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Œuvre nationale : Au Burkina Faso, l’administration est loin d’être une continuité !

Publié le lundi 22 août 2011 à 02h38min

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Il y un cynisme pernicieux à chaque changement d’équipe gouvernementale. La prêche dans la ferveur que l’œuvre sera inscrite dans la continuité n’empêche pas certains nouveaux d’estimer que leur entrée dans le cercle restreint de l’exécutif consiste à tout remettre en cause pour ouvrir d’autres brèches, souvent inutiles. Un comportement infantile guide leurs actions et instaure un perpétuel recommencement dans ce pays pauvre aux ressources très insuffisantes. La majeure partie du temps est gaspillée dans des réflexions et des initiatives à contre-courant visant à saper ce qu’on est venu trouver. Alors que toute action humaine doit être appréhendée sous la dualité des « acquis et des insuffisances », « des forces et des faiblesses », « des avantages et des inconvénients ».

Les ministres qui ont saisi cette lucidité managériale, dans une dynamique d’améliorer l’existant- sont en train d’accomplir des miracles à travers des innovations acclamées par toute la population. Lorsqu’on s’écarte de cette considération, on se met à s’étonner devant telle ou telle pratique dans le ministère, de clamer « plus jamais ça ! » ou de sombrer dans des promesses démagogiques. Les Burkinabé ont souvenance d’avoir entendu à maintes reprises ces sifflets moribonds de la gouvernance irresponsable.

Aussi bien les régimes que les gouvernements et divers services de l’Etat, quand on parvient au perchoir, il faut nécessairement commettre innocemment ou volontairement la bêtise de démontrer que celui qui a devancé n’a rien foutu de bon et chercher à l’enfoncer au maximum. Des ministères entiers fonctionnent dans un insolent cafouillage. La cacophonie est telle que l’on croirait que l’action gouvernementale ne bénéficie d’aucune vision : « un pas en avant, deux en arrière ». Si bien que des départements ministériels soient toujours là à épiloguer sur une éventuelle Politique nationale dans leurs secteurs de prédilections. Sans boussole, cela augure un manque de gouvernail, donc une navigation à vue, creuset de toutes les bêtises. Des axes de développement initiés par l’équipe précédente sont maintenues en l’état ou déclassés, sans aucune explication, quelles que soient leur pertinence.

S’il est vrai que certains membres de l’équipe antérieure ont péché par laxisme ou incapacité sur certains dossiers, il n’en demeure pas moins qu’ils ont néanmoins enregistré des résultats probants sur certains fronts. Le bon sens voudrait que l’on passe en revue l’ensemble des dossiers dont on a hérité pour peser le pour et le contre des décisions à prendre. Sans un diagnostic approfondi, il paraît hasardeux de s’incruster dans un domaine qu’on a parfois du mal à appréhender, à comprendre et à cerner soi-même. Et c’est très rare sous nos cieux de se référer à celui qu’on a remplacé pour un éclairage quelconque ou de maintenir ses principaux conseillers. A tort ou à raison, le partant pense le plus souvent que le nouveau venu va fouiner et chercher à trouver son point faible pour l’accabler tandis que l’heureux promu aborde son nouveau challenge avec la peur de glisser sur des peaux de banane dressées à l’intérieur par des partisans de son prédécesseur.

D’anciens ministres sont tombés dans l’enfantillage de sommer leur anciens collaborateurs de ne pas s’investir pleinement dans l’œuvre de leur successeur. Et certains nouveaux de poster devant les domiciles de celui qu’on a remplacé, des « mounafica » ou des « nafigui » pour rapporter qui, des agents, vient rendre visite en de l’accuser d’accointance nuisible. Une chasse aux sorcières s’installe et paralyse le service. Il y a donc discontinuité et non continuité. L’administration s’érige en une case de singes où les uns construisent et les autres détruisent. Dans cette attitude irresponsable, naît un véritable facteur inhibant l’appareil de l’Etat. Il ne s’agit pas de vouloir coûte que coûte tout reprendre mais oser procéder à une évaluation lucide pour s’assurer de ce qui a marché et de ce qui ne l’a pas été pour mieux jouer sa partition à la tête du département.

