qui continue d’inspirer les architectes dans leur habileté mais de savoir relater le processus national de construction nationale des villes comme l’on s’en aperçoit au muséum de Shangaï qui garde un vivant souvenir de cet hameau de commerçant devenu l’un des mégapoles les plus florissants du monde. Cela appelle une lucidité pour concilier les besoins infrastructurels avec la croissance des habitants. Or les investissements urbains en Afrique prennent appui sur la surprise insupportable.

A l’instar de nombreux pays du continent, l’aménagement urbain burkinabé se résume le plus souvent à une opération de lotissement, d’ouverture de voies et pour les plus chanceux, avec une connexion à priori aux réseaux d’eau, de téléphone et d’électricité. Voilà ce que la Société nationale des terrains urbains (SONATUR) appelle « Prêt à construire ». Il y manque les fondements propres à une ville qui se caractérise par une somme sous-adjacente de réalisations, d’installations et d’attitudes. Cette mission dévolue à la municipalité se résume à un tracé lapidaire de six mètres opéré par une commission de lotissement bourrasque dans un lopin de terre longtemps « non loti » et puis « Pauvres chercheurs de parcelles, habitez ! ». Dès que cette étape franchie après des décennies d’occupations anarchiques, aucune autorité centrale ou locale ne se soucie encore des occupants de ces sites dits aménagés.

Ce sont les voitures, les motos et les pieds qui vont damer la terre jusqu’à ce que des rues ou des avenues s’illustrent de façon pérenne. Aucun engin ne vient encore là pour quelques travaux de voiries que ce soit. Hier, aujourd’hui et peut-être demain, ce sera la même pratique pour offrir des terrains habitables à des populations que l’on qualifie abusivement de citadines. De vieux quartiers de Ouagadougou aux nouveaux, il en est ainsi même s’il faut marquer une exception sur Ouaga-2000. Les concepteurs burkinabè ne semblent pas tirer les leçons du ratage du plan de leur capitale qui a engendré le déguerpissement d’une partie du centre-ville et l’éventrement sans cesse des voies de cette zone pour des égouts.

Il n’y a rien dans la conduite des nouveaux lotissements qui remet en cause cette errance. L’urbanité souffre de l’absence d’une réelle politique nationale de la ville.
C’est le sort de la majorité qui sonne tel un abandon. Celle-ci est confrontée à de réelles difficultés en ces temps de pluies. Canalisations, voies de circulation, insécurité, la ville ressemble à une campagne où d’énormes défis restent à relever. Voilà que ces écueils du Petit-Ouaga ne sont pas résolus qu’en bon Burkinabé sautant de coq à l’âne, il est ronronné la mise en œuvre utopique du Grand-Ouaga. Avec la rigolade initiative du tramway pour une ville qui éprouve du mal à se doter d’une société performante de transport urbain en commun. L’on a cru que l’érection d’un ministère consacré à l’Habitat et à l’Urbanisme allait permettre un recadrage de la conception de la ville au Burkina Faso.

Que la survenue du douloureux sinistre du 1er –Septembre serait une source de leçons qui pousserait l’Etat et les pouvoirs locaux à accentuer leurs actions ainsi qu’aux habitants à changer leurs comportements. Toutefois, le binôme de ce département manque d’une logique d’arrimage pour aboutir à une histoire et à une sociologie urbaine. Le gâchis visible en la zone viabilisée de Sapaga, route de Koupèla, avec les bisbilles et l’inoccupation révoltante, traduit cette insuffisance. La fonctionnalité et la convivialité de structures conçues et adaptées à la vie des villes manquent énormément. Entre la profusion de discours électoraliste pour améliorer la situation et l’infimité des réalisations entreprises, le phénomène persiste. Le savoir vivre empreint de raffinement axé sur la civilité et la courtoisie est la chose la moins partagée. Maintenant que les populations et les autorités s’égosillent à vanter les éphémérides mirobolantes de la démocratie d’une stabilité instable, il sied d’appliquer activement en ville la force publique contre l’élevage et la pratique de l’embouche bovine, le vidage anormal des fosses sceptiques dans la rue surtout pendant la pluie, le défécation en plein air, les nuisances sonores, l’encombrement volontaire des caniveaux, le ramassage abusif de sable, l’usage des ânes, le jetage insolant des eaux usées, etc.

