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Résultats du baccalauréat : atténuer les effets psychologiques néfastes de l’échec scolaire

Publié le vendredi 22 juillet 2011 à 17h00min

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Les images d’élèves en pleurs parce qu’ils n’ont pas obtenu le baccalauréat sont déchirantes. Elles montrent à quel point notre système éducatif cultive chez les élèves la culpabilité de l’échec, en même temps qu’il survalorise le mérite de ceux qui réussissent. Or, les choses sont-elles aussi simples ?

Les sociologues de l’éducation s’accordent aujourd’hui pour définir le mérite scolaire comme la résultante de dispositions naturelles et sociales auxquelles s’ajoutent les efforts de l’individu. Tous les enfants n’ont pas le même capital intellectuel à la base. Le cas, certes extrême, de ceux qui sont médicalement reconnus ‘’déficients mentaux’’ est éclairant : ils ont évidemment plus de difficultés à réussir dans les études que ceux qui ne souffrent d’aucun handicap. Est-ce pour autant leur faute ? De même, il est statistiquement établi que les enfants issus des milieux défavorisés réussissent moins bien à l’école que ceux des classes sociales bourgeoises, non que ces derniers soient plus ‘‘intelligents’’, mais parce que leurs parents ont les moyens de les soutenir pour qu’ils gravissent l’échelle sociale. Dès lors, peut-on dire que les uns sont plus méritants que les autres ? Pour mesurer avec justesse le mérite scolaire, il faudrait pouvoir comparer les résultats d’élèves issus d’une même couche sociale et disposant à la base d’un même capital intellectuel. Une méthode d’évaluation difficile à mettre en place.

Mais d’autres facteurs sont à prendre en compte dans l’évaluation du mérite scolaire : la pratique pédagogique des enseignants, les conditions matérielles d’apprentissage, la motivation des élèves, les modalités d’évaluation et de notation etc. En effet, n’y a-t-il pas quelque injustice à imputer à l’élève qui échoue, et à lui seul, la responsabilité de son échec sans même s’interroger sur la manière dont ses enseignants lui ont appris ce qu’il devait savoir ? La recherche pédagogique a mis en évidence que d’un enseignant à l’autre, ou même d’un établissement à l’autre, la réussite des élèves varie. On sait, par exemple, qu’une part non négligeable de ce qu’on exige des élèves lors des devoirs et des examens n’a jamais été étudiée – ou bien étudiée – en classe. Voici ce qu’écrit Clermont Gauthier, un chercheur québecois, à sujet : « Il doit y avoir une relation entre ce qui a été enseigné et ce qui a été évalué. Des résultats ont montré en effet que, dans les meilleurs cas, jusqu’à 30% (et jusqu’à 47% dans les situations les pires) de ce qui fut évalué n’avait jamais été couvert en classe. »

Il serait donc temps qu’une réflexion de fond s’engage pour atténuer chez nos jeunes les effets psychologiques néfastes de l’échec scolaire. Car ils ne sont pas toujours seuls responsables du coup de massue qui leur tombe sur la tête à l’annonce des résultats. Le sociologue François Dubet écrit dans L’école des chances : qu’est-ce qu’une école juste ? que le mérite est peut-être « tout simplement une reconstruction biographique transformant en victoire personnelle une suite de hasards heureux ». Une invitation à la modestie pour tous ceux qui ont réussi à l’école.

Denis Dambré
Collaborateur
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 22 juillet 2011 à 20:31 En réponse à : réaliste

    je trouve l’article réaliste. L’enseignement n’est pas une chose à prendre à la légère. Et si l’Afrique n’avance pas c’est en partie à cause de l’image que les africains ont d’eux-mêmes !! Moi je propose du pragmatisme dans l’éducation ainsi qu’une politique de motivation des élèves par leurs profs. En classe de seconde, notre dame de SVT nous offrait des bonbons, nous trouvions ceci marrant mais tout de même motivant.

    Il y a plein de choses à dire sur l’éducation mais je m’arrête là !!!

    • Le 22 juillet 2011 à 21:40, par DD En réponse à : réaliste

      La motivation des élèves : un sujet intéressant et complexe. C’est bien si les bonbons de votre professeur de SVT vous incitaient à travailler, mais tous les élèves de seconde ne trouveront peut-être pas leur motivation dans des bonbons ! La question de la motivation des élèves est bien plus complexe. Je m’y pencherai dès que le temps me le permettra. Bien à vous...

  • Le 25 juillet 2011 à 01:53, par colonel En réponse à : Résultats du baccalauréat : atténuer les effets psychologiques néfastes de l’échec scolaire

    êtes vous vraiment certain que les enfants des milieux défavorisés réussissent moins bien que ceux issus de la bourgeoisie ? Je parle bien sûr en termes de résultats scolaires ! Bien évidemment la motivation des élèves est une question capitale et je pense que cela passe principalement par l’éducation que les parents inculquent à leurs enfants.
    Peut être que la donne va changer avec les générations suivantes qui auraient la pensée qu’une bonne éducation scolaire est un atout important pour le futur de leurs enfants. Bon courage à tous ces jeunes.