Il est certes judicieux et même admis de s’entourer personnellement de collaborateurs aux compétences reconnues par soi pour espérer relever des défis mais le plus souvent certains relèvements de postes et des nominations résultent bien de considérations fallacieuses. « C’est l’homme d’un tel », « On n’était pas d’accord avec ceci ou cela mais votre prédécesseur n’a pas voulu entendre raison », « Vous allez vous-même découvrir ce qu’il a commis comme gaffe ici avant de partir », sont autant de blabla qui poussent à la chasse aux sorcières, à balayer du revers de la main tout ce qui a été entrepris par son prédécesseur et ses « hommes et femmes » à l’ouvrage, à tout remettre en cause sans le moindre esprit de discernement.

A l’emporte-pièce, ils effacent la mémoire et l’expertise de certains départements ministériels. Bien que relevant du pouvoir discrétionnaire, certaines nominations sont sans fondement lorsque l’on s’appuie sur des critères objectifs guidant le rapport profil-poste de responsabilité. Et à chaque Conseil des ministres, c’est le même refrain avec des relents de règlements de compte et rien de nouveau : « Le présent décret vise à mieux… », « L’abrogation de cette disposition tend à ... », « La suppression de cette structure poursuit l’objectif de … », etc. Avec une conviction narcissique et mensongère que si l’on a été appelé à la rescousse, c’est qu’on représente, soi-même, la providence.

Cette façon de mener le bateau commun a vraiment mis en retard certains chantiers de développement. Des ministères entiers se trouvent à faire du-sur-place depuis leur création. « Quelle est cette idiotie bien burkinabé de vouloir rendre service à un système que l’on se défend corps et âme d’appartenir alors qu’individuellement chacun travaille contre l’autre ? ». Une ancienne ministre reçue dans le cadre de « L’invité de la Rédaction » de Sidwaya en 2004 s’en était offusqué : « Le drame au Burkina Faso, c’est que quand quelqu’un hérite d’un portefeuille, il estime que son prédécesseur a été un idiot et il ne faut rien retenir de lui ».

Vivement, que cette bassesse d’esprit dans le management des affaires de l’Etat prenne aussi fin sous Luc Adolphe Tiao pour donner un impact réel au caractère indéniable de continuité qui doit guider la construction de toute œuvre nationale. « Ajouter la pierre à la pierre », c’est ce qu’il sied de comprendre une fois pour toute, en acceptant de marquer efficacement son empreinte, le temps que Dieu l’aura voulu. Sans vouloir s’accrocher à son poste comme une roussette ni chercher à créer l’apocalypse quand on n’est plus aux affaires.
Peut-être les violentes manifestations que le pays a connues contribuent à recadrer le tir. Mais il faut savoir raison garder et apprécier en relativisant la marche actuelle du gouvernement dans ce contexte précis sans blâmer les partants.

« Qui sait si les coups de canons et la colère sans précédent qui s’en est suivi n’ont pas amené les bonzes et les caciques du système- tapis dans l’ombre, connus pour leur force de faire et défaire toute entreprise ou reforme- à lâcher du lest pour adhérer aux ambitions du premier ministre Luc Adolphe Tiao pour ramener la paix et la cohésion sociales ? ». Pour peu que l’on ouvre son intelligence à la bonne compréhension des décisions actuelles, l’on comprendrait aisément que l’urgence et la gravité de l’heure ont favorisé une prise de conscience et suscité la sortie du tiroir et la mise en œuvre diligente de certains dossiers. A la vérité de ce proverbe : « Chat échaudé craint l’eau froide ».

Le remplacement des « seigneurs indécrottables » des sociétés d’Etat, la lutte contre la flambée des prix des produits de premières nécessité, les sanctions contre les mauvais entrepreneurs, la traque des fraudeurs, le combat contre le chômage … sont des promesses déjà entendues. « Pourquoi n’ont-elles pas été tenues juste- là pour éviter au pays les pires temps qu’il a traversés ? ». Leur aboutissement s’est simplement heurté à des montagnes d’intransigeance à divers niveaux. Quoique « gouverner, c’est prévoir », certains ne percevaient pas leur nécessité du moment où la paix sociale était flatteuse et convaincante de la maîtrise de la situation à 5 sur 5.

