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LUTTE CONTRE AQMI AU MALI : L’arme fatale de ATT

Publié le jeudi 11 août 2011 à 01h46min

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La chaussée qui mène à la sécurité ne saurait escamoter le grand boulevard qui conduit au développement. Les deux sont intimement liés, la première se situant forcément dans le deuxième, sans lequel elle ne peut être tracée. Cette évidente sagesse, Amadou Toumani Touré (ATT) semble le mieux placé parmi les chefs d’Etat des pays pauvres de la bande sahélo-saharienne pour l’enseigner à ses pairs. Face à l’échec des opérations militaires et des négociations à effet très éphémère dans la lutte contre le terrorisme, le président malien a rendu publique sa nouvelle trouvaille dont la formule, pragmatique, donne à espérer. C’est sans doute mû par un esprit réaliste et un désir sincère d’en découdre avec Al-Qaeda au Maghreb islamique (AQMI), que ATT a lancé le 9 août dernier le Programme spécial pour la paix, la sécurité et le développement dans les régions nord du Mali (PSPSDN).

Considéré comme une action d’urgence dont l’esprit repose sur le binôme sécurité-développement, ce vaste programme de lutte antiterroriste pour la réussite duquel le gouvernement malien et les bailleurs de fonds doivent mobiliser l’importante somme de 32 milliards de F CFA, revêt une originalité qui ne manque ni de séduire ni de susciter des espoirs d’un lendemain meilleur. En effet, sa mise en œuvre prévoit une présence plus remarquable de l’administration sur le terrain, des constructions de logements pour les fonctionnaires, des infrastructures sécuritaires comme des brigades de gendarmerie, des commissariats de police, ainsi que des aménagements sanitaires.

Dans sa conception du PSPSDN qui doit concerner dix localités des trois régions nord, le chef de l’Etat malien a également accordé une place de choix aux questions de l’emploi et de la dotation en outils des populations des zones désertiques. Toutes choses qui auront l’avantage de permettre une bonne mobilisation autour de la lutte contre les bandes de criminels installées dans le désert, et le mérite de rendre les populations de ces contrées moins misérables et, partant, moins vulnérables à la tentation de s’adonner à des pratiques djihadistes.

Exit donc les stratégies armées et les intermédiations ponctuelles qui, sans avoir démérité sur toute la ligne, ont montré leurs limites dont les principales raisons se résument au manque d’entente entre les dirigeants des pays de la bande. La lutte qui devait être commune, à l’image de l’ennemi, se trouve ainsi caractérisée par un manque de coordination conduisant à de pseudo-victoires vite ébranlées par de cuisantes défaites. C’est du reste cette incapacité des gouvernements concernés à concocter une stratégie synergique qui a amené le premier des Maliens à se tailler ce programme comme une arme fatale pour faire cavalier seul.

Etant donné la parfaite adéquation entre cette politique et le contexte socioéconomique malien, il n’est pas exclu que le successeur de Alpha Omar Konaré réussisse en solo là où toute une sous-région a échoué par manque de solution concertée. Même s’il paraît plus lucide et moins utopique de reconnaître que la traque d’une nébuleuse de la trempe de AQMI ne ressemble en rien à une partie de chasse aux lièvres. Car, la tâche demeure titanesque et devra, en plus des énormes moyens qu’elle nécessite, s’inscrire dans la durée. Mais le jeu en vaut tout de même la chandelle, et si le Mali parvenait à allier savamment développement endogène et lutte contre le terrorisme, nul doute qu’il ferait des avancées significatives en termes de pacification et de sécurisation de son territoire.

Un tel exploit ferait sans doute tache d’huile, et tout le mal que l’on puisse souhaiter aux autres pays dont la stabilité et le tourisme sont menacés par les funestes activités d’Al-Qaeda, c’est d’accepter d’aller à la prestigieuse école de l’ex-Soudan français. La poussée du ouf de soulagement est, certes, encore loin, le programme qui doit se dérouler sur deux ans ne disposant pour le moment que de trois milliards. Il ne fait cependant point de doute que, du fait de sa pertinence et de son efficience, il bénéficiera du soutien de l’Occident qui a presqu’autant à y gagner que les pays africains. Jusqu’à preuve du contraire, les terroristes semblent plus raffoler de touristes étrangers, sans doute pressentis comme étant les plus rentables en cas de paiement de rançon.

Ils aiment ainsi les kidnapper pour se garantir suffisamment de publicité, et s’en servir pour renflouer leurs caisses. Il n’empêche que les vrais ténors de la lutte doivent venir du continent et l’on se permet d’espérer que le très prochain successeur de ATT, dont le mandat a largement entamé sa dernière année, lui emboîtera le pas et poursuivra les projets initiés dans le cadre de ce combat de longue haleine. Les adversaires n’en démordront certainement pas aussi facilement et ils répondront naturellement à cet effort malien en tentant de se rapprocher davantage des populations à travers une assistance humanitaire comme ils savent bien le faire, tout en occupant les espaces abandonnés par les ex-rebelles touaregs.

Aux autorités du bord du Djoliba de savoir leur couper l’herbe sous le pied en ratissant large, vite fait et sans faire dans la dentelle, en vue de couvrir les moindres localités par leur ambitieux programme. Mais pour éviter que ces traits d’œuvre que le Mali est en train de façonner fassent figure d’illusion dans le grand tableau sans terroriste que doit peindre les pays de la bande sahélo-saharienne, gageons que l’audace et l’ingéniosité maliennes fassent éminemment école.

"Le Pays"

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