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RELIGION : Pourquoi il faut prier

Publié le jeudi 18 août 2011 à 01h36min

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L’auteur de la réflexion ci-dessous situe l’importance de la prière dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
La crise que vit le Burkina Faso depuis le début de cette année a suscité de la part des autorités et de tous les Burkinabè, comme à chaque situation de crise, des initiatives en vue de la juguler. Parmi elles, il y a la prière. En effet, les autorités ont sollicité des prières et des bénédictions pour la paix auprès de toutes les confessions religieuses. La population burkinabè, selon ses convictions religieuses, a prié et continue de prier, individuellement et/ou communautairement, pour le retour de la paix au Faso. Mais dans l’état actuel des choses et face à ce qui nous est donné de voir et d’entendre, nous nous sentons interpeller à partager quelques-unes de nos inquiétudes à partir des questions suivantes : Pourquoi un tel engouement pour la prière ?

En agissant ainsi, quel sens les uns et les autres donnent-ils à la prière ? Aussi, pour qui prions-nous ? Pour Dieu ou pour l’homme ? Enfin, en quoi est-ce que la prière peut-elle ramener la paix dans le contexte de notre pays ?

La sociologie de la prière

Avant tout propos, il convient d’abord de s’arrêter sur le sens généralement admis de la prière. Disons d’emblée que la prière est « une dimension essentielle de l’expérience humaine », une réalité humaine aussi vieille que l’existence. Le terme « prière » vient du latin « precarius » et signifie qui s’obtient en priant. Précisons qu’il existe un lien entre « précarité » et « prière ». En effet, le mot « précaire » est apparu au XVIe siècle ; il est dérivé de « precoire », émanant lui-même du latin juridique « precarius » qui veut dire « obtenu par prière ». Or, couramment est « précaire » ce qui est « instable », « mal assuré ». Selon l’origine juridique du terme au regard du droit romain, « est précaire ce qui n’est octroyé, qui ne s’exerce que grâce à une concession, à une permission toujours révocable par celui qui l’a accordée ».

Dès lors « précaire » désigne une chose, une réalité « dont on ne peut garantir la durée, la solidité, la stabilité qui, à chaque instant, peut être remise en cause », « qui n’est pas sûr » donc fragile. De nos jours, le terme « précarité » s’est spécialisé pour désigner « la situation des personnes face à l’emploi et à l’insécurité sociale ». Revenons-en à la prière avant de revenir plus tard sur le lien entre celle-ci et la précarité. Selon le Petit Larousse, la prière est l’acte par lequel on s’adresse à Dieu, à une divinité pour exprimer l’adoration ou la vénération, une demande, une action de grâce. En islam, la prière (salât) est le deuxième des cinq piliers après l’attestation de foi. Elle constitue un devoir quotidien pour chaque musulman. Selon Brahami Suhayl, la prière est le cœur de toute religion, de toute relation à Dieu. Tous les prophètes y ont été enjoints. C’était pour eux la prunelle de leurs yeux, des moments d’intimité et de proximité avec le Très-Haut, des moments d’amour irremplaçables.

Le prophète Muhammad (Saw) en a fait la porte d’entrée de l’islam. Car elle est apaisement et sérénité pour celui qui s’y soumet, bonheur et joie pour celui qui porte la foi, lumière et cheminement pour celui qui recherche la proximité divine. « Soyez assidus aux prières… En cas de danger, priez,... Lorsque vous vous sentez en sécurité, souvenez-vous de Dieu, comme il vous l’a enseigné, alors que vous ne saviez rien ». (Sourate II, 238-239) « Pensez encore à Dieu debout, assis ou couchés lorsque vous avez achevé la prière. Acquittez-vous de la prière, quand vous êtes en sécurité » (Sourate IV, 103) Dans l’islam, l’observance de la prière est d’une importance capitale. En effet, nombreux sont les versets qui recommandent non seulement son observation, mais aussi la ponctualité dans son accomplissement. C’est pourquoi toute personne qui n’observe pas la prière est frappée d’impiété.

Au point de vue chrétien, prier signifie donner une forme articulée à la possibilité de se tenir devant Dieu en chaque circonstance et dans toutes les dimensions de la condition humaine. Celui qui prie se réfère ainsi à un droit qui lui est accordé, à titre de grâce, avant même qu’il ne réponde. Il ressort que c’est la révélation de la volonté de Dieu qui donne le courage de lui adresser la parole et qui rend la prière possible. Elle est donc un temps de rencontre, de dialogue et d’intimité avec Dieu. Elle témoigne de l’attachement et de la fidélité du croyant à Dieu. La prière chrétienne, de l’avis de Robert Faricy, jésuite américain, est en Jésus et par Jésus. Il est la route vers le Père. En lui, Dieu vient vers nous, nous appelant à répondre. Selon lui, la prière ne consiste pas principalement en ce que je fais, mais plutôt en ce que l’Esprit Saint fait en moi et avec moi, et en ma coopération à son action. Pratiquement, cela signifie « rester petit, comme un enfant, paisible et calme, souple, ouvert à ce que Jésus veut, à ce que le Père m’appelle à faire, à la façon dont l’Esprit me conduit ».

