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Crise sociale et gouvernance au Burkina Faso : la nécessité d’une reconquête de la légitimité empirique

Publié le mercredi 13 juillet 2011 à 03h02min

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Une fois de plus, le Burkina Faso de la quatrième république traverse depuis plusieurs mois une période de crise sociale. Cette crise constitue de part son ampleur l’une des plus graves avec celle née des événements de 13decembre 1998. En effet, les multiples protestations des diverses couches socio professionnelles de la vie active du pays ont atteint une allure plus significative avec les mutineries de la grande muette. De part son ampleur, cette crise sociale résultat d’un déficit de gouvernance constitue donc un coup à la prétention de bonne gouvernance burkinabè dans son mode de gestion du pouvoir et surtout dans sa légitimité empirique.

Une contestation de l’ordre politique

La notion de gouvernance introduite dans le langage politique depuis le consensus de Washington se traduit par une gestion du pouvoir d’une manière participative avec d’une part les gouvernants chargés de gérer le pouvoir et d’autre part la société dite civile (populations). Cela signifie que les gouvernants dans leur gestion du pouvoir doivent sans cesse rendre compte aux gouvernés ainsi que le stipule le contrat social qui les lie. Dans cette forme d’ordre politique en vigueur, gouverner suppose donc toujours tenir compte du contrat social passé avec des gouvernés qui eux, s’approprient cette norme par les actes (les participations politiques, le civisme…). Dans le cas contraire, les gouvernés sont en droit de dénoncer un non respect du contrat social par plusieurs formes (abstention, contestations, manifestations diverses…).

Dans le cas de la crise que le Burkina Faso traverse, les manifestations (celles des élèves suite à la mort de Justin Zongo et la grève des magistrats) avaient pour but une lutte pour l’effectivité de certaines prérogatives de l’Etat (la justice pour ce cas ci). Cette première étape sera franchie avec des mutineries enregistrées dans les rangs des forces armées. Ces mutineries dans un premiers temps visaient la revendication de primes impayées mais se transformèrent en une contestation de l’ordre politique par l’usage de la violence (même si cette information sera démentie dans le discours officiel des services compétents…). Ces manifestations seront suivies par celles des autres corps des forces de sécurité (gendarmerie, police…) puis de services des finances, du corps enseignants…bref, une grande partie des services de l’Etat.

Cette contestation comporte un enseignement à tirer : le Burkina Faso vit un déficit de gouvernance que ces manifestations ont contribué à divulguer. En effet, cela est la résultante de l’érection puis de la consolidation d’une élite politique et économique confondues et liées, vivant dans un système monopolistique de redistribution des ressources de l’Etat. Cette élite vit dans un monde éloigné des réalités des populations qui elles voient de jours en jours leurs conditions de vie et de travail se précariser, ses revendications toujours ignorées ou ajournées, d’où l’avènement des révoltes contre des gouvernants ayant rompu le contrat social existant. Ces événements constituant un rejet d’un ordre politique les populations narguées ne reconnaissent plus.

En outre, cette crise sociale, au delà d’être la conséquence d’un déficit de gouvernance comporte un autre enseignement pour les pouvoirs publics :

Un risque de perte d’une légitimité empirique

S’il ya une notion qui s’avère essentielle pour les gouvernants dans le concept de la démocratie participative, c’est bien celle de légitimité. En effet, elle est d’autant utile car elle marque l’implication des populations dans le processus d’élection et permet aux gouvernants de revendiquer leur adhésion au contrat social. Dans les faits, la légitimité se dévoile sur le plan légal rationnel par les procédures (l’organisation d’élections, la création d’institutions légales de gouvernance…) mais surtout sur le plan empirique par l’appropriation des populations du projet proposées par les gouvernants (absence de manifestations de contestations par exemple ou souvent manifestations de soutien à des actions publiques…).

Cette légitimité est très importante car elle marque l’adhésion effective (et pas seulement dans le discours des gouvernants comme c’était le cas en Cote d’Ivoire) des populations. Ainsi, dans le cas d’un rejet des gouvernants (pour atteinte ou rupture du contrat social), les populations s’illustrent par des contestions : A titre d’exemple, certains régimes africains ayant toujours une légitimité institutionnelle n’ont cependant plus celle empirique car ayant déçu les populations qui le font savoir par des manifestations de contestation : le Sénégal actuellement et avant le Niger sous Tandja, la Tunisie, l’Egypte...
Dans le cas du Burkina Faso, la crise sociale a permis de voir le degré du sentiment de désapprobation des populations dans le mode de gouvernance des pouvoirs publics, ces derniers prônant toujours dans le discours une volonté et des initiatives visant à sortir les populations de la misère pendant que dans les faits ces populations ne voient aucune concrétisation.

Les conséquences ont donc été les manifestations puis les actes de vandalisme dont le caractère violent aussi condamnable soit-il illustre une radicalité dans l’état d’esprit. L’expansion de ces contestations dans le temps et dans l’espace du territoire a montré à quel point les populations désapprouvent certaines actions des pouvoirs publics. Sur la plan de la gouvernance, cela est atteste d’une perte de plus en plus accrue de la légitimité empirique dont se prévalait le pouvoir aux sortir d’élections remportées d’une manière plébiscitaire.

Reconquérir le peuple

Gouverner sans légitimité empirique conduit comme on le voit à une impasse (dans laquelle se dirige le régime sénégalais à titre d’exemple). En effet, le peuple ne saurait être considéré comme une case vide et les gouvernants un noyau dans une bulle. Cela stipulerait un ordre politique dans lequel les gouvernants n’ont aucune connexion avec les gouvernés). En outre, cela constituerait une sortie de voie vers la démocratie participative (sur laquelle le Burkina prétend s’être engagé dans le discours) en vigueur. Dans le cas du Burkina Faso, il convient donc de saluer l’initiative de créer avec la société civile le conseil consultatif sur les reformes politiques (CCRP) qui sera l’occasion de faire un travail de fond pour une gouvernance plus participative au Burkina.

En effet, cette structure peut être le cadre d’un travail aboutissant à des recommandations consensuelles dans le cadre du contrat social entre les populations et les gouvernants. Elle peut donc être l’occasion pour les pouvoirs publics de reconquérir le peuple (et donc son adhésion à une reforme de la gouvernance au Burkina) et la légitimité empirique perdue.

Wendata Zongo (I.E.P de Bordeaux)

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