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Tahirou Barry, président du PAREN : « La question du chômage des jeunes est un véritable volcan recouvert de neige »

Publié le vendredi 8 juillet 2011 à 02h19min

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Après la femme, c’est le tour de la jeunesse de faire ses preuves à la tête du parti de la renaissance nationale (PAREN). Tahirou Barry a ainsi été porté à la tête du parti le 04 juillet 2010. Un an après son accession à la présidence du parti, nous l’avons reçu à notre rédaction. Fin de mandat des membres de la CENI, les élections couplées à venir, le fichier électoral, le cadre de concertation sur les reformes politiques, l’engagement des jeunes en politique, bref, avec lui, nous avons fait le tour de l’actualité politique du Burkina ces derniers mois.

Lefaso.net : Le 04 juillet 2010, vous accédiez à la tête du PAREN. Un an après quel bilan tirez-vous ?

Tahirou Barry (T.B) : En toute humilité, je considère que le bilan est positif. Nous avons réussi à mener des activités autour de quatre grands points. Premièrement, nous avons rallumé la flamme militante au sein du parti qui était en train de s’éteindre, surtout au niveau de la frange jeune. Deuxièmement, nous avons continué le travail d’implantation et de consolidation de nos structures sur toute l’étendue du territoire national. Actuellement, la PAREN est présent dans les 45 provinces du pays et dans plus de 300 départements. A notre arrivée, le parti n’était représenté que dans une dizaine de provinces. Troisièmement, nous avons travaillé à assurer une meilleure visibilité du parti en créant un site Internet (www.paren-burkina.net). Ce site qui regorge d’informations très riches concernant le PAREN nous permet de mieux communiquer avec tout citoyen intéressé et surtout d’enregistrer quotidiennement des adhésions.

Enfin, le PAREN a tenté d’exister politiquement, en menant, malgré la modicité de ses moyens, des activités de communication politique, de formation et d’information à travers notamment des conférences publiques. Actuellement, le parti est plongé dans les préparatifs de son douzième anniversaire en septembre qui sera marqué par de grands meetings dans des régions comme les hauts bassins, le sud ouest, le centre ouest et le centre.

Lefaso.net : Comment êtes-vous arrivé au PAREN ?

T.B : J’ai spontanément adhéré au PAREN dès sa création en 1999 alors que rien ne me prédisposait à une carrière politique. J’ai immédiatement créé avec d’autres camarades la cellule estudiantine du PAREN dont j’étais le secrétaire général. J’ai ensuite occupé diverses responsabilités dans le bureau jusqu’en juin 2010 avant d’être porté à la tête du parti par les congressistes.

Lefaso.net : Vous succédez à une femme, qui a, elle-même, succédé au fondateur du parti (Laurent Bado), cette alternance ne pourrait-elle pas un signe d’instabilité au sein du parti ?

T.B : Loin de toute idée d’instabilité, la question de l’alternance est une philosophie fondamentale qui guide l’action du parti. En succédant à une dame, je pense qu’au regard de mon âge (ndlr : né le 27 juillet 1975), c’est un honneur qui a été fait à la jeunesse. C’est un défi qui s’impose à moi et je ne dois pas décevoir pour ne pas décourager ceux qui veulent suivre l’exemple du PAREN en rajeunissant l’équipe dirigeante.
Lefaso.net : Cette alternance n’empêche-t-elle pas l’émergence de personnalités fortes au sein du parti ?

T.B : Cela n’empêche nullement l’émergence de personnalités fortes parce que la distribution des rôles dans notre parti est telle que chacun peut apporter sa contribution de façon éclatante s’il a la volonté.
Lefaso.net : Vous n’avez pas participé à l’élection présidentielle 2010, avec le recul, restez-vous toujours persuader d’avoir fait le bon choix ?
T.B : A l’époque, la PAREN a été confronté à un dilemme : fallait-il participer à une élection présidentielle pour faire la promotion de ses idéaux, présenter son programme politique ou tout simplement ne pas servir de faire-valoir. Nous avons, après analyse de la situation politique nationale et des préparatifs du scrutin, considéré qu’en participant à l’élection présidentielle, le PAREN allait tout simplement apporter sa caution à une mascarade qui était en vue.