Pour Mgr Albert Ndongmo, ancien évêque de Nkong-samba au Cameroun, prier, c’est reconnaître notre condition de créature impuissante pour clamer la toute-puissance miséricordieuse et bien-veillante de Dieu. C’est s’ouvrir au plan de Dieu dans l’espérance : « Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ! » Si la prière est intrinsèquement une valeur religieuse, elle n’en demeure pas moins sociologiquement un phénomène social. Le caractère social de la religion n’est plus à démontrer. Au regard des faits, et selon l’analyse de Marcel Mauss (1909), « la prière », elle est non seulement sociale par son contenu, mais plus encore dans sa forme dont l’origine est exclusivement sociale. Car elle s’exprime à l’intérieur d’un rituel.

La prière bien qu’une réalité spirituelle, n’échappe pas à l’interrogation sociologique. Le sociologue qui traite en effet de la prière ne doit pas se borner à décrire la manière dont on prie dans telles ou telles sociétés, il doit rechercher les rapports qui unissent les faits de prières les uns aux autres et aux autres faits qui les conditionnent. En effet, pour les théoriciens, la prière est essentiellement un phénomène individuel ; c’est une chose du for intérieur : c’est-à-dire une œuvre de la personne spirituelle, une manifestation de son état d’âme. Mais si elle est une chose individuelle, force est de reconnaître qu’elle est aussi un phénomène collectif. En conséquence de ce qui précède, l’on peut dire que la prière est un fait, une pratique de tout être humain fût-il sans religion. Même hors de la religion, même athée, l’homme prie. Il ne peut s’empêcher de penser à Dieu, à une divinité, à une force supérieure qui le dépasse, qu’il invoque intérieurement ou extérieurement, en qui ou à laquelle il fait recours et avec qui il entre en dialogue. Il n’y a donc pas d’être humain qui ne prie.

« Je n’ai de repos qu’en Dieu seul, mon salut vient de lui »

A la question pourquoi prier, nous répondons respectivement par deux points de vue par ailleurs complémentaires : musulman et chrétien. Ainsi, pour les motifs évoqués dans l’islam, confer la définition donnée plus haut. Par ailleurs le Coran est ferme : « Ô vous qui croyez ! Craignez Dieu ! Recherchez les moyens d’aller à lui ! Combattez dans son chemin ! – Peut-être serez-vous heureux - » (Sourate V, 35). D’autre part pour Mgr Albert Ndongmo, prier se résume en six buts : adorer, admirer, louer, remercier, demander quelque chose, offrir un culte spirituel. Et Jacques Gauthier d’expliciter en donnant dix raisons. Ainsi, selon lui, nous prions parce que Dieu est Dieu, pour répondre à un appel, pour permettre à Dieu de naître, pour laisser Dieu exister, pour entrer dans le désir de Dieu, pour vivre le mystère de la foi, pour descendre au cœur, pour recevoir l’Esprit Saint, pour étancher la soif de Jésus, pour devenir saint. Comme la source coule gratuitement sans se demander pourquoi, poursuit-il, la prière va son chemin à travers les siècles et son eau vive murmure au cœur qu’elle est un don de Dieu… Et le psalmiste de confirmer : « Je n’ai de repos qu’en Dieu seul, mon salut vient de lui » (Ps 61, 2). « Au jour de détresse, je cherche le Seigneur ; la nuit, je tends les mains sans relâche, mon âme refuse le réconfort » (Ps 76, 3).

