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Commentaire : Quelle autonomie pour quelle jeunesse ?

Publié le mercredi 17 août 2011 à 02h19min

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De la résolution 54/120 de l’Organisation des Nations Unies (ONU) instituant une Journée Internationale de la Jeunesse le 12 août, en passant par la 17ème session ordinaire des chefs d’Etats et de gouvernement de l’Union Africaine à Malabo, jusqu’à la Déclaration du gouvernement burkinabé en faveur de la jeunesse, il n’y a qu’un seul et véritable credo : l’heure de l’autonomisation de la jeunesse a sonné.

La véritable question est – comment ? Elle arrive toujours la première, tant nous sommes comme confondus par l’impuissance devant ce qui s’impose avec autant d’évidence et d’urgence. Les Etats africains, le Burkina Faso notamment, gèrent le quotidien avec douleur et parcimonie… Comment alors autonomiser les 70% de la population en quelques années ? Ce concept d’autonomisation serait-il la dernière manière de reporter aux calendes grecques l’attente de cette jeunesse, sans pour autant savoir exactement ce qui peut être fait, et quand est-ce que cela peut être fait ? La réflexion sur l’autonomisation de la jeunesse est intéressante et pertinente ; la preuve, c’est que le gouvernement burkinabè, avec l’appui de ses partenaires au développement, s’est mis en devoir d’accompagner cette volonté politique en y consacrant 300 milliards de francs CFA.

Mais la lancinante question demeure : quelle autonomie ? Pour quelle jeunesse ? Et l’argent… aux mains de ces jeunes suffirait-il ?
Au Burkina Faso, on peut catégoriser la jeunesse en trois composantes et si l’on ne les prend pas en considération, le risque est grand de jeter les 300 milliards par la fenêtre.
Personne ne paie les experts du système des Nations unies, de l’Union européenne et autres pour qu’ils indiquent à ces « jeunesses » la voie à suivre pour leur salut et partant, celui de nous tous. Car, il y va de la paix sociale, socle de l’avenir du pays.

La première catégorie de jeunesse est composée de ceux qui ne s’autorisent pas à se faire appeler « chômeurs », parce qu’ils ignorent ce vocable et depuis le ventre de leur mère, un métier les attend, ferme : l’agriculture ou l’élevage ... Cette jeunesse aux champs est synonyme d’analphabétisme, d’improvisation, de précarité, de désir de s’évader, la quête de plaisirs faciles, d’immigration partant. Ne pas la prendre en considération dans le financement et les stratégies de « l’autonomisation », serait une manière de favoriser « l’élite » scolarisée au détriment de la base analphabète, l’obligeant du même coup à continuer à végéter dans le rudimentaire et le précaire. Cela ne conduit pas au développement.

Injecter de l’argent dans ce milieu rural très arriéré, sans un accompagnement onéreux de personnes ressources, serait une manière d’organiser le sous-développement et même le pérenniser. Pour les décideurs, l’argent frais disponible sert d’abord à résoudre les problèmes les plus urgents, ceux qui ne peuvent en aucun cas attendre. Et qui dit qu’en milieu paysan, les funérailles, les mariages et le maintien des liens familiaux ne constituent pas des urgences ? Depuis l’expérience de l’école rurale dans les années 60-70 de nos jours, ils sont rares, les projets villageois en relation avec l’agriculture moderne ayant satisfait à leurs objectifs. Que faire ? Ici, la seule volonté politique nationale, même sous les auspices de l’ONU auxquels des bailleurs de fonds ajoutent leur poids, ne suffiraient pas à « autonomiser » la jeunesse rurale.

La deuxième « jeunesse » est celle que le système scolaire a rejetée. Son champ d’activité et de définition à elle, c’est le néant et ô « le mégo … », voire la jungle : elle n’a rien et utilise toutes ses énergies à s’encanailler. Sous nos yeux, elle est en train de se créer sa propre culture, ses propres lois, ses propres droits et devoirs. De cette jeunesse se recrutent les « courir-rentrer » qui, il y a quelques mois, ont fait courir toute la République. Si toute notre jeunesse, surtout celle qui se ballade nonchalamment et anxieusement dans la rue, avait des armes comme les soldats mutins, il y a longtemps que le terme Faso, au sens républicain du terrain, se serait éloigné de la terre de nos ancêtres. Comment « autonomiser » cette génération rebelle et cruelle ? A l’aide de petits métiers à gogo ? De campagnes de sensibilisation ? En favorisant petits commerces et deals ? Par des centres de rattrapage de toute nature ?

