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L’ambassadeur de France au Burkina Faso Emmanuel Beth à l’occasion de la célébration du 14 juillet : « on n’abandonne pas un ami dans la difficulté »

Publié le vendredi 15 juillet 2011 à 20h29min

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Le 14 juillet qui marque la fête nationale française, a été célébrée au Burkina Faso dans la résidence de l’ambassadeur de France au Burkina Faso en présence du Premier ministre Luc Adolphe Tiao et de nombreux autres invités. A cette occasion, l’ambassadeur de France au Burkina Faso Emmanuel Beth a réaffirmé l’engagement de la France à toujours soutenir le Burkina Faso. De son discours, on retient qu’il a épousé la phrase du Premier ministre Luc Adolphe Tiao qui dit qu’ « on n’abandonne pas un ami dans la difficulté ». Ce qui selon lui n’interdit pas le réalisme et les échanges permanents sur les questions du moment. Nous vous proposons son discours en intégralité.

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Présidents d’institutions,
Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique,
Messieurs les représentants des autorités religieuses et coutumières,
Messieurs les Officiers généraux,
Messieurs les Conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger,
Mes chers compatriotes, chers invités, chers amis,

La fête nationale française est pour tous les Français l’occasion de se réunir autour d’un même idéal qui contribue à faire disparaître un instant les luttes et les oppositions du moment autour de l’héritage d’une histoire millénaire commune et diversifiée, qui constitue un vrai substrat pour un « bien vivre ensemble », et d’un drapeau qui symbolise tant d’espérances et de sacrifices. Permettez-moi de vous remercier d’être venus si nombreux nous accompagner pour vivre également ici au Burkina Faso ce grand moment de solidarité et de convivialité qui dépasse les frontières.

Dans un monde où les conflits n’ont jamais été aussi nombreux, alors que d’aucuns prévoyaient au début des années 90, dans une totale utopie, la « fin de l’histoire », il est bon, je pense, de s’arrêter de temps en temps, pour poser ensemble les bases de ce qui pourrait contribuer, bien modestement et à notre niveau, à la stabilité au Burkina Faso, à la paix dans la région et entre les peuples du monde entier.

Merci donc aux membres du gouvernement, nombreux aujourd’hui, qui ont pris de leur temps compté pour marquer, par leur présence, leur attachement à la relation franco-burkinabé, alors que les priorités politiques du moment les occupent largement au niveau national. Merci aux Présidents d’institution, aux personnalités politiques, aux chefs militaires, aux autorités religieuses et coutumières, aux responsables économiques, à ceux du monde social et de la société civile qui tous sont également accaparés par les réformes en cours et le traitement des enjeux du moment. Merci aux membres du corps diplomatique et aux représentants des institutions internationales, interafricaines et régionales avec lesquels j’ai non seulement établi, en cette première année, de vraies relations d’amitié, mais aussi avec lesquels nous avons essayé d’apporter, dans le cadre d’un vrai et plaisant partenariat, notre contribution à l’avenir du pays des « hommes intègres ».

Merci à la fanfare de la Garde nationale et à la chorale EMA (« Ensemble Musical des Amis ») pour l’ensemble de leurs prestations qui ont rehaussé la tenue de cette belle cérémonie. Merci aussi à Irène TASSEMBEDO, et à sa troupe, pour le spectacle très vivant qu’elles nous offriront tout à l’heure, qui apportera, je n’en doute pas, une touche festive fort appréciée par tous. Merci également aux chefs d’entreprises français ou franco-burkinabé qui ont très largement contribué à la réalisation et à la réussite de cette belle journée ; nous savons également ce qu’ils apportent, en termes d’emploi et de développement, à l’ensemble des populations burkinabè.

Merci aussi et surtout à vous tous, mes chers compatriotes, qui êtes ici aujourd’hui, et qui contribuez à votre manière à la construction du Burkina Faso de demain. Il est souvent dit que le peuple français se sclérose et est peu porté à l’aventure internationale : votre large présence et votre enthousiasme quotidien témoignent du contraire. Vous êtes peut-être, vous-aussi, la France de demain et, au-delà des raccourcis et fantasmes fréquents sur le sujet, les pionniers de ce que seront demain les relations entre l’Afrique et la France. Vous le serez réellement, si vous savez aussi vous remettre en question quand il le faut.

Merci enfin à toute l’équipe de l’ambassade, au sens le plus large, Chancellerie, services, civils et militaires, membres de la coopération, Institut français, écoles et lycée français, agence française de développement, instituts de recherche, trésorerie, centre médical, pour ce que vous accomplissez au quotidien aux côtés de nos amis burkinabè. Merci de votre engagement, de votre enthousiasme et de votre dévouement, y compris pour préparer cette fête d’aujourd’hui. Merci pour terminer, à toutes et à tous, ceux que j’ai oubliés, français, burkinabè ou autres nationalités, présents et absents, malades et bien portants, sachez que vous êtes également présents dans mes pensées.