Au regard de ce qui précède, Il y a autant de raisons de prier qu’il y a de personnes. Ainsi donc, le désir et la grâce de la prière sont placés dans le cœur de l’homme par Dieu. C’est donc un don de Dieu tout comme la paix. Et tout dans la vie est don, « tout est grâce ». « Qu’avons-nous que nous n’ayons reçu ? » Dès lors prier pour le croyant devient non seulement un devoir de reconnaissance et de fidélité mais aussi pour se préserver et se maintenir en s’alimentant à la source d’eau vive afin de porter des fruits qui demeurent. Car « le sarment ne pourra pas donner de fruits par lui-même s’il ne reste pas sur la vigne ; ce sera pareil pour vous si vous ne restez pas en moi » (Jn 15, 4) (…) Sans moi, poursuit Jésus, vous ne pouvez rien faire. D’où les incessantes invitations : « Veillez et priez », « Priez sans cesse ; c’est ce que Dieu attend de vous dans le Christ Jésus » (1Th 5, 17-18), « Persévérez dans la prière, et prolongez-là de nuit… Priez aussi pour nous, que Dieu nous donne des paroles, … » (Col 4, 2-3), « Demeurez en moi » (Jn 15,4). « Soyez assidus à la prière ; faites l’aumône ; vous retrouverez auprès de Dieu le bien » (Sourate II, 110). Cet état de fait est soutenu par saint Augustin dans son livre Les Confessions : « Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos (inquiet) tant qu’il ne repose en toi ». Mais il sait aussi que Dieu l’a cherché le premier, en son Fils (Jésus) « par qui tu nous as cherchés pour que nous te cherchions ».

Pour saint Ignace, le fondateur des jésuites, « l’homme est créé pour louer le Seigneur son Dieu, le respecter et le servir, et par-là se sauver. Et tout ce qui se trouve d’autre sur la terre a été créé à cause de l’homme lui-même pour l’aider à poursuivre la fin de sa création. Il s’ensuit donc qu’il doit en user ou s’en abstenir à proportion de ce que cela favorise ou gêne la poursuite de sa fin ». (Principe et fondement) Comme on vient de le voir, il y a un sens et un fond communs à la prière chrétienne et musulmane. Si tant est que l’on croit que Dieu n’est pas absent de notre vie, la prière devient par conséquent incontournable et cela forme et forge la personne humaine et la dirige vers sa destinée ; et elle a pour effet de renforcer en l’homme la confiance intérieure car son état de pécheur le fragilise et fait qu’il est constamment en proie à la précarité.

Le but de la prière n’est pas de convertir le cœur de Dieu mais celui de l’homme

L’expérience de la prière permet à l’homme de comprendre ce que Dieu exige de lui et d’accepter intérieurement sa volonté. Par elle, Dieu sensibilise et informe le cœur de l’homme et le fait correspondre à ce qui est juste et bien. De sorte que le sachant il s’y engage. C’est pourquoi celui qui prie sait que Dieu le soutient fondamentalement. Cette assurance lui permet de renoncer à ses vues, à sa propre personne : « Abba, Père, tout t’est possible, éloigne de moi cette coupe (souffrance, épreuve) ! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux » (Mc 14, 36). Par la prière, l’homme est éclairé sur ce qu’il est, sur ce qu’il y a à faire et sur ce qu’il doit faire. Dès cet instant, il renonce à ses intérêts égoïstes, à ses propres certitudes et se fie à la force de l’Esprit qui le dirige et le pousse à aller « en eau profonde », vers cet avenir inconnu de lui (parfois fait d’inconfort et d’insécurité humains) mais connu de Dieu et en lui dans la foi, la confiance, l’abandon et l’espérance.

On se rappelle Abraham ou Moïse, Jésus ou Mahomet, Martin Luther King et autres. Ici, l’exemple ivoirien est parlant. C’est comme si on a prié pour qu’advienne la guerre, pour faire la guerre. Tout simplement parce que l’on a pris ses vues pour celles de Dieu. Il y a eu de l’obstination, de l’endurcissement ; on a fermé son cœur à la volonté de Dieu. Dans la prière, l’homme qui se laisse guider par l’Esprit Saint est éclairé dans ses actions. Il y acquiert la claire vision de ce qu’il doit faire. Car nous ne savons pas prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables, et son intercession correspond aux vues de Dieu (Cf. Rm 8, 26-27). Léon Blum l’exprime si bien en ces termes : « Nous demandons toujours à Dieu ce qui nous plaît, et il nous donne ce qu’il nous faut ». Laisse-moi t’écouter et voir tes décisions et projets, et je te dirai si tu es un homme qui prie, un homme de bien. Celui qui prie tire en Dieu le courage de quitter les eaux troubles des tentations de la dictature, de la boulimie du pouvoir avec son corollaire d’élections truquées, de la violence, de l’exploitation et du mépris du peuple : « On va le faire » , comme si en face, il n’y avait rien, le peuple ne compte pas.