On a assisté en son temps à une véritable cacophonie dans la confection et la distribution des CNIB, un renoncement au croisement des données avec l’ONI qui était pourtant indispensable pour assainir la liste des inscrits, des déclarations très partisanes du Président de la CENI ,les tripatouillages de façon unilatérale de la loi électorale à quelques semaines de l’élection au mépris des règles internationales, les velléités de modifications de l’article 37, etc. Bref, nous avons donc décidé de nous retirer pour ne pas être comptable de l’étranglement de notre démocratie. Vous avez vu les résultats. Cela ne fait honneur ni à notre démocratie, ni aux acteurs politiques de notre pays.

Lefaso.net : A l’issue de cette élection, la carte d’électeur avait été déclaré illégale par un tribunal administratif, décision que vous aviez soutenu à l’époque. Il y a quelques jours, un des membres influents de votre parti (Abdoul Karim Sango) a déclaré dans les colonnes d’un quotidien de la place que la question de l’illégalité de la carte d’électeur était un faux débat. Est-ce à dire que le PAREN a changé de position ?

T.B : Le militant de notre parti a fait une affirmation qui n’engage que lui. Le PAREN est toujours constant dans sa position. Nous avons soutenu les candidats à la présidentielle qui ont saisi le juge administratif sans pour autant juger la portée politique de leur candidature à la présidentielle. Que cela soit très clair ! Du reste, contrairement à ceux qui pense que l’illégalité de la carte d’électeur n’a pas d’intérêt parce qu’il n’y a pas eu grief semble confondre la question du recours pour excès de pouvoir qui vise l’annulation d’un acte sur la base d’un préjudice subi et le recours en appréciation de légalité qui apprécie la conformité d’un acte par rapport aux normes supérieures. Dans le cas d’espèce, il s’agit d’un recours en appréciation de légalité et ce recours à mon humble avis n’a aucunement besoin de se fonder sur des griefs ou torts comme l’empêchement à voter pour prospérer.

Si le juge administratif Réné BAGORO qui est connu pour ses grandes qualités techniques a jugé illégale la carte d’électeur, c’est parce qu’il a constaté que cette carte ne contenait pas les mentions obligatoires tel le lieu de naissance qui étaient prescrites par l’article 53 de la loi électorale. Et toutes les cartes ainsi produites devraient être caduques. On devait en tirer toutes les conséquences au lieu de faire la diversion en faisant appel devant le conseil d’Etat. D’ailleurs, le conseil d’Etat a surpris en déclarant tout simplement que le juge administratif n’avait pas compétence pour apprécier la situation sans nous instruire si la carte était effectivement valable ou pas.

Lefaso.net : L’assemblée nationale vient de mettre fin au mandat de la très décriée CENI de Moussa Michel Tapsoba, n’est-ce pas une victoire pour l’opposition qui s’est battue des mois durant pour le départ du président de la CENI ?

T.B : Je parlerai plutôt d’une victoire de la démocratie parce que la CENI a organisé l’un des plus calamiteux scrutins de notre histoire. Il était plus élégant pour les commissaires et le président de tirer toutes les conséquences de cet échec et rendre le tablier depuis décembre sans en être contraint comme l’a fait en son temps le commissaire de l’UNIR/PS. Malheureusement, ce n’est pas ce que nous avons constaté. Que de temps perdus inutilement !

Lefaso.net : Comment entrevoyez-vous la composition de la nouvelle équipe qui aura la lourde mission d’organiser les élections municipales et législatives couplées de mai 2012 ?

T.B : Nous sommes dans la dynamique d’une proposition de nouvelles personnalités pour intégrer la CENI et nous allons œuvrer pour que ces personnalités soient techniquement compétentes et moralement irréprochables. Nous veillerons à mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut au sein cette institution importante de notre système démocratique.

Lefaso.net : Le délai imparti à la future nouvelle équipe n’est-il pas assez court pour organiser des élections propres ?

T.B : En toute chose, c’est une question de volonté politique. Je pense qu’il est prématuré de penser à un quelconque report. Il y a lieu de mener les activités qui s’imposent dans le sens de la préparation des élections couplées. En temps opportun, la classe politique appréciera et décidera s’il y a lieu ou non de reporter ces élections.

Lefaso.net : Pour la première fois de son histoire, le Burkina s’apprête à organiser des élections couplées (législatives et municipales), comment se prépare le PAREN ?

T.B : Le PAREN, a déjà donné des instructions auprès de ses structures pour enregistrer des candidatures sérieuses. Nous avons besoin d’une nouvelle race d’hommes politiques de probité et d’intégrité, animés d’une forte conscience patriotique, qui viendront pour servir les autres et non se servir, pour prendre en charge des missions et non se mettre à la charge du parti.