A remonter jusqu’au premier chef de gouvernement de la IVè République jusqu’à l’actuel, Youssouf Ouédraoga, Roch Marc Christian Kaboré, Kadré Désiré Ouédraogo, Paramanga Ernest Yonli, Tertius Zongo, Beyon Luc Adolphe Tiao, il n’y a pas un qui n’ait pas été animé d’une bonne intention et donné l’assurance de combler ses attentes de la population. « Qu’est-ce qui a amené leur engagement à fléchir ? », « Quelles sont les contradictions internes bloquant les bonnes initiatives du gouvernement ? ». Lorsque le rôle de Présidence, du Gouvernement et du Parti majoritaire n’est pas clairement défini et sereinement joué dans un système pour empêcher que ses différentes composantes ne se marchent sur les compétences et tirent parfois les ficelles l’une contre l’autre, il serait difficile de gagner certaines bataille.

C’est une interpellation au cabinet de Luc Adolphe Tiao que le moment semble donner plus de coudées franches pour tirer les leçons et promouvoir un cadre serein au sein de l’appareil d’Etat afin les femmes et les hommes oints de la confiance du chef d’Etat pour conduire les affaires de l’exécutif puissent accomplir leurs missions les mains totalement libres. Bien sûr en actionnant les garde-fous légaux reconnus en la Haute cour de justice, l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et à la Cour des Comptes pour affirmer la plénitude de la bonne gouvernance au service de la nation et de ses citoyens.

Dorcas Céleste KOIDIMA, (dorcas.koidima@yahoo.fr)

Pour lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 22 août 2011 à 07:34, par Simonide En réponse à : Œuvre nationale : Au Burkina Faso, l’administration est loin d’être une continuité !

    oui belle reflexion mais que faire ?
    que faire si l’homme se croit providentiel ?
    le volaique a disparu et le Burkinabè se conjugue mal au present. je ne suis pas sur que certain on le courage de se mirer dans l’action d’autrui.
    je veux simplement que l’on sache que pile ou face, l’Etat doit etre une continuité et entrer par la grande porte c’est capitaliser les acquis de son predecesseur, exploiter ses faiblesses pour inscrir son action dans la grandeur.
    a voir certaines choses en politique, je dirais que Neron de nos jours serait un apprenti dans le cynisme ...
    l’Etat ne fonctionne pas dans le tout et tout de suite. c’est pour cette raison que c’est l’Etat...
    predant nos repère ne nous playons pas de ne pas avoir des valeurs. ce qui se passe c’est la suite logique de ce que nous avons mal semé en 1983 croyant instauré de nouvelles reference. les peuples sont les memes depuis l’antiquité a nos jours mais les dirigeants ne semble pas comprendre cela.

  • Le 22 août 2011 à 09:57, par Iso En réponse à : Œuvre nationale : Au Burkina Faso, l’administration est loin d’être une continuité !

    Bel article, merci à l’auteur. Ce qu’il faut comprendre également, c’est le fait qu’il n’y à pas d’alternative précise dans ces nominations. Tout changement de tête est perçu comme une sanction à l’encontre de la personne et son équipe, du coup cette équipe devient des indésirables et qui les fréquente verra pour quelque raison que ça soit est mal vu. Il faut alors limiter la durée du séjour de ces têtes dans les services et départements pour éviter ces genres de frustrations. e, du coup cette équipe devient des indésirables et qui les fréquente verra pour quelque raison que ça soit est mal vu. Il faut alors limiter la durée du séjour de ces têtes dans les services et départements pour éviter ces genres de frustrations.

  • Le 22 août 2011 à 12:22 En réponse à : Œuvre nationale : Au Burkina Faso, l’administration est loin d’être une continuité !

    Rien à dire, Celeste ! Voici un écrit d’intellectuel !
    Tout a été dit et surtout bien dit ! Que nos autorités s’en inspirent dans leurs actions quotidiennes !
    Bravo !