C’est aujourd’hui pour moi une très grande joie, un honneur et une immense fierté de m’exprimer devant vous dans ce nouvel habit d’ambassadeur. Depuis toujours, en effet, l’Afrique est une partie de moi-même. J’y suis né, j’y ai vécu une partie de mes jeunes années, j’y ai passé de très nombreuses affectations de ma vie militaire. L’Afrique a été au cœur de mes préoccupations professionnelles dans de nombreux postes, j’y ai même engagé le sang des soldats français, mes frères d’armes de l’époque, pour la défense des populations ivoiriennes quand la situation le nécessitait, et j’ai œuvré au développement de notre coopération, ce qui m’a conduit à la parcourir dans ses nombreuses composantes et dans toute sa diversité. Vous comprendrez aisément, de ce fait, qu’elle ne peut m’être indifférente, quelles que soient les satisfactions et les difficultés, et que ma présence auprès de nos amis burkinabè est la logique naturelle de passions partagées, de routes communes, de partenariats à développer, dans une compréhension réciproque bien établie.

Nous ne pouvons ainsi que souhaiter que cette appétence serve les intérêts du Burkina Faso et de notre relation quotidienne. Pour ce qui me concerne, soyez convaincus que je m’y emploierai envers et contre tout avec votre participation à tous.

Cette Afrique, vous le savez, est au cœur de nos préoccupations. A ce titre, ici même l’an dernier, mon prédécesseur évoquait ce cinquantenaire des indépendances, fêté par les Etats africains et la France dans un même élan et dans le cadre d’une relation décomplexée. Nous avons d’ailleurs tous particulièrement apprécié, en ce mois de décembre 2010, l’exceptionnelle qualité et la densité des cérémonies à Bobo Dioulasso. Dans la continuité, cette année, vous le savez peut-être, la France a décidé de placer cette célébration du 14 juillet sous le thème des « outre-mer ».

Ceci traduit bien, au-delà des débats qui peuvent se faire jour dans notre pays sur l’importance à accorder à ces terres lointaines, et malgré l’image véhiculée parfois d’une Nation trop recroquevillée sur elle-même, ceci traduit bien donc la réalité du lien entre nos pays, mais également la vision du monde qui est la nôtre, ouverte, globale, tournée vers l’extérieur, plutôt que mondialiste, tant ce terme apparaît souvent trop systémique ou trop technocratique. Je fais partie de ceux, vous l’avez compris, qui sont convaincus de la nécessité pour la France, pour l’Europe et pour l’Afrique de traiter ensemble, dans une même communauté de destin et dans l’intérêt de chacun, les enjeux à venir du 21ème siècle.

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement,

Dans ce contexte, le Burkina Faso vient de connaître des moments difficiles que nous avons vécus ensemble. La communauté française, comme les communautés étrangères, ont été ébranlées par cette crise, même si elles n’ont jamais été directement la cible des fauteurs de trouble. Peut-être avez-vous souhaité mettre à l’épreuve les nouveaux ambassadeurs de la cuvée 2010/2011 ! Je ne le pense pas car nous n’avons pas été les seuls : de très nombreux anciens et sages de votre pays m’ont souvent rapporté qu’ils n’avaient jamais connu une crise de cette ampleur depuis l’indépendance, crise battant en brèche parfois les fondements mêmes de la culture burkinabè faite de tolérance, de rigueur et de respect des autres.

Est-ce le résultat d’une crise de croissance, d’une crise générationnelle, thème qui a été au cœur des réflexions du dernier sommet de l’UA à Malabo, de la contagion liée aux évènements frappant d’autres pays du monde, de difficultés sociales autour de la réalité mondiale du sujet de la vie chère, d’une perte de confiance ou d’une distanciation entre les différents acteurs de la société, de l’impunité parfois évoquée par les uns et par les autres, d’une certaine routine prise ici ou là alors que depuis des dizaines d’années le pays vivait en paix avec lui-même, de raisons plus structurelles ? Peu importe. L’essentiel est maintenant, me semble-t’il, de transformer cette crise en opportunité, comme vous aimez à le rappeler monsieur le Premier ministre, pour construire l’avenir à partir du formidable héritage qui est le vôtre, en l’enrichissant par des orientations nouvelles et par la prise en compte des aspirations constructives des uns et des autres. A l’instigation du Président du Faso, vous, monsieur le Premier ministre, votre gouvernement et l’ensemble des acteurs burkinabè s’y sont lancés avec le réalisme et le pragmatisme qui vous appartiennent. Le débat politique constructif entre forces d’avis et de positionnement différents est nécessaire et participe de la démocratie, en revanche, dans ces circonstances, les seules rivalités internes et les oppositions vaines ne servent à rien.

Alors que tous les représentants de la majorité et de l’opposition politique, de la société rurale et urbaine, du monde économique et du monde du savoir, du monde spirituel et de la tradition coutumière, de la société civile et des corps habillés sont présents à l’occasion de ce 14 juillet, nous savons qu’à partir du moment où le sens de l’intérêt général et du bien commun prennent le pas sur les contingences particulières, tout est possible sans aucun reniement de la part de quiconque. C’est en effet en préservant son identité propre, sa fierté d’appartenance, une richesse culturelle reconnue, revendiquée et mise en valeur, que l’on peut envisager sereinement l’ouverture, la diversité et la compréhension réciproque pour le plus grand bien de tous. Votre pays peut s’appuyer sur ses valeurs pour passer l’obstacle et préparer le Burkina émergent évoqué dans la SCADD. Il y faut de l’investissement personnel, des efforts partagés, des richesses individuelles et collectives à promouvoir, de la ténacité et une certaine forme d’enthousiasme : la société burkinabè n’en manque pas !