Si la Police municipale prend efficacement part à un tel combat, au lieu de se cantonner autour des feux tricolores qu’elle abandonne de façon irresponsable en cas de coupure d’électricité, elle va énormément contribuer à amoindrir les limités criantes actuelles du plan d’urbanisation. Cette année encore, le pays risque de compter encore de nouveaux anciens sinistrés, soit parce qu’ils ont trouvé l’astuce de s’accaparer de l’aide de l’Etat sans rejoindre le site de relocalisation de Yagma, soit ils s’obstinent à ne pas quitter les zones inondables. Si l’on se réfère aux prévisions de « Cités unies » qui annoncent que plus de 70% des populations de la planète vont habiter les villes d’ici à 2050, il y a de quoi craindre pour l’avenir.

Le Burkina Faso a longtemps pêché par la propension de ses habitants à user des « non lotis » comme une chaussure « en attendant » pour espérer s’offrir un toit ou les frauduleuses délices de la spéculation foncière. Malgré le nombre de prédateurs qui ont été écroués dans ces opérations illicites, conseillers municipaux et autres démarcheurs ne démordent pas. En l’absence d’un crédit immobilier digne de ce nom permettant à la majorité de rêver d’un logement décent de son rêve à moindre coût, cette issue paraît la plus royale. Sans être des bidonvilles à proprement parler, les « non lotis », concentrés de toutes les couches sociales incertaines, ont dévisagé et désorienté fortement la physionomie d’urbanisation des villes burkinabé.

Et ce ne sont pas les « prisons sociales » sacrées en le Programme national « 10 000 » logements et la « surenchère immobilière » orchestrée par des promoteurs voraces qui vont changer la donne. L’on se refuse à reconnaître qu’en un éphémère quatre ans de gouvernance, la Révolution démocratique et populaire (RDP) a eu le mérite d’ériger une cité dans chaque chef-lieu de province, malgré les errements que l’on prête, à tort ou à raison, à ce régime. A dire vrai, actuellement l’heure est aux gros villages que l’on appelle abusivement des villes tant elles sont composées de taudis sans aucun assainissement ni voirie. L’échec est parlant. C’est bien de dresser des filets contre les éventuels dealers de terrains urbains mais il faut songer aussi à ouvrir, avec cette nouvelle équipe commise à la tâche, une brèche pour arrêter la tentation des opérations de lotissement, une brèche qui entraînera un tremplin du mieux vivre au-delà de l’obtention d’une parcelle. Mieux gérée, la manne générée par les souscriptions peut, en grande partie, aider à tendre vers cette nouvelle vision de l’approche urbaine.

Dorcas Céleste KOIDIMA (dorcas.koidima@yahoo.fr)

Pour lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 5 septembre 2011 à 08:12 En réponse à : Aménagement urbain : Des villes abracadabrantes

    Félicitations a l’auteur de cet article qui a dépeint la situation de nos villes. En réalité on n’a pas une véritable politique de l’habitat. Regardez nos conseils municipaux. Leur principale preocupation ce sont les lotissements qui le plus souvent ne font que le bonheur des spéculateurs. Et quels lotissement : quatre bornes !!!! Même la SONATUR dont vous faites cas, voyez sur certaines zones amenagees ce qui est fait comme viabilisation. Allez sur la zone extension sud de Ouaga 2000 sur la route de Po un peu avant le golf Club, vous constatetez ce qui s’y passe. Depuis le début de ce projet en 2003, la Sonatur peine a finir la viabilisation tant chantée. Et depuis plus de de 8 ans les attributaire attendent les branchements d’eau pour commencer les travaux car il n’existe aucune source d’eau dans les parages.

