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Editorial : Le choix de l’éthique de responsabilité

Publié le lundi 25 juillet 2011 à 02h44min

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« Je vous ai compris » avait dit le Général De Gaulle aux partisans de l’Algérie Française et à ceux de l’indépendance. A la manière gaulliste, le Président Compaoré a proclamé : « j’exprime ma disponibilité à œuvrer avec tous, au respect de la Constitution du Burkina Faso et j’invite tous les acteurs de la vie politique à fonder leurs pensées et leurs projets sur les dispositions de notre loi fondamentale ». C’était le 21 juillet 2011, à l’occasion de la cérémonie de remise du rapport du Conseil Consultatif sur les Réformes Politiques (CCRP). Selon le Président du Faso, la loi fondamentale constitue le socle de l’effort national. Elle est la base de l’enracinement de la démocratie et des institutions qui l’expriment dans notre pays.

Quel serait ce socle ? Une éthique de conviction pour faire valoir une démocratie dite radicale, c’est-à-dire textuelle, ou une éthique de responsabilité dont le renforcement de la base de l’édifice national serait la raison d’être ?

Le Président a fait une véritable profession de foi à l’égard de la Constitution de son pays, la Loi basique et le ciment de la Nation.

Cette déclaration, cette profession de foi, a dû en surprendre plus d’un, car beaucoup de Burkinabè et amis du Burkina Faso oublient que celui qui parle ainsi était aux origines de la Révolution, dont l’un des impératifs était de « remettre tout le pouvoir au peuple »… S’il fut actif lors de l’épilogue de cette expérience orageuse, c’était encore pour que le peuple renoue avec ses tripes et sa moelle qui étaient en train de « foutre le camp » à la manière d’une hémorragie. Après cela est venue, douloureusement, la longue expérience du retour à l’Etat de droit au Burkina, avec encore Blaise Compaoré comme gouvernail du Navire. Face à cette donne, un politiste et/ou un observateur impartial doit au moins reconnaître que les choses n’allaient pas de soi, certains tournants chaotiques se révélant difficiles à négocier en douceur, entre les partisans de la constitutionnalisation du Front populaire et ceux de l’avancée vers l’Etat de droit.

Le « je vous ai compris », du Général de Gaulle aux Algériens et aux Français sonne comme éminemment actuel. De la même manière, le Président Compaoré a remis au peuple ce que celui-ci réclamait en 1998, en pesant de tout son poids pour la remise en l’état de la Constitution. En 2009 à Ouahigouya et en 2010 à Bobo-Dioulasso, il a tiré la sonnette d’alarme en insistant sur le besoin pressant du peuple à réformer son outil démocratique, érodé à force d’avoir été utilisé. A-t-on donc la mémoire aussi courte pour penser, comme ce sceptique qui se reconnaîtra, que le Président « veut, au fond, rouler la Constitution dans la poussière avec son histoire de CCRP » ? Comment le Président peut-il nier le combat dans lequel il s’est usé et qui caractérise toute sa carrière politique ? Reconnaissons que s’il était un homme politique sans colonne vertébrale, il n’aurait pas tracé ce chemin-là contre vents et marées : contre nos vents et nos marées !

La différence de vision entre le Président et ceux qui semblent avoir poussé l’opposition politique jusqu’au seuil de la rancune personnelle et subjective réside dans le fait que le premier a fait le choix, résolument, d’une éthique de responsabilité dans la gouvernance politique et démocratique ; tandis que certains se contentent d’une éthique de conviction, synonyme d’une affirmation des codes de la démocratie pérenne. Autrement dit, une vision pragmatique, donc responsable, de nos conditions de vie, de tout ce qui constitue le fond commun de nos aspirations, indique qu’il y a une démocratie à parfaire, crescendo, au Burkina Faso pour le bonheur de tous. Et ce chemin est à chercher par tout le monde, depuis la base de notre nation jusqu’à ce qui pourrait s’appeler

« sommet ».

Le CCRP s’inscrit dans le processus et la logique de ce cheminement. Toute personne au monde, aussi ignorante ou aussi pauvre soit-elle, sait où se trouvent ses intérêts. Pourquoi les Burkinabè le seraient-ils au point de ne pas savoir quelle forme de gouvernance il leur faut ?