Oubliant que comme hier en Egypte, Dieu écoute, entend et voit la misère et la clameur du peuple, de la veuve et de l’orphelin, des pauvres de nos quartiers que l’on chasse des parcelles pour les revendre plus cher aux riches. Celui qui prie s’efforce de rester intègre dans la dignité ou de quitter les méandres des propos sophistes, des détournements de biens publics, de la corruption, de la mal gouvernance, des injustices, de la corruption des valeurs et bien d’autres choses de ce genre pour s’« avancer au large » dans les eaux profondes de l’amour, du don de soi, de la vérité, de l’équité, de la justice, du respect d’autrui (surtout des pauvres), de la paix, du pardon ; bref de la vie. « Duc in altum ! », « Ed keng ko-soka » (en mooré). De ce qui précède, il ressort que si la prière est un don et une volonté de Dieu pour l’homme, il n’en demeure pas moins que l’acte de prier est un acte qui concerne en tout premier lieu l’homme.

C’est lui qui en est le bénéficiaire. Nous ne prions pas Dieu pour Dieu mais pour nous-mêmes et pour les autres. C’est ce qu’avaient fait Abraham, Moïse et les autres prophètes. C’est ce que les hommes de Dieu continuent de faire aujourd’hui. C’est ce que chacun de nous fait. « Priez pour moi/nous », « Je vais prier pour toi/vous », « Prions les uns pour les autres »,... Ainsi, le but de la prière est donc d’ouvrir notre cœur à la volonté de Dieu et surtout la force et le courage de l’accepter ; laquelle volonté ne rencontre pas toujours notre vouloir. Il s’agit d’accepter parfois à l’instar de Pierre, Jésus nous dire : « Passe derrière moi, Satan, voudrais-tu me faire chuter ? Ta façon de voir n’est pas celle de Dieu, mais des hommes » (Mt 16, 23). Nous apprécions profondément cette prière de la 4e préface commune du Missel romain qui dit que Dieu « n’a pas besoin de notre louange, et pourtant c’est toi (Dieu) qui nous inspires de rendre grâce : nos chants n’ajoutent rien à ce que tu es, mais ils nous rapprochent de toi, par le Christ, notre Seigneur ».

Le but de la prière n’est donc pas de chercher à convertir le cœur de Dieu (car il est Bonté infiniment) mais celui de l’homme afin de le rendre reconnaissant et obéissant à la volonté de Dieu afin qu’advienne le règne de Dieu. Ainsi perçu, le sens qu’il faut donner à la prière est la conscience que les hommes ont de leurs limites, et de ce que tout est en Dieu, tout est de lui et que tout vient de lui. C’est la conviction que sans Dieu, rien (de solide) n’est possible. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire », nous dit Jésus. C’est aussi la conviction que la bénédiction divine se manifeste dans les biens terrestres (le pays, la protection, la descendance, la richesse, la pluie, la récolte, la cohésion sociale, l’harmonie dans la famille, la paix, etc.). De cette façon, le retour à une situation de normalité ne peut l’être en dehors de celui qui en est le garant : Dieu. Un malade qui ne suit pas la prescription du médecin peut-il recouvrer la santé ? Aussi, je vous mets au défi d’utiliser de l’essence dans une voiture conçue pour fonctionner avec du gasoil et on verra bien ce qui va se passer.

C’est pourquoi les croyants, individuellement ou communautairement, formulent ou soumettent des intentions de prières pour l’obtention ou la réalisation de tel ou tel bien mentionné plus haut. Mais l’homme se retrouve régulièrement plongé dans une situation de précarité pour s’être écarté des chemins du Seigneur. D’où le lien entre la précarité et la prière. S’étant retrouvé dans la précarité de la vie dont il est lui-même comptable, l’homme recourt à Dieu en vue de retrouver sa garantie de stabilité, de solidité, de sérénité et de paix. Il est vrai que par le passé, l’intercession des prophètes avaient obtenu de Dieu la renonciation au châtiment. Mais il convient de se faire une saine idée de la prière. « Il vous faut persévérer faisant la volonté de Dieu si vous voulez recevoir ce qui vous est promis » (Hb. 10, 36). Car Dieu n’est pas « ondoyant et divers » comme l’homme. Il est égal à lui-même. Il est le même partout, toujours et pour tous.

La prière ne saurait être un refuge, une fuite ou un « opium du peuple » qui soustrait aux responsabilités politiques ou concrètes dont la vie de la cité nous charge