Lefaso.net : Avez-vous les moyens d’aller à ces deux échéances cumulativement organisées ?

T.B : En 2002, le PAREN a engrangé quatre (4) députés sans moyens. N’oubliez pas ce que nous avons coutume de répéter : la fourmi soulève dix fois son poids. La question de la volonté transcende celle des moyens. C’est une question de sacrifice, d’investissement et de conscience politique.

Lefaso.net : Si on maintient le fichier électoral actuel, allez-vous tout de même participer à ce scrutin ?

T.B : Nous refuserons ce soit disant fichier actuel. Nous n’avons pas de fichier électoral. C’est le recensement qui a été érigé en fichier électoral sans un minimum de traitement pour extraire ceux qui ne remplissent pas les conditions légales pour participer au vote. Nous allons donc réclamer un recensement électoral et une nouvelle carte d’électeur qui garantisse la transparence et la crédibilité du scrutin.

Lefaso.net : Actuellement se tient à Ouaga 2000, le cadre de concertations sur les reformes politiques, quelle pertinence apporterez-vous aux conclusions qui en sortiront, d’autant plus que vous avez boycotté ces concertations ?

T.B : Au-delà de la pertinence des conclusions attendues, nous nous sommes interrogés sur la nature de la structure qui devrait accoucher des recommandations. Il y a quatre aspects qui ont retenu notre attention : le cadre, le contenu, la procédure et les résultats attendus. Sur le point du cadre, il est dirigé par un proche du président COMPAORE qui a été président de la commission constitutionnelle en 1990. Le résultat, c’est un régime je dirai présidentialiste conférant des pouvoirs exorbitants au chef de l’Etat qui nous a été servi. Le cadre n’est donc ni neutre ni consensuel ni crédible.

Du point de vue du contenu, à travers les différents débats qui ont été menés, tout portait à croire que l’objectif visé était la modification de l’article 37. Nous avons décidé de ne pas participer à un projet aussi funeste d’assassinat de la clause limitative du mandat présidentiel. Troisièmement, il y a la procédure. On nous dit que les recommandations des conseillers seront soumises à l’appréciation des régions. Quel organe aura compétence dans ces régions pour apprécier ? Nous nous interrogeons. Enfin les résultats. On nous parle d’un cadre consultatif. Ça veut dire clairement que les conclusions n’ont aucune valeur contraignante. A quoi servent des résolutions qui n’ont aucune chance de s’imposer au pouvoir actuel. Voici autant d’ambiguïtés qui ont fait que nous nous sommes abstenu au regard de l’histoire de notre pays car les tenants de la 4e république, après tant de confiances trahies, tant d’engagements non tenus n’inspirent plus confiance.

Lefaso.net : Le Burkina traverse une crise socio-politico-militaire depuis février 2011, est-ce les manifestations du déluge qu’avait annoncé le fondateur du PAREN, Laurent Bado ?

T.B : Nous disons avec le fondateur du PAREN Laurent Bado qu’une fenêtre de l’enfer est ouverte. Il faut travailler à ce que les portes ne s’ouvrent pas. La crise que nous traversons est la conséquence d’une rupture de confiance entre gouvernants et gouvernés. C’est une véritable crise de légitimité de nos institutions qui ne sont plus représentatives. La majorité du peuple ne s’y reconnait pas et manifeste son raz le bol en dehors du cadre républicain. Le parlement a tous les traits d’une chambre d’enregistrement, la justice est aux ordres, l’exécutif a montré ses limites dans la proposition de solutions aux maux qui gangrènent notre société.

Pire, l’immense majorité de la population est en proie à de doute quant à son avenir. Près de 46% de la population végètent en dessous du seuil de pauvreté pendant que plus de 75% de nos richesses sont concentrées entre les mains de moins de 25% de la population. Ce qui est révoltant, c’est cette injustice ambiante dans notre cité. Or l’être humain peut tout supporter dans une certaine proportion sauf l’injustice. L’autre plaie reste celle du chômage des jeunes qui est un véritable volcan recouvert de neige. En tant que gestionnaire des ressources humaines, je sais de quoi, je parle. Cette année près de 400 000 candidats se disputent 8000 postes de la fonction publique et on ne se gêne pas pour dire que le taux du chômage est de seulement 3% au Burkina. Cela peut faire dormir mail il faut craindre un réveil brutal. En Tunisie, il y avait officiellement 200 000 diplômés chômeurs. Où se trouve aujourd’hui le président Ben Ali ?

