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MAMADOU ISSOUFOU (président du Niger) : "L’alternance doit devenir une tradition"

Publié le mardi 5 juillet 2011 à 02h30min

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C’est un bourreau du travail, confient ses proches collaborateurs. Dès qu’il reprend ses forces par une rapide pause-déjeuner au Palais, le revoilà reparti à ses lourdes tâches quotidiennes.

En cette fin de soirée du 22 juin 2011, le temps paraît particulièrement précieux pour le 6e président de la VIIe République du Niger. Emploi du temps tiré au cordeau, il enchaîne les audiences au Palais de la République dont le décor est un savant dosage de tradition, et de modernité. Physique de catcheur et visiblement impavide, on qualifierait volontiers Mamadou Issoufou, d’homme à la "force tranquille". Une force, en tout cas, morale, qui lui aura permis de braver bien des épreuves avant de succéder à celui-là même qui lui aura fait voir des vertes et des pas mûres et à l’endroit de qui il dit ne nourrir aucune rancune. Il faut "jeter la rancune à la rivière", lâche-t-il. Mamadou Issoufou nous aura reçu après avoir consacré une partie de sa journée à présider le Conseil des ministres. Un entretien qui aura duré environ une heure.

Se voir consacrer autant de temps par un chef d’Etat à l’emploi du temps hyper chargé ce jour-là, il faudrait plutôt s’en réjouir, même si la totalité des questions n’a pu être posée. Les projets qu’il nourrit pour ses concitoyens, les questions de gouvernance politique, l’avenir du président déchu Mamadou Tandja, ses rapports avec l’ancien chef du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD), Saliou Djibo, la menace terroriste, la crise libyenne, etc., il aborde toutes ces questions dans cette interview qui se terminera par une bienfaisante pluie. Joie du président qui dit compter les pluies et qui venait de totaliser jusqu’à cette dernière pluie, la quatrième tombée à Niamey. Joie légitime dans la mesure où le Niger, pays qui n’arrive pas encore à se défaire de la pauvreté, fait partie du sahel.

"Le Pays" : Investi le 7 avril dernier, vous vous acheminez vers les 100 jours de votre mandat, comment avez-vous vécu ce temps ?

Mamadou Issoufou : On n’est pas encore aux cent jours, qui interviendront autour des 16 et 17 juillet prochains. D’ici là, beaucoup de choses se seront passées. Mais par rapport à ce qui a été fait depuis que j’ai été investi, je peux dire, sur la base du programme sur lequel j’ai été élu, qu’un certain nombre d’actions ont été lancées dans le cadre de ce programme quinquennal présenté aux électeurs (Voir encadré 1). C’est dans le cadre des priorités que nous nous sommes fixées pendant la campagne électorale, que nous avons entamé le mandat. Nous sommes entrés de plain-pied dans l’exécution de ces priorités. Vu le nombre d’actions engagées, on peut dire que la machine est lancée et le rythme s’amplifiera au fur et à mesure qu’on avancera.

C’est donc un mandat qui démarre sur des chapeaux de roue…

Oui, parce que le temps presse. Il faut, par conséquent, aller vite. Les Nigériens ont de fortes attentes, et ces attentes, permettez-moi l’expression, n’attendent pas. Il y a un nouvel espoir qui est créé par cette nouvelle dynamique politique dans le pays, pays cité aujourd’hui en exemple de démocratie en Afrique. En ce sens, nous avons d’ailleurs débloqué un certain nombre de dossiers en rapport avec nos partenaires extérieurs, notamment le Fonds monétaire international (FMI) avec lequel nous avons rétabli nos relations. Pas plus tard qu’hier, l’Union européenne a pris la décision de lever ses sanctions contre le Niger. Je viens d’apprendre, pour ce qui est des Américains, que la sanction contre nous en ce qui concerne le Millénium challenge corporation (MCC) a été levée. Comme vous le constatez, nous sommes en train de réunir toutes les conditions pour que les ressources dont le pays a besoin pour réaliser les objectifs que nous nous sommes fixés, évaluées à 6 000 milliards de F CFA, soient trouvées. Je suis confiant. Le rêve que vous caressiez depuis des années est devenu réalité : accéder à la magistrature suprême. Après 4 tentatives, vous êtes, à 59 ans, le premier président de la VIIe République du Niger. Au contact de la charge suprême, et après quelques mois d’exercice du pouvoir, la conception que vous vous en faisiez est-elle restée intacte ?