La prière ne saurait être pour l’homme, quelle que soit sa position, un refuge, une fuite, un « opium du peuple » ou une sorte de sécurité naïve qui soustrait aux responsabilités concrètes de la cité et dont la vie de ce monde nous charge. Au contraire, elle le place au cœur même de ce monde et l’aide à distinguer le bien du mal, le juste de l’injuste, à « discerner le meilleur » (Ph 1, 10) et de s’y engager. Il ne s’agit donc pas dans la prière de forcer Dieu à changer de position, mais de changer nos vues, de nous laisser guider vers le bien par l’Esprit Saint. Celui-là même qui parle à notre cœur de pierre (endurci), le transforme en cœur de chair. Il ne s’agit pas non plus de penser que la prière est un opium qui va endormir la conscience du peuple. Au contraire, il y a des situations en face desquelles celui qui prie ne peut et ne doit pas se taire. Que tu sois un homme de Dieu ou tout simplement que tu aies la foi. Selon Benjamin Franklin, celui qui saura introduire les principes de base du christianisme dans les affaires publiques changera la face du monde2. Du point de vue chrétien, la prière, loin de nous détourner de notre responsabilité pour le monde, sensibilise plutôt notre conscience et nous fait mieux voir ce qu’il y a et doit être fait. Dès lors, « l’homme se met à agir : non pas au lieu de prier, mais parce qu’il prie ». La prière est le lieu où la personne humaine expérimente l’appel de Dieu et son envoi en mission dans le monde.

Ainsi, nous n’avons pas besoin d’inciter Dieu à donner ou de le mobiliser. Dans les situations d’angoisse, les hommes veulent et pensent pouvoir manipuler Dieu tant ils sont habitués à se rouler les uns les autres dans la farine. C’est l’amertume que nous pouvons éprouver face à la crise ivoirienne. En effet, depuis l’éclatement de la crise ivoirienne en 2002, les Ivoiriens n’ont eu de cesse de prier. Ils ont prié comme jamais auparavant. L’Afrique et le monde entier en ont été très solidaires. Toutes les formes de prière ont été expérimentées et intensifiées surtout peu avant, pendant et après l’élection présidentielle. Malheureusement, il n’y a eu d’issue que par la violence, la guerre avec son lot de tueries et de destruction de biens. Dans cet imbroglio, on peut lâchement dire, comme on en a l’experte habitude, que c’est la volonté de Dieu. Or ici, c’est l’homme qui a endurcit son cœur. En priant, il désirait que Dieu exauce ses vues, ses vœux et non qu’advienne la volonté divine.

On priait pour l’anéantissement des frères ennemis : « Assaille mes assaillants ». Or, comme l’affirme Georges Bernanos « L’enfer, c’est les autres ; les autres, hélas ! C’est nous ». Par ailleurs, le Christ est formel : « Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt. 5, 44). Partant, Dieu ne saurait exaucer de telles prières. La prière qui convient en pareille situation pourrait se dire ainsi : « Tu nous demandes d’aimer nos ennemis, convertis leur cœur et le nôtre »3. Il est juste de comprendre que le projet de Dieu pour l’humanité ne change pas. Il l’a déjà établi dès l’origine une fois pour toute, dans un ordre parfait, comme l’est l’organisme humain. Ce nouvel ordre du monde, il l’a scellé déjà depuis Noé et ses fils après le déluge. « Voici que j’établis mon alliance avec vous et avec votre descendance après vous, avec tous les êtres vivants qui sont avec vous. (…) On ne verra plus tous les êtres vivants supprimés de la terre, par les eaux d’un déluge ; il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. » (Gn. 9, 9-11).

Et l’a confirmé par Jésus : « Ne croyez pas que je suis venu défaire la Loi et les prophètes : je ne suis pas venu pour défaire, mais pour amener à l’état parfait » (Mt 5, 17 ss). Partant de ce fait, la prière « en tant qu’action puisqu’elle s’adresse à un Dieu qui ne se soumet pas à des considérations de type utilitariste », il va sans dire que « la parole ne retournera pas sans avoir produit ses effets ». Tôt ou tard, que l’homme le veuille ou pas, malgré son obstination. Il faut donc « accepter que les choses arrivent comme elles devraient arriver et tu seras heureux ». C’est donc l’homme qui est personnellement et fortement interpellé dans la prière. En tant que partenaire libre, et en acceptant la coopération avec Dieu, il dit oui à lui-même, à l’action divine dans cette vie, dans sa vie, et pour notre pays. Dès lors, il comprend que tout ce que l’Esprit accomplit dans sa vie, n’est pas un don privé, mais est dispensé en vue du bien commun (Cf.1Co. 12,7).

« Quand on t’envoie, il faut savoir t’envoyer. Sinon c’est dans la façon de t’envoyer toi-même que tu peux avoir des problèmes »

"Je suis venu non pas pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m’a envoyé" (Cf. Jn 6, 38). Chaque être humain est un missionnaire, un être en mission en ce monde. Par conséquent, il doit en tout rechercher ce pourquoi il est fait, il existe, il est investi. Que tu sois président, ministre, député, maire ou responsable dans quelque domaine que ce soit et à quelque niveau que ce soit. On peut comprendre en ce sens cette réponse lapidaire et rigolote devenue célèbre du président ivoirien Laurent Gbagbo : « Quand on t’envoie, il faut savoir t’envoyer. Sinon c’est dans la manière de t’envoyer toi-même que tu peux avoir des problèmes ». Sacré Laurent Gbagbo ! C’est pourtant vrai ! Mais hélas ! Il n’a pas su s’envoyer lui-même.