La prison pour qu’elle médite sur le vide de son sort ? Pourquoi ne pas tenter la formule des grands travaux nationaux ? On répondrait que l’ère de ces fourmilières géantes est révolue, qu’ils sont des travaux forcés déguisés, que les grands travaux les rendraient anonymes, qu’ils y perdraient leur identité et leur personnalité, etc. Cette identité et cette personnalité qu’ils n’ont pas, comment s’offusquer qu’ils les « perdent » si l’opportunité de s’investir dans de grands travaux organisés par l’Etat leur était donnée, afin qu’ils puissent s’assurer un bol de riz par jour et d’un peu de dignité ?

La troisième jeunesse, celle issue de l’Ecole et de l’Université. Elle au moins peut se déclarer « chômeuse ». « Chômeur » est un label, pensons-y ! C’est une jeunesse qui s’appuie sur le parchemin de l’Ecole pour attendre : elle attend les parents, elle attend l’Etat, elle attend l’aide étrangère. Elle attend même Jah ! Et dès qu’un jeune de cette écurie commence à travailler, il veut aller vite, très vite. En rentrant à la maison dès le premier jour où il a vendu ses services à l’Etat ou à une société, il passe au magasin d’à côté pour demander quelle « Apache » est la plus « soft. » Ces jeunes, en comparaison aux deux autres, ont l’avantage de pouvoir crier, marcher, critiquer, brûler des pneus, inquiéter, et, pour cette raison, elle parvient à coiffer les autres dans la course devant l’Etat et les bailleurs de fonds. De cette manière, cette jeunesse éclairée, bruyante et exigeante parvient à faire oublier les deux autres. L’expression « autonomiser la jeunesse », pour un ministre de la Jeunesse par exemple, concerne d’abord ceux et celles de cette jeunesse qui peuvent lui parler, déposer sur son bureau des « plateformes », des dossiers, des projets, des demandes, des suggestions… Normal, serait-on tenté de dire ! Et les autres ?

Quelle autonomisation pour quelle jeunesse ? La question propose que, par-delà et avec la volonté d’aller vite pour apaiser, il faut surtout rationnellement agir pour réussir. Toutes « nos jeunesses » méritent d’être accompagnées, chacune selon sa spécificité en termes de besoins, d’encadrement, d’éveil en culture d’initiatives.
C’est en cela que conformément à notre Constitution, les jeunes seront égaux.

Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 17 août 2011 à 11:44 En réponse à : Commentaire : Quelle autonomie pour quelle jeunesse ?

    Bjr laissé la jeunesse prendre ses resposabilités. Et soyez là pour les conseillés et non prendre des décision a leur place. Si vous constatez les jeunes n’ont pas les même problèmes. certains cherchent l’échelle la plus coute et d’autre cherchent un développement durable pour toute la jeunesse. ceratain membre du gouvernement envoie leur enfants étudier en europe c’est parce qu’il n’ont pas foi a l’enseignement burkinabè et a la jeunesse burkinabè. Bonne journée. et bonne refléxion

  • Le 17 août 2011 à 16:56, par leprospère En réponse à : Commentaire : Quelle autonomie pour quelle jeunesse ?

    Monsieur SAKANDE,dommage que tu réfuses de voir la réalité avec une saine vision.Comme ANTOINE DE SAINT-EXUPERY disait :"On ne voit bien qu’avec le coeur.L’essentiel est invisble pour les yeux" et François René De CHATEAU BRIAND qui dans la même pensée disait aussi :"C’est une très mechante manière de raisonner que de rejeter ce qu’on ne peut comprendre".soit vous êtes hypocrite ou soit vous êtes impatient.je dis cela parce que tu connais mieux que quiconque que certains fonds existent pour ces jeunes ruraux et du secteur informel.Je serai d’accord si vous reconnaissez que des efforts sont faits mais restent insuffisants et donc à améliorer.Si le gouvernement cessait de traiter le cas des élèves et des étudiants c’est encore vous qui serez les prémiers à faire des réportages sur les dégâts des révoltes de ces derniers.Le comble de votre critique c’est que vous ne proposez pas de solutions concrètes.C’était mieux de complèter votre analyse.Toutefois,JE VOUS TIRE MON CHAPEAU POUR VOTRE MODESTE CONTRIBUTION POUR rappeller aux autorités des préoccupations de deux autres catégories de jeunes.Merci encore !!!

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