Accéder à la magistrature suprême n’était pas, en réalité, le rêve que je caressais. Mon rêve a plutôt toujours été de servir le Niger. Et c’est pour cela que j’ai dit dans mon discours d’investiture, que le peuple nigérien m’a confié la mission de le servir. Je suis un serviteur et je me comporterai en serviteur et non en maître. Servir mon peuple sera toujours pour moi une boussole. Etre au service du peuple nigérien était ma vision avant d’être président, et cela reste toujours une vision.

La conception que vous vous faisiez de la magistrature suprême a-t-elle changé en quelques mois d’exercice du pouvoir ?

Ma conception n’a pas changé du tout. Au contraire, le peu de temps passé au pouvoir m’a conforté dans ma vision : servir le peuple nigérien. J’ai constaté qu’il y avait beaucoup de pratiques qui ne correspondaient pas à cette vision-là. Cela a causé d’énormes préjudices à notre pays. Le fait que je sois à cette place m’a amené à en prendre davantage conscience et m’a conforté dans ma volonté de faire changer les choses en vue de réunir les conditions d’une autre gouvernance politique. D’ailleurs, aujourd’hui (ndlr : 22 juin 2011) en Conseil des ministres, nous avons pris des décisions en rapport avec la nécessité d’assainir la gestion des finances publiques et décidé de mettre en place une haute autorité de lutte contre la corruption et l’impunité.

Monsieur le président, est-il difficile d’être président ?

Je ne pense pas que ce soit difficile. C’est une fonction comme une autre. J’ai eu à occuper de hautes responsabilités tout au long de ma carrière. J’ai été directeur des mines pendant des années. Après cela, j’ai exercé dans le privé pendant un certain nombre d’années. Et curieusement, le poste que j’occupe actuellement me rappelle un autre que j’ai occupé dans les années quatre-vingt. Même intensité de travail, rigueur. Cela me réjouit d’être pleinement occupé du matin au soir.

Le 31 octobre dernier, le Niger s’est doté d’une nouvelle Constitution à l’issue d’un référendum qui a connu un franc succès. Cette nouvelle Constitution, qui instaure une VIIe République, prévoit, entre autres, que le président élu dispose d’un mandat de cinq ans renouvelable "une seule fois". Respecterez-vous cette clause limitative de mandats ?

Absolument ! Cela fait partie de la bonne gouvernance politique. On ne doit pas changer la règle du jeu en cours de jeu. En cinq ans d’exercice du pouvoir, on peut réaliser beaucoup de choses. Et si, à l’issue des cinq ans, le peuple nigérien m’accorde un autre mandat, dix ans ce sera déjà beaucoup. Mais, pour l’instant, je suis à mon premier mandat durant lequel je m’emploierai à réaliser les promesses que j’ai faites au peuple nigérien. Parmi ces promesses figure celle de respecter la Constitution. Et même si le peuple nigérien décide de m’accorder un autre mandat, je ne me vois pas en train de continuer au-delà d’un deuxième mandat.

Autant dire que vous comptez solliciter un deuxième mandat, à l’issue des cinq premières années…

C’est prématuré de le dire. Pour le moment, je me concentre sur le mandat actuel.

Votre prédécesseur, Mamadou Tandja, a fait le serment coranique de respecter la Constitution. On connait la suite. En fin de mandat, qu’est-ce qui dit néanmoins que vous ne pourriez pas, vous aussi, être tenté par un Tazartche bis, si le "peuple" le demandait ?