  • Le 22 août 2011 à 13:57, par Authentique En réponse à : Œuvre nationale : Au Burkina Faso, l’administration est loin d’être une continuité !

    très bel article. tout est dit

  • Le 22 août 2011 à 14:40, par Maka En réponse à : Œuvre nationale : Au Burkina Faso, l’administration est loin d’être une continuité !

    Très belle analyse du mode de fonctionnement de l’administration burkinabè. Ce qui a manqué ce sont des exemples concrets de ministères qui font du surplace dans leur évolution. Il faut qu’on arrive à interpeller directement ceux qui se rendent coupables du mauvais fonctionnement de notre administration pour les amener à changer ou foutre le camp.

  • Le 22 août 2011 à 14:44, par Minnayi En réponse à : Œuvre nationale : Au Burkina Faso, l’administration est loin d’être une continuité !

    Salut. Je suis séduit par la qualité de l’article ainsi que la profondeur de la réflexion. En tout cas, le mal qui ronge notre gouvernance a été assez diagnostiqué et les remèdes proposés me semblent à la hauteur des problèmes.

    Il reste au principal destinaire et aux destinataires accessoires d’en faire ne serait-ce qu’une piste d’analyse.

    Merci pour la plume !

  • Le 22 août 2011 à 17:40, par Nestor En réponse à : Œuvre nationale : Au Burkina Faso, l’administration est loin d’être une continuité !

    Mes félicitations à l’auteur !
    L’un des Ministères qui illustre cet état de fait est bel et bien le Ministère de la Promotion de la femme en quête de repère entre "Promotion de la femme" et "Promotion du genre".
    Comme les droits humains on aurait dû l’ammarer à l’Action social ou le transformer en un Secrétariat Permenent rataché à la Présidence ou au Premier Ministère et on aurait fait économie d’une charge de Ministre...
    Bref en lisant les déclarations de "la MPF" on se pose souvent la question de savoir ce qu’elle est entrain de servir à "l’autre moitié du ciel"...
    Si on ne me sensure pas je conseil humblement à L.A.T. de la ramener un peu dans le chemin en attendant que dans l’avenir ce Ministère soit supprimer ou trouver une nouvel encrage institutionnel...
    Nestor

  • Le 23 août 2011 à 02:01, par ANGe En réponse à : Œuvre nationale : Au Burkina Faso, l’administration est loin d’être une continuité !

    Bel article !
    il est pertinent et d’actualité. Avec cette vague de nomination, cet article vient à point nommé. C’est cet "intellectualisme" enfantin qui cause plus de préjudice à notre administration que le manque de qualification de certains responsables. Aucune humilité à la prise de service. C’est le "parce que je n’étais pas là que ceci ou cela se faisait. Maintenant c’est fini". Nous nous demandons souvent s’ils viennent tous du meme CDP tant ils se haissent et n’hesitent pas à mettre en causes les acquis du prédecesseur. On ne reinvente pas la roue, cher ministre "togueyini".
    Vivement que cet article soit diffusé et que nos responsables se resaisissent.
    Que Dieu benisse le Faso !

  • Le 23 août 2011 à 05:36, par Mars2larym En réponse à : Œuvre nationale : Au Burkina Faso, l’administration est loin d’être une continuité !

    cet article n’aurait pu mieux décortiquer cet état de fait..plus qu’une reflexion c’est un constat aussi amer que d’actualité..je me surprend dès fois entrain de penser que Soungalo Ouattara est un super ministre (il n ’en demeure pas moin que c’est vrai) tellement il est dévoué..mais à y penser,c’est normal non,qu’il travaille bien..juste pour vous dire que dans ce pays on est pas habitué à voir un ministre innover..ils sont éternellement entrain d’élaborer des plans d’action..jamais entrain de les exécuter..finalement tel président tel gouvernement !!!s dire que dans ce pays on est pas habitué à voir un ministre innover..ils sont éternellement entrain d’élaborer des plans d’action..jamais entrain de les exécuter..finalement tel président tel gouvernement !!!

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