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Jean-René Fourtou, président du groupe Vivendi, met de l’ordre dans la campagne du président Sarkozy.

Publié le jeudi 18 août 2011 à 15h39min

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La France va, désormais, très vite, basculer dans la campagne pour la présidentielle 2012. Parce qu’il vaut mieux parler, aux Français, de leur avenir que du présent ; il est, pour la majorité, exécrable dans une conjoncture internationale, diplomatique et économique, préoccupante. Dans une ambiance plus soft, il n’y a pas loin d’un an, Nicolas Sarkozy avait confié à Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture, la rédaction de sa plateforme en vue de la campagne pour sa réélection.

Le Maire, un Républicain et un politique peu enclin au « bling-bling », ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin à Matignon, devait redonner à Sarkozy les couleurs présidentielles qui lui font cruellement défaut. Depuis, Sarkozy a pensé s’être retaillé un costume à ses mesures en endossant le battle-dress de l’homme qui avait délogé Laurent Gbagbo du pouvoir à Abidjan et coller une « branlée » à Kadhafi à Tripoli. Sauf que « Super-Sarko » n’est pas aussi convaincant en hyper-impérialiste qu’il pouvait l’espérer, quoi qu’en ait pensé Gbagbo et, quoi qu’en pense, désormais, Kadhafi. Il lui faut donc revenir aux fondamentaux du « sarkozysme » : le monde des affaires.

Sarkozy, dont la culture économique est succincte et se résume à quelques principes « reaganiens », surfe, non sans délectation, sur les crises financières, boursières, industrielles… qui, finalement, caractérisent le temps de son premier mandat présidentiel. « Super-Sarko » a donc entrepris de sauver le capitalisme mondial et entend s’y adonner plus encore au cours de son second mandat. Sauf que 2012 ce n’est pas 2007. Le temps du business « bling-bling » est passé ; voici venu celui de la rigueur…

Arnaud Leparmentier révèle ainsi dans Le Monde de ce week-end (daté du dimanche 14-lundi 15 août 2011), au cœur de la trêve estivale, que c’est Jean-René Fourtou, président du groupe Vivendi, qui est le chef de file « des gens qui pensent souhaitable pour la France que Sarkozy soit réélu » (on dit, désormais, le « groupe Fourtou »). Fourtou n’appartient pas au premier cercle des amis de Sarkozy. Pas même au deuxième ni au troisième. Mais les deux hommes se connaissent bien. Jean-René Fourtou, jeune étudiant à l’Ecole polytechnique, a épousé une secrétaire de la chambre de commerce de Paris, Janelly, domiciliée en Seine-Saint-Denis, rencontrée dans un train de banlieue, en 1960. Coup de cœur, mariage, débuts modestes à Ménilmontant (elle gère une Maison de la Presse) puis déménagement à Neuilly-sur-Seine. Madame, qui sera maman de trois garçons, s’ennuie et s’investit dans l’associatif, les cours de catéchisme, la remise à niveau à l’université et la politique. François Mitterrand vient d’être élu ; une « élection choc » dira-t-elle qui la pousse à se faire élire conseillère municipale de Neuilly en 1983 (en charge du logement… social). Monsieur le maire s’appelle Sarkozy ; il est le voisin des Fourtou. En 1999, elle deviendra députée européenne, sous l’étiquette UDF.

Jean-René Fourtou, lui, vient du Sud-Ouest (il en garde une passion pour le golf et le rugby) et du radical-socialisme. Mais, monté à Paris, polytechnicien, il va virer giscardien et centriste, tendance « droite-réac » façon Gérard Longuet. En 1986, lors de la première cohabitation qui va liquider les « nationalisations », il se retrouve à la tête de Rhône-Poulenc, un géant de l’industrie chimique. Dont il fera Aventis, un géant de l’industrie pharmaceutique.