  • Le 5 septembre 2011 à 13:10, par forguirawa En réponse à : Aménagement urbain : Des villes abracadabrantes

    Propositions pour un meilleur assainissement de la ville au Burkina Faso :
    1ère étape : Commanditer une étude de faisabilité avec des cabinets privés spécialisés en hydrologie, en géologie, en topographie et en urbanisme pour définir un schéma de drainage des eaux de ruissellement et usées par des caniveaux. Ceux-ci doivent mailler la ville de sorte qu’ils préservent les voies réservées à la circulation.Ces cabinets le feront en fonction du relief de chaque ville, les bas fonds devant constituer des zones d’accueil de ces eaux car nous savons tous que le peuplement de nos cités se sont toujours fait autour de point d’eau. Sans eau il n’y a pas de vie.Le revêtement des caniveaux sera fonction de la nature du sol : laissés en latérite car le drainage ne peut pas user la roche, en béton armé, en dalles préfabriquées, en pierres taillées, etc.
    2ème étape : Il s’agit de lancer de grands travaux à haute capacité de main d’oeuvre pour creuser et construire ces caniveaux. Il serait judicieux de le faire pendant les vacances parce qu’il y a trois avantages évidents : l’emploie des jeunes au chômage ; la possibilité de corriger les erreurs de terrain avec la saison pluvieuse et cela peut susciter des vocations en matière de travaux publics enfin. Les élèves dont les parents n’ont pas assez de ressources pour les frais de scolarité ou répondre à leurs besoins en cours d’année pour avoir de quoi le faire par les rémunérations qu’ils auront dans l’exécution de ses travaux publics.
    3ème étape : Le pilotage et le financement. Le gouvernement s’occupera de la première phase par des appels d’offre nationaux et internationaux selon les subdivision de l’opération en vue de recruter un cabinet compétent. Au besoin, il pourrait être créée une agence nationale d’assainissement des villes indépendante de l’ONEA. Il paiera l’exécutant avec le budget national.
    En ce qui concerne le paiement des entreprises ou des sociétés coopératives adjudicataires des contrats publics qui seront attribués, les communes ’urbaines ou rurales’ se chargeront de le faire. Il doit être rédigé un cahier de charge strict quant à l’exécution de ces caniveaux. Il peut s’agir soit de majorer la taxe de jouissance pour comprendre les frais d’exécution de ces ouvrages, soit de le détacher complètement pour que celui qui se plaindra de ne pas bénéficier de caniveaux à sa devanture se voit imposer le paiement de ces frais d’assainissement.
    L’exécution se fera par étape selon le relief et la part de buddet dégagée annuellement. Les villes comme Ouaga et Bobo seront les villes pilotes.
    Voici mes propositions d’assainissement des villes au Burkina Faso.

  • Le 5 septembre 2011 à 13:15, par urbaine indignee En réponse à : Aménagement urbain : Des villes abracadabrantes

    Ce requisitoire est bien a propos et reflete certainement la situation urbaine du Burkina.

    Sans dedouaner les pouvoirs publics, il faut remarquer tout de meme qu’une politique nationale et meme un plan d’actions existent en la matiere. Le defi reste de tout cela en musique. Et c’est la ou toute la communaute nationale attend le Ministre Barry, et l’ensemble de l’appareil gouvernemental. Qui sera juge a l’aune des resultats.

    Les questions demeurent : volonte politique de rompre definitivement le monopole de fait accorde dans la production du logement location-vente ? Application effective de TOUTES les regles et procedures d’amenagement et de lotissement ? Mise en place de fonds d’amenagement ?

    Le Ministere aura-til les marges necessaire ? Les Collectivites seront-elles moins gourmandes ? La gouvernance urbaine sera-t-elle ....???????

  • Le 5 septembre 2011 à 17:10 En réponse à : Aménagement urbain : Des villes abracadabrantes

    Vous n’avez pas encore fini de regretter le PF Thomas Sankara.Si il etait là le Burkina etait loin loin loin niveau developpement que maintenant

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