C’est vrai qu’on s’abrite souvent derrière le peuple. Il est trop facile de dire : "le peuple réclame un troisième mandat". Non, il faut respecter les règles du jeu. C’est cela qui permettra d’approfondir la démocratie au Niger. Le peuple nigérien a fait preuve d’une grande maturité. Quant à la classe politique nigérienne, on a comme l’impression que c’est elle qui est à la traîne par rapport au peuple. Je pense que ce peuple a toujours besoin de changement. L’alternance doit devenir une tradition dans nos pays, et je crois que c’est dans l’alternance que se trouve le secret de la stabilité et donc le secret du progrès économique et social.

Alors que pensez-vous de tous ces chefs d’Etat qui modifient la Constitution pour se pérenniser au pouvoir ?

Je ne les juge pas. Moi, j’ai mes convictions personnelles. Je ne connais pas les contextes particuliers à leur pays. Je connais le mien et je sais que les Nigériens ont besoin d’alternance et c’est pourquoi je respecterai leur besoin de changement.

En un peu plus d’un demi-siècle d’existence, le Niger indépendant a connu quatre coups d’Etat et a été administré directement par des militaires. La classe politique nigérienne a-t-elle failli ? Je ne dirais pas que la classe politique nigérienne a failli. Bien au contraire, elle a beaucoup de mérites dont celui d’avoir abattu un travail colossal de formation politique au bénéfice du peuple. En vingt ans de démocratie, le peuple nigérien a progressé sur la voie de l’acquisition d’une conscience politique. Son comportement à l’occasion des différents scrutins que le Niger a organisés, le démontre. Par exemple, au cours de la période de transition qui vient de s’achever, on a organisé six scrutins qui se sont tous déroulés dans le calme et sans violence, contrairement à ce qui se voit dans d’autres pays africains. On doit, en partie, cela à la classe politique qui aura abattu un travail remarquable. Bien évidemment, il y a eu des insuffisances qui ont abouti à des crises dont le Niger aurait pu faire l’économie. Ces insuffisances ont malheureusement entraîné des coups d’Etat auxquels vous venez de faire allusion. Mais, globalement, je pense que la classe politique nigérienne a beaucoup de mérites.

"A ceux qui s’accrochent au pouvoir par la corruption, la tromperie et en réduisant la contestation au silence, sachez que vous êtes du mauvais côté de l’histoire." Le propos est du président américain, Barack Obama. Partagez-vous cette vision ?

Je la partage entièrement. L’Afrique, comme il a d’ailleurs eu à le dire, à l’occasion de sa visite à Accra (au Ghana en juillet 2009), a besoin non pas d’hommes forts, mais d’institutions fortes. Et c’est pour cela que, dans mon programme, j’ai dit clairement que mes objectifs étaient de consolider les institutions démocratiques et républicaines. Si nous avons de bonnes institutions, alors nous aurons créé les conditions pour que ces institutions servent le peuple nigérien. Et c’est à cela que je m’attèle.

La même nouvelle Constitution de la VIIe République prévoit par ailleurs une amnistie aux auteurs du coup d’Etat du 18 février. Vous rangez-vous aux côtés de bon nombre de Nigériens qui ont accueilli le coup d’Etat du général Salou Djibo, comme un coup d’Etat salvateur ?

Ce qui s’est passé pendant la transition prouve bien que c’est un coup d’Etat salvateur, même si, pour un démocrate, il est difficile d’approuver les coups d’Etat. Mais ce débat est tranché. Les résultats sont là, palpables : une bonne transition, d’excellentes élections avec à la clé, le retour du Niger à l’ordre constitutionnel normal. Il est cité en modèle de démocratie en Afrique. C’est donc au résultat qu’il faut juger et les résultats permettent de dire que la transition a été une grande réussite. Ce débat aurait pu être entretenu au début de la transition. Aujourd’hui, il n’a plus sa raison d’être puisque les résultats sont palpables.

Le coup d’Etat était donc nécessaire…

Je ne le dis pas de cette manière. Mais, au regard des résultats, le Niger, aujourd’hui, est sur la bonne voie, il est cité en exemple et cela nous a même valu une invitation au sommet du G8 (à Deauville en France), ce qui prouve que la communauté internationale approuve ce qui s’est passé au Niger, en plus des Nigériens eux-mêmes.