C’est donc le cœur endurci de l’homme qui le met dans l’angoisse et la tension perpétuelles. Rappelons-nous l’épisode de la mission de Moïse face au pharaon qui s’obstinait à libérer les israélites de l’esclavage en Egypte. Celui-ci se croyant rusé, pensait pouvoir manipuler Dieu pour gagner le temps. Nous prions parce que nous avons besoin de Dieu pour vivre en paix et c’est légitime car sans lui nous ne pouvons rien faire. Mais, il ne s’agit pas seulement de prier quand ça ne va pas comme le poisson qui sort de l’eau quand en bas c’est chaud. « Priez sans cesse » (1Th. 5, 17). « Lorsque vous vous sentez en sécurité, souvenez-vous de Dieu, comme il vous l’a enseigné, alors que vous ne saviez rien » (Sourate II, 239). D’où les prières d’action de grâce. Toutefois, il est inutile de s’attendre à ce que Dieu intervienne, d’une manière ou d’une autre magiquement, dans ce monde.

Dieu, selon Hans Schaller, ne doit pas intervenir mais il s’agit de lui faire place : il réside déjà au sein de son monde, qu’il n’abandonne pas à son sort, et il désire pouvoir vivre également dans le cœur des hommes. En clair, reconnaissons avec François Mauriac que « nous croyons trop souvent que Dieu n’écoute pas nos questions. (Mais) c’est nous qui n’écoutons pas ses réponses ». Il s’agit, dès lors, d’ouvrir son cœur à la présence divine et de le laisser agir dans la vie, dans ma vie, dans mon pays. En ce sens, l’acte de prier en général et toute demande particulière trouvent leur écho en cette phrase de l’évangile : « Tout ce que vous pouvez demander dans la prière, avec la foi vous l’obtiendrez » (Mt 21, 22). C’est seulement en cela que nos prières seront efficaces et que la paix véritable habitera au Faso et dans les cœurs des Burkinabè. "Heureux ceux qui sèment la paix, ils seront appelés fils de Dieu" (Cf. Mt 5, 9). Seule la vérité pacifie et rend libre. Terminons avec Romain Rolland qui dit dans Jean-Christophe : « Qui priait-il ?

Qui pouvait-il prier ? Il ne croyait pas en Dieu, il croyait qu’il n’y avait point de Dieu… Mais il fallait prier. Il n’y a que les médiocres qui ne prient jamais. Ils ne savent pas la nécessité où sont les âmes fortes de faire retraite dans leur sanctuaire […] Christophe sentit, dans le silence bourdonnant de son cœur, la présence de son Etre éternel ». Que tous ceux qui aiment Dieu, qui se reconnaissent de lui et qui le prient en esprit et en vérité retournent humblement à l’école de prière de Jésus : « Notre Père… » (Mt 6, 9-15). En un mot comme en mille, c’est seulement lorsque nous recherchons la volonté de Dieu dans la prière que nous serons exaucés ! Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ! Sen tar-a tub n dat n wum bi a wum ! (en mooré)

- Frère Norbert Zongo, sociologue E-mail : archangezongo@ymail.com


1 C’est ainsi que s’exprimait un député du parti au pouvoir dans un débat à la RTB, l’année dernière, au sujet de la modification de l’article 37.

2 Inventeur et politicien américain du 18e siècle.

3 Prière du temps présent, 1re semaine, mardi soir.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 18 août 2011 à 07:09 En réponse à : RELIGION : Pourquoi il faut prier

    Frere Norbert, on ne peut pas prier seulement et esperer avoir la paix. C’est du bluff. Tu ne peux pas prier paix et penser guerre et avoir la paix. Faut dire la veite aux gens. Je t’ en prie. La paix n’est pas un mot, n’ est pas une priere, mais un comportement.

    • Le 19 août 2011 à 10:03, par phantom En réponse à : RELIGION : Pourquoi il faut prier

      mon frère, c’est ce que dénonce l’auteur de cet écrit, il faut être sincère dans ses prières. Avec Dieu, on ne fait pas semblant, il connait les cœurs de tout un chacun. La paix avant d’être un comportement est avant tout un état d’esprit qui est lui même découle du pardon, de la justice.