En 2004, Fourtou sera non seulement « le patron le mieux payé de France » (selon Martine Orange dans Le Monde daté du 9 décembre 2004) mais également, selon Forbes Global, le « businessman de l’année » pour l’Europe. A ce titre, il fera la cover du magazine US. Mais ce n’est pas pour Aventis qu’il est ainsi récompensé. En juillet 2002, il a été porté à la présidence du groupe Vivendi Universal. Il y prenait la suite de Jean-Marie Messier qui avait créé, de toutes pièces, à partir de la Générale des eaux, « le deuxième groupe mondial de la communication » ; mais Messier, redoutable mégalomane (qualifié de J6M : « Jean-Marie Messier, Moi-Même Maître du Monde »), l’avait mis aussi par terre. Fourtou ramassera les morceaux ; mais ne les recollera pas : il va déconstruire le groupe bâti par son prédécesseur et le recentrer sur quelques niches d’activité très profitables. Messier, dès le début du XXIème siècle, concentrait en lui toutes les dérives qui ont provoqué la crise financière de 2007 puis la crise économique de 2008. « People » avant l’heure, ostentatoire dans les dépenses du groupe (deux Boeing, un Airbus Corporate Jetliner, le château de Méry-sur-Oise,…) des « stock-options », des « parachutes en or », des salaires exorbitants, des comptes « offshore » (notamment aux îles Cayman), un comportement « déréglementé », l’apologie d’un « système de réseaux et de connivence », sans oublier un art consommé de la mise en scène.

Il y a eu dans le Sarkozy, président de la République en 2007, beaucoup du Messier de Vivendi Universal. Fascination pour l’Amérique, pays des réussites (financières) rapides ; envie d’être le « maître du monde » ; agitation perpétuelle ; instrumentalisation des médias... Ils ont été formatés dans le même moule balladurien au temps des « noyaux durs » et des privatisations. Mais Sarkozy n’avait été que le spectateur de la montée en puissance de Messier. En 1993, Sarkozy était ministre du Budget dans le gouvernement de Edouard Balladur alors que Messier n’était qu’un membre du cabinet du premier ministre ; mais en 1998, quand Messier, PDG de la Générale des eaux depuis deux ans, va créer Vivendi Universal et devenir la star du business et des médias, Sarkozy n’est plus qu’un député-maire de Neuilly-sur-Seine et rien ne pouvait alors laisser penser qu’une décennie plus tard l’un serait par terre et l’autre au sommet de la pyramide politique. Eric Besson, aujourd’hui ministre de Sarkozy, mais autrefois proche de Messier (Besson, ancien de la Compagnie générale des eaux, avait créé avec Messier le Club des quarante : quarante dirigeants de moins de quarante ans), a raconté « que Sarkozy jugeait que Messier, alors au faîte de sa gloire, ne l’estimait pas à sa juste valeur, voire le dédaignait » ; « Nicolas était un peu jaloux », affirmera Besson dans un entretien avec Renaud Dély et Didier Hassous, auteurs de « Sarkozy et l’argent roi » (éditeur Calmann-Lévy, Paris 2008).

Ce n’est pas un hasard si Sarkozy, version 2011, après quelques crises financières, économiques et boursières, confie la réflexion sur son programme politique à un homme qui a liquidé les « années Messier » et redonné à un groupe en déconfiture les moyens de sa politique. Sarkozy tire ainsi un trait sur les années « bling-bling » du capitalisme financier triomphant pour revenir à plus de rigueur (et moins d’ostentation). Etonnamment, depuis la montée en puissance de Sarkozy sur la scène politique (lorsqu’il s’était affiché ouvertement comme candidat à la présidentielle 2007), Fourtou n’était plus une tête d’affiche du monde des affaires. C’est, aujourd’hui, un septuagénaire ; qui aime faire de l’argent (il a été dans le collimateur de l’Autorité des marchés financiers - AMF - pour des affaires semble-t-il pas toujours très claires) et dont un grand patron disait « qu’il est là pour s’en mettre plein les poches avant de partir à la retraite » (cité par Patrick Bonazza, dans Le Point du 5 mai 2005) ; il a, par ailleurs, fait la preuve qu’il savait faire de l’argent. Faire de l’argent sans le faire savoir mais grâce à un réel savoir-faire, c’est sans doute cela qui fascine désormais Sarkozy ; qui était, par le passé, fasciné par un Messier qui faisait savoir qu’il faisait de l’argent sans savoir-faire particulier.

Faire/savoir. C’est autour de ces deux mots que s’articulent le mode de production politique de Sarkozy. L’alternance se limite à l’ordre des mots : faire savoir et/ou savoir-faire ?

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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