Après son honorable sortie, quel sera, à votre avis, l’avenir du chef du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) ?

Il me plaît d’abord de saluer l’action du président Salou Djibo pendant la transition. Les résultats enregistrés par le Niger, il le doit beaucoup à la fermeté et au patriotisme du président Salou Djibo. Je me rappelle avoir, après mon investiture, organisé des réunions en vue de la passation de service. Après la passation de service, et en cela, je vous confie un secret, j’ai demandé au président Salou Djibo ce qu’il voulait. Il a répondu qu’il ne voulait rien. Alors, je lui ai demandé ce qu’il souhaitait pour son entourage ? Il m’a répondu qu’il ne voulait rien pour son entourage. C’est là, le comportement d’un homme digne, d’un grand patriote qui n’a pas fait ce qu’il a fait pour lui-même (ndrl : sans doute parle-t-il du coup d’Etat du 18 février qui a renversé le président Mamadou Tandja), mais pour rendre service à son peuple. Salou Djibo a décidé de créer une fondation consacrée au développement et à la démocratie. Je lui souhaite vraiment de réussir comme il a réussi dans la conduite de la transition. C’est un homme pour lequel j’ai le plus grand respect.

Certains Nigériens affirment que Salou Djibo a droit à une sorte de quota, qui lui permet de placer ses hommes au sein du gouvernement et de proposer des noms pour la nomination des gouverneurs et autres…

Je suis bien placé pour savoir que cela n’est pas vrai. Ce que je viens de dire suffit, je crois, à démentir tous ces propos. Depuis la passation de service entre lui et moi, j’ai revu le président Salou Djibo une seule fois ; c’était à l’occasion des funérailles (ndlr : le 26 avril dernier) du président du PPN/RDA (Parti progressiste nigérien / Rassemblement démocratique africain), Abdoulaye Diori. Salou Djibo n’intervient pas dans les prises de décision. On ne peut pas empêcher les gens de parler. Mais ces personnes sont complètement à côté de la plaque.

Depuis votre prestation de serment, y a-t-il toujours un contact suivi entre vous et Salou Djibo ?

Je l’aurais voulu. Mais je suis parfois tellement pris, du matin au soir, qu’il m’est très difficile de consacrer du temps à autre chose. Mais, j’avoue qu’il est très important que je reste en contact avec lui, comme je dois discuter avec tous les Nigériens, en particulier avec ceux qui ont eu à occuper des responsabilités éminentes. Mais depuis que j’ai été investi, je n’ai pas eu le temps d’entretenir des relations suivies avec Salou Djibo. Je le regrette d’ailleurs. Mais je m’organiserai à l’avenir pour avoir davantage d’échanges avec lui.

Vous auriez promis de revoir le statut des ex-chefs d’Etat… Selon toute apparence, il n’a pas à craindre pour ses vieux jours…

Je n’ai pas promis de revoir leur statut, les anciens chefs d’Etat ayant déjà un statut, c’est le même statut que je mets en œuvre.

S’agissant à présent de l’ex-président de la République, Mamadou Tandja, il a recouvré sa liberté le mardi 10 mai 2011 après 15 mois de détention d’abord à la villa verte puis à la prison civile de Kollo. Entrevoyez-vous, d’une manière ou d’une autre, son retour sur la scène politique nigérienne ?

Je n’en sais rien. Je ne sais pas ce que le président Mamadou Tandja a l’intention de faire. Tout ce que je sais, c’est que la Justice l’a libéré, ce qui prouve d’ailleurs que les institutions du pays fonctionnent normalement. Il n’y a pas eu d’intrusion de l’exécutif dans la procédure judiciaire. Cela prouve que l’indépendance de la justice est une réalité au Niger. Ce qui va dans le sens de la consolidation des institutions démocratiques et républicaines, et c’est tant mieux, car c’est cela mon objectif. Cela dit, je ne sais pas ce qu’a l’intention de faire, dans l’avenir, le président Mamadou Tandja.