Lefaso.net : Malgré, les chiffres alarmants, la jeunesse ne s’intéresse pas à la politique. Que faire pour l’y intéresser ?

T.B : La jeunesse a été longtemps instrumentalisée et dupée et ne croit plus en rien aujourd’hui. Je tiens à leur dire que le changement qualitatif tant rêvé n’arrivera jamais sans leur engagement. C’est dans le non-sens de la vie sociale, économique et politique actuelle qu’ils doivent donner un sens à leur engagement. L’histoire nous enseigne que tout changement n’a été possible que grâce au sursaut d’une jeunesse consciente, responsable et déterminée. Il fallut que le jeune Mohamed BOUAZIZI en Tunisie s’immole par le feu pour qu’on parle de printemps arabe. Au Burkina, il faut que les jeunes ultra-majoritaires dans notre pays assument leur rôle historique et le PAREN les accueillera à bras ouverts pour mener le combat.

Lefaso.net : Comment avez-vous vécu le meeting du 30 avril où vous étiez un des porte-paroles de l’opposition qui demandait le départ de Blaise Compaoré ?

T.B : C’était une lourde responsabilité qui pesait sur mes frêles épaules que de parler au nom des 34 partis d’opposition et j’ai vécu cela comme une marque de confiance et reconnaissance à une jeunesse qui a toujours joué un rôle politique majeur dans notre pays. Ce jour-là, je me suis exprimé sans complexe pour porter un message fort qui était la démission du Chef de l’Etat.

A ce sujet, je suis surpris de ceux qui s’étonnent qu’on ait appelé le Chef de L’Etat à rendre le tablier. Affublé d’un déficit de légitimité à l’issue d’un scrutin chaotique et dévoyé avec seulement 1 300 000 de voix obtenus sur un potentiel d’électeur de 7,5 millions, amputé de son autorité morale face à la défiance permanente de l’autorité de l’Etat et en panne d’imagination face aux gangrènes de notre pays, je ne vois pas ce que monsieur Compaoré peut encore apporter de plus dans notre pays !

Lefaso.net : Ça n’a pas été une belle expérience, puisqu’on ne vous a plus revue dans la rue.

TB : Nous nous sommes rendu compte avec le recul que ce meeting a été organisé dans la précipitation, sans stratégie de mobilisation et sans moyen. Nous en avons tiré toutes les leçons.

Lefaso.net : Le PAREN a décerné un titre de reconnaissance à Laurent BADO à l’occasion de son départ à la retraite. Quelles en sont les raisons ?

T.B : A travers cette reconnaissance, le Parti a tenu à féliciter l’un de ses membres pour son sacrifice élevé et son investissement profond dans la construction du pays. Cette reconnaissance vient combler une carence de l’Etat qui n’a jamais décerné un quelconque titre à BADO malgré plus de 37 ans de bons et loyaux services rendus notamment dans la formation des milliers de cadres dans ce pays. Il était agréablement surpris de ce geste du PAREN et en gardera, j’en suis certain, un bon souvenir.

Lefaso.net : Quel sera le Burkina de demain si le PAREN parvenait à prendre les rênes du pouvoir ?

T.B : Depuis sa création, le PAREN a toujours clamé que lorsqu’il accédera au pouvoir, il mettra fin à la misère en cinq ans et inscrira notre pays dans le processus du développement durable en dix ans. Tout ce que nous prévoyons est inscrit avec force dans notre manifeste politique : une doctrine, un projet de société soutenu par un programme de gouvernement quantifiable, mesurable et contrôlable. Le PAREN a une vision politique et une stratégie. Nous envisageons détruire l’Etat et le reconstruire sur une base saine fondée sur nos valeurs intrinsèques et nos capacités réelles.

Lefaso.net : Après une année de présidence du PAREN, quelles sont les leçons que vous avez tiré ?

T.B : J’avoue que cela n’est pas du tout facile de diriger surtout un parti d’opposition. Les problèmes sont immenses et complexes et les militants ne comprennent pas toujours les limites qui s’imposent à nous. Il y a trop de pressions et souvent au coucher, je m’interroge sur le sort de notre difficile combat surtout quand des hommes de vertus et de foi qui devraient vous accompagner vous abandonnent à la merci des loups et autres politiciens véreux. Etant croyant, je me dis que le combat vaille la peine d’être mené car la politique apparaît comme la forme la plus élevée de la charité et du don de soi lorsqu’elle est menée en toute bonne foi dans l’intérêt de son pays.

Interview réalisé par Moussa Diallo

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