Pour ce faire, et dans la limite des moyens disponibles, vous pouvez compter sur l’appui de la France et de la coopération française sous toutes ses formes au titre :
-  du service de coopération de l’ambassade (SCAC) pour l’enseignement supérieur, le culturel et le soutien aux ONG,
-  de l’agence française pour le développement (AFD) pour l’éducation de base, l’eau et l’assainissement, les infrastructures, la filière coton, les garanties pour la création de micro entreprises, et demain la formation professionnelle et sans doute la santé,
-  des instituts de recherche,
-  de la coopération décentralisée très active aux côtés des collectivités territoriales, et part importante de notre action,
-  et de toutes les bonnes volontés qui œuvrent au quotidien au Burkina Faso.

Vous connaissez notre position sur le sujet : on n’abandonne pas un ami dans la difficulté, ce qui n’interdit pas le réalisme et les échanges permanents sur les questions du moment. Nous sommes donc très attentifs aux travaux du Conseil consultatif pour les réformes politiques (CCRP) dont les premières conclusions ont été rendues aujourd’hui même, avant d’être validées, densifiées, revues pour certaines, au niveau des assises régionales et nationales. Nous sommes également très satisfaits du dialogue établi avec le gouvernement et avec tous les acteurs de ces évolutions : nous nous en félicitons d’autant plus que nous savons que sa densité, sa franchise et son contenu ne sont pas toujours les mêmes dans d’autres pays. Nous sommes donc optimistes et espérons que dans un Burkina rénové, cette période de son histoire ne sera qu’un accident auquel, très rapidement, il ne sera plus fait référence.

Monsieur le Premier ministre,
Messieurs les membres du gouvernement,
Chers collègues du corps diplomatique,
Chers amis,

Il est vrai également que notre attachement au Burkina Faso tient aussi à sa dimension régionale et au rôle incontournable qu’il joue en Afrique de l’Ouest et au sein de l’Union Africaine. C’est sans doute le résultat des valeurs et fondements évoqués précédemment. Mais c’est aussi dû à votre engagement permanent, à celui de votre Président, au service de la paix et de la stabilité.
Si le Burkina a connu quelques mouvements d’agitation ponctuels, l’année a été très positive pour les voisins de la région et nous savons que vous y avez contribué activement. La Guinée et le Niger ont confirmé leur attachement démocratique et mis en œuvre les résultats des échéances électorales, avec succès à ce stade, en espérant que ces processus perdurent. La Côte d’Ivoire également, après des années de soubresauts et des mois d’incertitudes est sur la route d’un retour à la normale, même si des problèmes subsistent, auxquels le Burkina peut encore apporter sa contribution. Demeure la problématique du Sahel qui est sans doute l’enjeu majeur de demain auquel il nous faudra tous contribuer pour tenter de faire évoluer les choses positivement.

Dans ce cadre, des renforcements régionaux sont possibles au travers des organisations existantes bien sûr, mais également au travers d’alliance à construire comme celles pouvant se nouer entre le Niger, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, voire le Nigeria, ou bien au sein de l’UEMOA avec une stratégie pour l’extension progressive de cette organisation à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, comme le préconise, je crois, le récent rapport du panel de haut niveau. Dans ce domaine, comme pour les organisations régionales, il faudra privilégier le pragmatisme, en veillant à ce que les mesures prises profitent avant tout aux populations et aux citoyens des zones concernées plutôt qu’aux structures institutionnelles. De même sur les grands dossiers en cours tels la Libye ou le Darfour, l’Afrique et le Burkina Faso ont-ils leur partie à jouer au sein de la communauté internationale. Autant de rendez-vous et d’enjeux pour demain qui ne devraient pas nous laisser désœuvrés et qui pourraient contribuer à remplir nos agendas politiques dans le contexte du partenariat équilibré qui caractérise les relations avec votre pays.

Monsieur le Premier ministre,
Messieurs les membres du gouvernement,
Chers tous,

Je me suis sans doute un peu éloigné de ce qui nous réunit aujourd’hui. Aussi, voudrais-je vous souhaiter à tous et à toutes un bon moment de convivialité à la Résidence de France, une bonne fête nationale, et pourquoi pas de bonnes vacances avant le redémarrage de septembre. Encore merci d’être présents avec nous ce soir, avec la certitude que nous avons ensemble de grandes choses à réaliser avec le Burkina Faso.
Ayons à ce moment une pensée pour ceux qui, malades, blessés, dans la difficulté, n’ont pu ce joindre à nous. N’oublions pas non plus en ces instants de communauté avec l’ensemble de notre pays, ceux qui continuent à mourir pour la France, partout dans le monde.
Vive la France,

Vive l’amitié franco-burkinabé,

Vive le Burkina Faso./.

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