Si d’aventure la justice requalifiait les charges qui pesaient contre lui, seriez-vous favorable à son jugement ?

Je n’ai pas à dire si je suis favorable ou pas. Et je ne sais pas qui a parlé de requalification. Ce que je constate pour l’instant, c’est qu’il a été libéré par la Justice dont je respecte les décisions. Cela étant, je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait.

On dit de l’ancien président, âgé de 73 ans, qu’il ne serait pas au mieux de sa forme. Ne s’achemine-t-on pas finalement vers l’impunité en ce qui le concerne, si éventuellement, il y avait un autre procès ?

Moi, je ne parlerai pas d’impunité. Il a été arrêté suite au coup d’Etat. Il est resté en détention pendant 15 mois. La Justice l’a libéré, je n’ai pas d’autre commentaire à faire. Je respecte les décisions prises par la Justice nigérienne.

Vous estimez donc qu’il a suffisamment payé pour ses fautes, pour avoir déjà fait la prison ?

Je n’ai pas de jugement à apporter par rapport à cela, n’étant pas juge.

La Justice nigérienne a lancé le 2 novembre 2009 un mandat d’arrêt international pour « blanchiment d’argent » contre vous, alors que vous étiez en séjour à l’étranger. Vous avez accepté de rentrer pour "vous mettre à la disposition de la Justice". Vous avez été accueilli en héros par une foule de partisans et les charges qui pesaient contre vous ont été finalement annulées. Avez-vous un quelconque ressentiment à son endroit ?

Je n’ai aucun ressentiment. Le plus important est que la Justice m’ait innocenté. C’est parce que j’étais totalement innocent que je suis rentré au Niger. Je ne suis pas le genre d’homme politique rancunier. J’ai coutume de dire qu’il faut jeter la rancune à la rivière parce que la rancune fait perdre certaines facultés à celui qui est rancunier. Je préfère toujours garder ma lucidité et c’est pourquoi je jette la rancune à la rivière.

L’armée nigérienne a intercepté dimanche 12 juin 2011 un véhicule au nord d’Arlit avec à son bord une cargaison d’explosifs et de détonateurs. On soupçonne AQMI d’être derrière ce trafic de matériel explosif en provenance de la Libye. L’enquête avance vraisemblablement. Où en est-on à ce jour ?

L’enquête avance effectivement. Mais à ce stade, je n’ai pas de résultats à vous communiquer. Le plus important est de noter que les forces de défense et de sécurité du Niger sont de plus en plus en situation de pouvoir assumer leur mission d’assurer la sécurité de notre pays et celle des Nigériens. Pour l’instant, la plus grande leçon à tirer des événements du 12 juin dernier, c’est la capacité de nos forces de défense et de sécurité à faire face à la situation. Elles seront en situation d’y faire davantage face dans l’avenir parce que je m’emploie à faire en sorte qu’elles soient dans les conditions pour assumer leurs missions de défense du territoire et de protection des Nigériens et de leurs biens. Sur ce plan, nous sommes très avancés. Nous avons pris déjà beaucoup de dispositions pour que le Niger puisse faire face aux menaces qui sont communes à l’ensemble des pays du sahel, en l’occurrence la menace intégriste, la menace des organisations criminelles, le trafic de drogue, le trafic des armes et le trafic humain.

Il est 19h, il tombe des cordes sur Niamey, le président nous informe qu’il a des engagements, il faut à présent aller vite et passer sur certaines questions.

Suite à l’enlèvement de sept salariés d’Areva et de la Satom (sous-traitant d’Areva) en septembre 2010 à Arlit, il n’y a plus un seul expatrié sur les sites d’Imouraren et dans les deux mines d’Arlit. Vous avez évoqué un prochain retour des expatriés français sur les sites miniers d’Areva dans le Nord du Niger. Le retour est-il proche ?

Je crois que les conditions sont à présent réunies pour que les expatriés reviennent sur le site d’Imouraren. Toutes les dispositions ont été prises, en tout cas, au niveau des forces de défense et de sécurité. Donc les expatriés n’ont plus rien à craindre, nous sommes capables de les protéger.