Pour les partisans de la démocratie radicale et textuelle, la bonne pratique de la démocratie se trouve déjà dans les livres ; il suffit de la connaître et de l’appliquer sans failles et le développement sera donné comme par surcroît. Est-ce aussi certain ?

Il existerait une « démocratie mondiale » qui traînerait derrière elle tout son poids d’histoires, de textes et de malentendus, depuis la cité athénienne du 5ème siècle avant Jésus-Christ jusqu’aux confins du 21ème siècle. Quand on s’y penche plus avant et que l’on se laisse prendre dans les mailles des mots, l’esprit chante son bonheur. Le radicalisme démocratique exige de mettre ce beau jeu en pratique, ici et maintenant, et que la démocratie vécue à Kokologo soit la même qu’à Sao Paulo.

« Gbagbo doit gagner pour que la démocratie l’emporte » a déclaré l’écrivain béninois, refugié en France, Olympe Bely Quénum, la paix dans l’âme au plus fort des massacres de femmes à Abidjan. Cette belle démocratie que seul voit son esprit peut creuser et remplir nombre de charniers, si elle n’est pas réclamée en toute responsabilité. Ne faut-il pas réfléchir, non seulement, sur cette manière magistrale de se tromper, mais surtout sur cette disposition non moins magistrale à défendre une démocratie qui n’est rien d’autre que celle du déjà entendu ?

L’exemple du Ghana voisin est souvent montré du doigt. La démocratie ghanéenne repose sur ce qui apparaît aujourd’hui comme une antidémocratie réussie par Jerry John Rawlings. Sans doute, l’heure n’est pas, au Burkina Faso, à organiser de « l’antidémocratie », mais à fonder de façon responsable notre démocratie dans le sens indiqué par le Conseil Consultatif sur les Réformes Politiques. Toute la classe politique, y compris tous ceux qui prennent le train en marche, devrait s’y atteler pour que la suite des débats réformateurs soit un succès total. Quel bon sens y aurait-il à bouder une telle initiative ?

Par Ibrahiman SAKANDE ( sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 25 juillet 2011 à 13:40, par atolago En réponse à : Editorial : Le choix de l’éthique de responsabilité

    Mr l’éditorialiste, vous parlez de l’exemple Ghanéen rendu possible par "l’antidémocratie" de J.J Rawlings, mais remarquez une chose : après son antidémocratie qui a rendu possible la DÉMOCRATIE GHANÉENNE, J.J.R a eu le mérite de se retirer et de laisser d’autres Ghanéens apporter leurs pierres à la construction du Ghana.Il n’est pas resté là à guetter la moindre occasion pour modifier loi la fondamentale afin de rester au pouvoir. Il ne s’est pas non plus fier aux appels, à peine voilés à briguer pour la nième fois le pouvoir,de certains DIRECTEUR DE PRESSE PUBLIQUE et autres courtisans qui n’ont de souci que de conserver leur poste.

  • Le 25 juillet 2011 à 17:00, par HILARE En réponse à : Editorial : Le choix de l’éthique de responsabilité

    Mon cher éditorialiste ! Je ne te croyais pas aussi si naif ! Et ou mets tu ton esprit critique ? Nous savons tous que Sidwaya est un organe de presse gouvernemental qui doit "rehausser" ou valoriser toujours l’action du gouvernement (ça existe partout !)mais de là à "effacer" sa propre personnalité, son propre esprit critique, ses propres principes pour défendre ce qui ne l’est pas, on pert vraiment son latin. C’est aussi clair comme l’eau de roche que le discours de Blaise n’avait rien de clair, bien au contraire. C’est si facile de dire : je ne modifierai pas l’article 37 pour me presenter à nouveau. Il ne l’a pas fait. Et toi mon bon éditorialiste, tu y vois tellement clair que nous pouvons déjà dormir sous nos lauriers parce que son discours est la garantie meme qu’il respectera la constitution. Tu es vraiment fort. Saches ceci : Blaise ne modifiera pas l’article 37 non pas parce qu’il le voudra ou par "amour" pour la démocratie ou le peuple burkinabé mais parce que le contexte ne le lui permettra pas.

  • Le 25 juillet 2011 à 23:03, par Le clairvoyant En réponse à : Editorial : Le choix de l’éthique de responsabilité

    Trêve d’amalgames !
    Le clairvoyant

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