  • Le 18 août 2011 à 07:12 En réponse à : RELIGION : Pourquoi il faut prier

    J’ai plus appris sur l’ etalage du savoir latin que sur la fonctionalite d’ une priere qui ne se soicie pas de notre comportement.
    Le pedantisme d’ ou qu’ il vienne ne remplacera pas la verite.

  • Le 18 août 2011 à 09:11 En réponse à : RELIGION : Pourquoi il faut prier

    Pourquoi prier si nous mêmes sommes le problème des troubles sociaux au Burkina ? Il ne suffit pas de prier quelques minutes par jour et passer le reste du temps à poser des actes contraires à la paix, détournements corruption gabégie, etc.
    Finalement, ne serais ce pas le nouveau opium des dirigeants comme potion magique pour faire avaler des couleuvres au peuple qui vit dans la misère ?

  • Le 18 août 2011 à 11:09, par Raogo En réponse à : RELIGION : Pourquoi il faut prier

    L’Homme peut trompé l’homme a travers la priere mais par DIEU car lui connait le coeur de ses pensees avouées et inavouables
    alors Messieurs les politiciens puissants du moment oiseaux de mauvais augures ! suppots du malin vous voila prevenu !

  • Le 18 août 2011 à 11:21, par dave En réponse à : RELIGION : Pourquoi il faut prier

    vérité rien que la vérité il faut ce langage de vérité a tous les croyants du monde DIEU te bénisse mon frère pour ce plus que tu apporte a ma vie en ce matin

  • Le 18 août 2011 à 12:07, par rendak En réponse à : RELIGION : Pourquoi il faut prier

    félicitations pour cet article digne d’intérêt !mon constat est que depuis quelques temps les hommes prient de plus en plus et je m’interrogeais sur cet engouement plus ou moins soudain.s’il est bon de prier il y a lieu de se demander pourquoi cela prend une ampleur inégalée.je crois que les différentes crises que nous traversons actuellemnt donnent déjà un début de réponse à cela. le malaise social qui allait grandissant sans voies exutoires et les transformations progressives de la société qui désorientent les sujets dans leur repères amènent certains à se construire une réalité plus apaisante et réconfortante dans la prière.soit ! la prière par sa nature même apaise l’homme et lui redonne des forces.mais elle devient problématique quand on veut "forcer" Dieu à satisfaire ce que nous désirons le plus souvent tout en refusant le moindre effort qui permettra cette réalisation. pour moi l’enguement croisant pour la prière (voyez comment les groupes charismatiques et les manifestations publiques protestantes drainent comme monde de toute origine) est le signe évident d’un mal de vivre profond aussi bien dans le psychisme individuel que collectif. Ainsi la prière colmate ces éléments éparses qui résultent de cette cassure psychique donnant à l’individu un sens à son existence et continuer de vivre. malheureusement souvent on se limite à faire de Dieu un magicien qui doit exaucer toutes demandes que nous lui présentons. la prière permet une reconciliation avec soi, avec cette réalité originelle qui vient de Dieu mais il faut donc dans cette situation enseigner aux uns et aux autres la vraie prière, non pas une prière égoïste ou communautariste visant notre triomphe (avec haine !) sur les autres mais une prière qui permet de se retrouver et de reconstruire son identité sans dénier ses liens sociaux, de s’ouvrir et d’accepter les autres avec leur différence, de rayonner d’amour et se rendre apte à se battre pour un changement au niveau social pour le bonheur de tous.

  • Le 18 août 2011 à 12:14, par rendak En réponse à : RELIGION : Pourquoi il faut prier

    félicitations pour cet article digne d’intérêt !mon constat est que depuis quelques temps les hommes prient de plus en plus et je m’interrogeais sur cet engouement plus ou moins soudain.s’il est bon de prier il y a lieu de se demander pourquoi cela prend une ampleur inégalée.je crois que les différentes crises que nous traversons actuellemnt donnent déjà un début de réponse à cela. le malaise social qui allait grandissant sans voies exutoires et les transformations progressives de la société qui désorientent les sujets dans leur repères amènent certains à se construire une réalité plus apaisante et réconfortante dans la prière.soit ! la prière par sa nature même apaise l’homme et lui redonne des forces.mais elle devient problématique quand on veut "forcer" Dieu à satisfaire ce que nous désirons le plus souvent tout en refusant le moindre effort qui permettra cette réalisation. pour moi l’enguement croisant pour la prière (voyez comment les groupes charismatiques et les manifestations publiques protestantes drainent comme monde de toute origine) est le signe évident d’un mal de vivre profond aussi bien dans le psychisme individuel que collectif. Ainsi la prière colmate ces éléments éparses qui résultent de cette cassure psychique donnant à l’individu un sens à son existence et continuer de vivre. malheureusement souvent on se limite à faire de Dieu un magicien qui doit exaucer toutes demandes que nous lui présentons. la prière permet une reconciliation avec soi, avec cette réalité originelle qui vient de Dieu mais il faut donc dans cette situation enseigner aux uns et aux autres la vraie prière, non pas une prière égoïste ou communautariste visant notre triomphe (avec haine !) sur les autres mais une prière qui permet de se retrouver et de reconstruire son identité sans dénier ses liens sociaux, de s’ouvrir et d’accepter les autres avec leur différence, de rayonner d’amour et se rendre apte à se battre pour un changement au niveau social pour le bonheur de tous.