Une idée sur la date de leur prochain retour …

Je ne peux pas vous donner de date. Je sais que les mesures sont prises pour assurer la sécurité aux fins de créer les conditions d’un bon retour des expatriés.

Le téléphone sonne, il décroche, les nouvelles ne semblent pas bonnes, à l’entendre répéter : oh là là !

Vous préconisez une solution pacifique à la crise libyenne. Peut-on négocier face à deux camps qui campent sur leur position, le CNT (Conseil national de transition) de Benghazi ne voulant rien négocier d’autre que les conditions du départ du Guide qui, en ce qui le concerne, ne l’entend pas de cette oreille ?

Toutes les crises finissent toujours autour d’une table de négociation. Moi, je suis convaincu qu’il n’y a pas de solution militaire à cette crise. La solution ne peut être que politique. Et, au sein de l’Union africaine, la plupart des chefs d’Etat ont cette même vision. Plus tôt on en sortira, mieux ça sera. Surtout pour nous, pays voisins de la Libye, qui courrons des risques d’instabilité. Pour ce qui le concerne particulièrement, le Niger ressent incontestablement les effets de la crise libyenne par le retour au bercail de centaines de Nigériens, la dissémination de beaucoup d’armes lourdes suite au pillage des arsenaux, des dépôts d’armes en Libye, etc. On a enregistré officiellement le retour de plus de 100 000 concitoyens du fait de cette crise. A ceux qui se livrent au trafic d’armes, on en a saisi une quantité importante. Ce que nous crayons, c’est que la Lybie se « Somalise » et qu’elle fasse le lit aux intégristes. Il faut donc aller rapidement vers une solution politique et négociée de la crise.

Pourriez-vous reconnaître un jour le CNT de Benghazi ?

Le problème ne se pose pas en ces termes. Ce qui intéresse le Niger en tant que pays voisin, c’est la paix en Libye. Je n’ai pas à m’aligner sur tel ou tel camp. Le plus important c’est que le Niger contribue à ce qu’une solution politique soit trouvée pour sortir rapidement de la crise. C’est cela l’intérêt du Niger. Le temps ne fait que compter.

Vous comptez parmi vos proches, des chefs d’Etat en exercice dont le président Burkinabè, Blaise Compaoré. A quand remonte votre dernier coup de fil ?

Le président Blaise Compoaré est un chef d’Etat pour lequel j’ai le plus grand respect. C’est quelqu’un avec lequel je partage beaucoup de valeurs. On a la même vision de l’avenir de nos pays et de l’avenir de l’Afrique. Je le connais depuis longtemps et la dernière fois que je l’ai vu, c’était à Lomé dans le cadre du sommet des chefs d’Etat de l’UEMOA. Nous sommes en contact régulier.

Pensez-vous qu’il faille juger l’ex-président ivoirien Laurent Gbabgo ?

Est-il nécessaire que je réponde à une telle question ? Adressez-vous plutôt à son successeur, le président Alassane Dramane Ouattara.


Les 8 promesses de Mamadou Issoufou

Le nouveau président de la République du Niger, Mahamadou Issoufou, a fait huit (8) promesses au peuple nigérien pendant sa campagne électorale. Des promesses qu’il a réitérées le 7 avril dernier lors de son investiture. Les huit promesses du président de la 7e République du Niger élu avec 58% des voix.

1. Le Niger ayant besoin d’Institutions fortes plutôt que d’hommes forts, Mamadou Issoufou s’engage à bâtir des institutions démocratiques fortes, crédibles et durables. La République a besoin de respectabilité. Très bientôt, une haute autorité de lutte contre la corruption et l’impunité sera mise en place pour promouvoir la bonne gouvernance et les conditions de la stabilité des institutions démocratiques et républicaines.

2. Faire face aux menaces multiples sur notre espace sahélo-saharien est un impératif majeur. Mamadou Issoufou s’engage à assurer la sécurité des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire national.

