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Editorial de Sidwaya : Le mal-être des sociétés apathiques

Publié le lundi 1er août 2011 à 03h09min

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Carnage extrémiste en Norvège, bombardements qui s’éternisent en Libye, marasme guerrier en Afghanistan, famine évitable dans la corne de l’Afrique… Il ne passe pas un jour sans que les médias ne nous offrent à voir des images choquantes venues de tous horizons. Dans ce monde traversé par les fractures plus ou moins brutales où les équilibres sont fragiles, le Burkina Faso vient de s’auto-diagnostiquer à la faveur d’une volonté nationale de réformes profondes de sa démocratie et de ses mécanismes institutionnels. Les résultats sont maintenant connus et diversement appréciés.

Dans ce contexte de crise, il faut parfois lever les yeux, regarder les autres en face et se demander : où en sommes-nous ? Pourquoi s’asseoir sur ces poudrières sociopolitiques et attendre benoîtement qu’elles explosent, provoquant une réaction en chaîne en annonçant d’autres toujours plus dévastatrices ?

Tentative de réponse : nous vivons dans une société essentiellement apathique, dont les raisons d’agir ne comblent pas les raisons de vivre. « Ce qui donne un sens à la vie, donne un sens à la mort », dit Antoine de Saint-Exupéry. En ce tournant du XXIème siècle, bien malin qui nous dira quelle est cette chose, cet idéal, cette entreprise… capable de donner un sens à la vie d’un homme en dehors de son compte bancaire, et ce à quoi il le destine. Faute de croire en nos propres accomplissements, face à cette absence de raisons de vivre, comment s’intéresser aux achèvements d’autrui ?

Ce qui nous entraîne à faire l’amalgame entre vivre dangereusement et son contraire. Dans un climat sociopolitique similaire, certains sages parlent de la « prépondérance du médiocre » , caractérisant ainsi un monde dont les héros sont des boxeurs, qui porte aux nues l’individualisme entrepreneurial triomphant, qui voue aux gémonies des individus fort peu vertueux. Ne sommes-nous pas souvent en colère contre les voleurs ? Faisons-le savoir en les pourfendant à haute et intelligible voix ! Ce n’est cependant pas pour la défense du principe justice, mais simplement parce que ceux d’en face ne nous ont pas gratifiés des « restangolos »...

Nous autres Burkinabè sommes le fruit d’une histoire tumultueuse et passionnante, forgée par maints revirements sociétaux, façonnés dans les feux de notre « petite » histoire nationale comme dans ceux de la mondialisation universelle. Nombre de douloureux sacrifices et d’avancées scientifiques qui nous permettent aujourd’hui de revendiquer pleinement notre désir de développement. Ceux qui ont donné leur vie pour ces réalisations devenues banales pour nous avaient, eux, des raisons de vivre et pas seulement-plaintes et complaintes à égrener. Ils étaient passés maîtres dans l’art de construire des mondes.

Quant à nous, nous n’avons parfois pour toute technique que celle des crocs-en-jambe et des médisances.
C’est bien parce que le sens de notre vie se trouve dans les banques et non dans l’avenir de notre commun destin, que nos projets sont rongés par les vers de la corruption. Comme rien ne nous pousse du fond de nos entrailles à entreprendre, nous passons des heures à gémir. La sortie des militaires, la destruction des champs, les viols et les vols… montrent qu’il y a nécessité de construire ou reconstruire, au-dedans et en dehors de nous-mêmes, les valeurs de civilisation que nous avions ou que nous avons abattues pendant des décennies ; le vandalisme n’étant qu’un des indicateurs de nos lacunes de fond.

Le « nous » considéré comme sujet englobant parce qu’après tout, comme société, nous avons l’armée et la jeunesse que nous méritons, la Fonction publique digne de nous, ... Instituer l’instruction civique à l’école, cela ne suffit pas ! Les deux autres « centres » de formation de nos enfants, tout aussi importants que l’école, sont la rue et la famille. Qu’est-ce qu’il faut y faire, et comment le faire ? Quels monstres sortiront de ces petits êtres qui dorment dans les caniveaux ? Quelles réformes sociales leur faut-il ?

Tous les partis politiques comprendront bientôt que leurs véritables opposants croupissent aujourd’hui dans les égouts, ceux de notre mauvaise conscience. Avec pour seule envie de chambouler l’ordre des choses pour s’extirper, enfin, de ce cloaque avilissant que certains leur présentent comme seul futur envisageable.

Les grands idéaux, quoi qu’on dise, font les grands leaders et les grandes nations. Dans la ligne tracée par le mouvement des réformes politiques, au Burkina, il y a de quoi donner des ailes aux vrais meneurs que le Burkina espère de tout son cœur héroïque... Qu’importe que tel ou tel responsable soit à l’affût ou pas ; que le parti majoritaire revoie son destin à la baisse ou à la hausse. Que les opérateurs économiques soient d’un camp politique ou d’un autre ; ou d’aucun si ce n’est le leur...

L’essentiel est de travailler sans complaisance à créer une véritable classe ou race de leaders politiques pour aujourd’hui et demain. Cela, nous semble-t-il, est important pour le peuple burkinabè. Les petits jeux et les petites passes ne sont d’aucune utilité.

Par Ibrahiman SAKANDE

sakandeibrahiman@yahoo.fr

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Vos commentaires

  • Le 1er août 2011 à 20:06, par QUID En réponse à : Editorial de Sidwaya : Le mal-être des sociétés apathiques

    Bel article mr sakande, nous Noirs passons notre temps a geindre, gemir, se plaindre,se morfondre, se confier a Dieu(sans tenir compte du "aides toi et le ciel t’aidera), se faire des croc-en-jambe( sport national), etc.
    - L’oisivete, le "m’as-tu-vu", la fete et la bamboula(3B de L.B), sont nos principes de vie quotidienne !
    - La corruption, la politique, les bras long, les pistons,les garcons ou filles "choco" sont les modes de fonctionnement de notre société !
    Pauvres de nous, quand allons-nous prendre conscience afin de sortir de notre misere quotidienne ?
    - A chacun son "portable dernier cri", son vehicule 4X4 rutilant, sa maison R+..., sa maitresse teint claire, etc.Sachons que les Blancs ont osé, soufferts, se sont sacrifiés dans des experiences incroyables pour que nous profitons(assis a l’ombre d’un cailcedrat ou dans un maquis)de tous ces progres. Bref !
    Tout simplement pour dire a la jeunesse de se mettre au boulot a l’exemple des autres car nous passons le clair de notre temps a ne rien foutre.
    AIDES TOI ET LE CIEL T’AIDERA

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