  • Le 18 août 2011 à 13:04, par parent En réponse à : RELIGION : Pourquoi il faut prier

    merci bien pour cette réflexion et les interpellations qui s’y trouvent. puisses-tu toujours contribuer à travers ces lignes à la construction d’un Burkina prospère et intègre. courage à toi

  • Le 18 août 2011 à 13:23, par lepardon En réponse à : RELIGION : Pourquoi il faut prier

    Il n’ya pas que les hommes politiques qui essaient de pervertir la prière, il y a même des leaders religieux qui l’ont fait sur la terre par le passé. Tu as beaucoup plus cité la Bible et le Coran mais tu n’as pas suffisamment cité les fétiches qui sont les intermédiaires ou support de communication entre l’homme et Dieu qui semblent convaincre la quasi totalité des Burkinabè. Il faut toujours prendre des exemples qui s’adaptent à notre contexte pour faciliter la compréhension. La prière selon la Bible c’est pour les Blancs, la prière selon le Coran c’est pour les Arabes et la prière selon les fétiches c’est pour les Blacks mais Dieu reste un seul. Par le passé, Les hommes (leaders religieux) les plus forts sont arrivés à complexer les autres en les entrainant à épouser leur manière de prier si bien qu’il n’est pas rare de croiser une vieille dans nos village qui jette ses fétiches pour se retrouver dans un système où elle prie dans une langue qu’elle ne parle même pas. L’animisme est présenté comme une religion peut branchée mais si les africains n’avaient été perturbés dans ce domaine, il y aurait eut certainement des réformes et cette religion n’allait certainement pas continuer à s’exprimer par l’égorgement de poulets ou de moutons. Les autres religions dites révélées ont connues ces réformes. Les baptêmes n’ont plus lieux dans des barrages comme au départ, les louages se font avec des orchestres plus sophistiqués, les différents temples sont construits avec plus de design etc etc. Pour dire que dans cette histoire de qui veut instrumentaliser la prière, on doit être modeste dans les jugements car chacun peut toujours philosopher sans être un sociologue.

    • Le 22 août 2011 à 09:12, par Alexio En réponse à : RELIGION : Pourquoi il faut prier

      Je suis tres d accord avec votre analyse concernant nos religions contemporaines .Je me demande pourquoi la plupart des burkinabe utilisent le Wak en combinaison avec l islam,la chretiente etc.Cela est incompatible selon la bible et le coran.

  • Le 18 août 2011 à 14:01, par phantom En réponse à : RELIGION : Pourquoi il faut prier

    Je suis ému, c’est l’Esprit Saint qui vous a inspiré dans cet écrit. Vous avez tout dit.Je ne saurai vous remercier pour tout ce que je viens d’apprendre à propos de la prière. Dieu vous bénisse et vous exalte.

  • Le 18 août 2011 à 15:47, par Eldy En réponse à : RELIGION : Pourquoi il faut prier

    Mon Frère,
    Votre catéchèse est très belle. Merci d’avoir semé à la volée, on ne pourra pas vous accuser après d’avoir choisi les terres les plus fertiles pour le faire. Que chaque terre selon sa qualité fasse maintenant pousser sa semence. Dieu nous vienne en aide. Amen !

  • Le 18 août 2011 à 17:28, par Celui qui ne priait pas En réponse à : RELIGION : Pourquoi il faut prier

    Merci Fère !

    Priez, priez, priez sans relache.

    La prière est un trésor inestimable. Ceux qui l’ont découvert sont heureux.

    En vérité, je l’ai expérimenté et je ne regrète point.

    Il y a deux mondes :

    Celui des insatiables qui passeront toute leur vie à s’attacher au périssable, au matériel, l’argent, le pouvoir et les honneurs (vanité).

    Et celui de ceux qui auront compris qu’avec la prière tout devient accessible. Ceux là qui, avec peu, sont heureux et du vrai bonheur sur terre, en attendant le royaume de Dieu.

    Mais attention mes frères, priez ! ne faites pas semblant de prier et n’oubliez pas de laisser la volonté de Dieu occuper vos rêves et vos désirs.

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