3. L’analyse de l’économie nigérienne indique chaque fois que lorsque les investissements publics baissent, l’activité économique faiblit et les indicateurs sociaux se dégradent. Il considère ainsi que la relance économique et la promotion sociale reposeront, au moins pour une décennie, sur les investissements publics. Il entend mobiliser pour cela plus de 6 000 milliards de F CFA sur la période du mandat, par l’action conjuguée d’une croissance annuelle moyenne soutenue de 7% PIB, d’une amélioration du rendement fiscal, d’une dépense publique plus efficace et d’un accroissement sensible des ressources extérieures. Ces fonds seront alloués à : 4. Plus de 900 milliards de F CFA à l’agriculture et à l’élevage afin d’assurer la sécurité alimentaire à travers l’Initiative 3N ‘’les Nigériens Nourrissent les Nigériens’’, d’une part, et d’accroître les revenus des paysans et des éleveurs, d’autre part. Ce cercle vertueux ainsi amorcé constitue le levier du développement de notre pays. Pour la présente campagne agricole, des dispositions sont prises pour que les paysans puissent avoir accès à des prix subventionnés pour les intrants agricoles (semences, engrais, pesticides, petits matériels agricoles) afin de moderniser l’agriculture et d’accroître les rendements. En vue de promouvoir l’agriculture, les travaux du barrage de Kandadji ont été lancés le 23 mai dernier par le président Mamadou Issoufou. Un barrage qui devrait permettre d’avoir une disponibilité suffisante en matière d’énergie électrique à bon marché, mais aussi d’aménager toutes les terres irrigables sur tout le long du fleuve Niger long de 550 km avec 140 000 ha de terres irrigables qui participeront à la réalisation de l’initiative 3N.

5. Plus de 600 milliards de FCFA à l’hydraulique urbaine, rurale et pastorale. L’accès à l’eau pour tous est notre priorité. Dès cette année, 2 000 puits et forages seront réalisés et à partir de 2013 jusqu’à 2015, ce sera 3 000 chaque année.

6. Plus de 600 milliards de F CFA dans les infrastructures et l’énergie. Investir dans les routes, les pistes rurales, les chemins de fer et l’électricité constitue le facteur principal sans lequel il n’y a pas de développement. Il s’agit de réduire les coûts de certains facteurs de production, notamment l’énergie dont les coûts handicapent la compétitivité de l’économie nigérienne. Dans le domaine des transports, les infrastructures routières seront accrues. Quant aux chemins de fer, il est prévu de prolonger le chemin de fer Abidjan, Ouagadougou, Kaya, Niger, Parakou ( Bénin) jusqu’à Niamey. A ce propos, des contacts ont été déjà pris, selon le président nigérien, avec un certain nombre de partenaires pour faire avancer le projet.

7. Plus de 1 500 milliards de F CFA au profit de l’éducation et 600 milliards de F CFA à la santé, afin d’améliorer significativement les indicateurs sociaux facteurs clés pour une société en développement. Pour l’éducation, il s’agira de construire 2 500 classes chaque année et de recruter 3 500 enseignants. L’école gratuite sera obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. L’accent sera également mis sur les enseignements technique et supérieur. En matière de santé, il s’agira notamment de recruter tous les médecins au chômage, au nombre de 450 contre 350 médecins en activité au Niger dont le taux de couverture sanitaire est de 50%. Une procédure de recrutement de ces 450 médecins a été lancée, ainsi que d’infirmiers, a été lancée. Au total, 1 600 médecins et infirmiers sont en train d’être intégrés afin de faire face aux besoins de santé des populations nigériennes.

8. La combinaison de toutes ces actions économiques et sociales permettra la création de 50 000 emplois par an, soit 250 000 emplois pour les cinq années, au profit des jeunes en particulier. La cohésion de notre société passe par une offre d’espérance pour la jeunesse.


QU’ATTENDENT-ILS DU PRESIDENT MAMADOU ISSOUFOU ?