    • Le 31 juillet 2011 à 19:42, par DD En réponse à : Résultats du baccalauréat : atténuer les effets psychologiques néfastes de l’échec scolaire

      Sûr et certain : statistiquement, les élèves issus de milieux défavorisés réussissent moins bien à l’école que ceux des familles bourgeoises. Mais attention ! Cela ne signifie pas que « les enfants de bourgeois » sont plus intelligents ! Cela veut dire simplement que leurs parents ont les moyens matériels et culturels de les soutenir pour qu’ils réussissent à l’école. Car la réussite à l’école ne dépend pas seulement de ce qui se fait à l’école. Elle est également tributaire des conditions de vie et de ce qu’on appelle « l’éducation non-formelle » (ce que les élèves apprennent en dehors de l’école). Quelques exemples : un enfant qui ne mange pas à sa faim aura plus de mal à se concentrer pour travailler en classe qu’un autre qui ne sait pas ce que c’est que la faim ; un fils d’enseignant aura plus de facilités à se faire réexpliquer une leçon à la maison qu’un fils de paysan illettré ; un enfant qui naît dans une famille de fonctionnaires en ville a plus de chances de mieux maîtriser le langage et la culture scolaires qu’un autre de son âge qui est né à la campagne dans une famille où personne n’a fréquenté les bancs de l’école… Ces exemples montrent les déterminismes qui pèsent sur les chances de succès ou d’échec des élèves. De nombreuses recherches l’ont confirmé depuis les travaux du sociologue Pierre Bourdieu dans les années 1970 (travaux portant sur la « reproduction sociale »). Lisez par exemple « L’école des chances : qu’est-ce qu’une école juste ? » de François Dubet, ou « L’inflation scolaire : les désillusions de la méritocratie » de Marie Duru-Bellat, ou encore « Le mérite contre la justice » de Marie Duru-Bellat aussi… Voici, pour terminer, un extrait de « L’inflation scolaire » de Marie Duru-Bellat, une étude qui porte sur la scolarité des élèves français (éditions du Seuil, Paris, p. 19) : « Parmi les jeunes entrés en 6ème en 1989, 85% des enfants de cadres ont obtenu un baccalauréat général et technologique, contre 37% des enfants d’ouvriers et 23% des enfants ‘‘d’inactifs’’. Aujourd’hui, plus de 72% des enfants de cadres quittent le système scolaire avec un diplôme de l’enseignement supérieur, et seulement 6% avec le brevet ou sans aucun diplôme. Pour les enfants d’ouvriers non qualifiés, ces deux chiffres sont respectivement de 22 et 31%. ».

  • Le 25 juillet 2011 à 04:43, par guigamad En réponse à : Résultats du baccalauréat : atténuer les effets psychologiques néfastes de l’échec scolaire

    Je souhaite vivement que vous publiez ma réaction qui n’a rien d’offensant à propos de la nuance a faire sur l’échec scolaire et sur votre souhait d’atténuer un soit disant sentiment de culpabilité en cas d’échec. J’ai envoyé cette réaction depuis deux jours et je ne la vois pas apparaitre. Je suis de plus en pluis surpris par le caractère particulièrement aléatoire de l’apparition des réactions sur votre site ; parlant de démocratie participative on se demande comment vous faite les tris des réactions qui paraissent. En tout cas merci de laisser maon message paraitre.

    • Le 31 juillet 2011 à 19:46, par DD En réponse à : Résultats du baccalauréat : atténuer les effets psychologiques néfastes de l’échec scolaire

      Je n’ai pas connaissance de votre argumentaire, mais je suis tenté de vous donner la même réponse :

      Sûr et certain : statistiquement, les élèves issus de milieux défavorisés réussissent moins bien à l’école que ceux des familles bourgeoises. Mais attention ! Cela ne signifie pas que « les enfants de bourgeois » sont plus intelligents ! Cela veut dire simplement que leurs parents ont les moyens matériels et culturels de les soutenir pour qu’ils réussissent à l’école. Car la réussite à l’école ne dépend pas seulement de ce qui se fait à l’école. Elle est également tributaire des conditions de vie et de ce qu’on appelle « l’éducation non-formelle » (ce que les élèves apprennent en dehors de l’école). Quelques exemples : un enfant qui ne mange pas à sa faim aura plus de mal à se concentrer pour travailler en classe qu’un autre qui ne sait pas ce que c’est que la faim ; un fils d’enseignant aura plus de facilités à se faire réexpliquer une leçon à la maison qu’un fils de paysan illettré ; un enfant qui naît dans une famille de fonctionnaires en ville a plus de chances de mieux maîtriser le langage et la culture scolaires qu’un autre de son âge qui est né à la campagne dans une famille où personne n’a fréquenté les bancs de l’école… Ces exemples montrent les déterminismes qui pèsent sur les chances de succès ou d’échec des élèves. De nombreuses recherches l’ont confirmé depuis les travaux du sociologue Pierre Bourdieu dans les années 1970 (travaux portant sur la « reproduction sociale »). Lisez par exemple « L’école des chances : qu’est-ce qu’une école juste ? » de François Dubet, ou « L’inflation scolaire : les désillusions de la méritocratie » de Marie Duru-Bellat, ou encore « Le mérite contre la justice » de Marie Duru-Bellat aussi… Voici, pour terminer, un extrait de « L’inflation scolaire » de Marie Duru-Bellat, une étude qui porte sur la scolarité des élèves français (éditions du Seuil, Paris, p. 19) : « Parmi les jeunes entrés en 6ème en 1989, 85% des enfants de cadres ont obtenu un baccalauréat général et technologique, contre 37% des enfants d’ouvriers et 23% des enfants ‘‘d’inactifs’’. Aujourd’hui, plus de 72% des enfants de cadres quittent le système scolaire avec un diplôme de l’enseignement supérieur, et seulement 6% avec le brevet ou sans aucun diplôme. Pour les enfants d’ouvriers non qualifiés, ces deux chiffres sont respectivement de 22 et 31%. ».

  • Le 25 juillet 2011 à 13:44, par un élève désabusé En réponse à : Résultats du baccalauréat : atténuer les effets psychologiques néfastes de l’échec scolaire

    l’article est le bienvenu car pour une fois il est admis et selon des études s’il vous plait qu’n général l’on demande aux élèves ce qu’ils n’auraient pas vu en classe lors des examens. Messieurs les examinateurs ayez pitié de nous.

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