Qu’attendent-ils du nouveau président Mamadou Issoufou ? A travers les rues de la capitale nigérienne, nous avons recueilli les souhaits de quelques Nigériens. C’était le 22 juin dernier.

- Omar Seydou, manœuvre, ancien militaire : "Rien ne bouge"

Les Nigériens manquent d’argent car ils sont pauvres. On attend du président qu’il développe le pays. On n’a l’impression qu’il n’y a pas de président au Niger, car rien ne bouge. Le président doit tout faire pour redresser ce pays où le chômage est galopant. J’attends de lui qu’il crée des emplois. Beaucoup de Nigériens se plaignent aujourd’hui du manque d’emplois. Au temps du président Seyni Kountché, il n’y avait pas de chômage.

- Abdel Kader Moïse Assogba, ingénieur, vérificateur de conformité : "Mamadou Issoufou doit être équitable envers tous les Nigériens"

Depuis l’investiture du président Mamadou Issoufou à la magistrature suprême du Niger, mon souhait est qu’il essaie d’être équitable envers tous les Nigériens. Et en particulier envers la jeunesse étant donné que celle-ci attend beaucoup de lui. Cette jeunesse attend notamment d’être impliquée au mieux dans l’exercice du pouvoir. Si celle-ci est en train de souffrir, c’est que nos aînés qui ont eu la chance de profiter de l’uranium, ont carrément oublié qu’ils devaient prendre des dispositions afin que nous autres de la nouvelle génération, disposions au moins du minimum pour vivre. Le Niger appartient à tous les Nigériens et c’est tout à fait normal qu’il y ait une répartition équitable des biens entre les Nigériens.

Si le président parvient à faire en sorte que la jeunesse nigérienne sente qu’elle est impliquée dans toute la hiérarchie administrative, ce sera très bien. Mais attention : il ne s’agit pas de l’impliquer à travers des emplois temporaires, mais à travers des emplois permanents. Je ne peux pas comprendre, qu’un Etat comme le Niger, ayant une grande superficie et disposant de bien des opportunités en matière d’eau (eau souterraine à Agadez et à Tilaberi), voient ses agronomes souffrir parce qu’ils n’ont pas de travail. J’en connais qui ont changé carrément de métier parce qu’il n’est pas facile pour eux de bénéficier de prêts pour travailler la terre. Mamadou Issoufou aurait tout à gagner s’il parvenait à satisfaire la jeunesse, mais aussi les ruraux à travers l’agriculture et l’élevage.

- Youssou Bachir, chef service juridique (Nigelec ) : "Les gens ont envie d’avancer"

Ma première attente, c’est que le Niger sorte des effets de la transition que nous avons subis. Il faut à présent que nous reprenions le chemin de la démocratie et de l’Etat de droit. Cela nous permettra de nous mettre rapidement à l’aise et d’apprécier la qualité de travail de la nouvelle équipe. Il faudra donc remettre toutes les institutions en place, ce qui heureusement commence à être fait à travers notamment l’élection du président, la composition de l’Assemblée nationale, la nomination d’un Premier ministre, etc. Mais il faut aller au-delà par l’élection des maires, la mise en place des conseils régionaux, etc. Bref, le pays doit être rapidement remis en marche. Tant que cela ne sera pas fait, je resterai sur ma faim. Ma deuxième attente, c’est le travail. Quand on revient d’une crise comme celle que le Niger a connue pendant le tazartche de Mamadou Tandja, suivie d’une transition militaire à l’issue d’un coup d’Etat, il est clair que les gens ont perdu certaines habitudes. La nouvelle équipe n’est pas habituée au pouvoir. C’est la première élection de Mamadou Issoufou et c’est la première fois que certains de ses ministres gèrent la chose publique. Ce n’est donc pas évident.

Il faut que s’installent de nouvelles habitudes. Le tazartche a énormément retardé le pays, tout cela parce que le MNSD ne voulait pas se retrouver hors du pouvoir. Maintenant dans l’opposition, il tente par tous les moyens de susciter de grands débats pour des problèmes parfois qui n’en valent pas la peine. Les Nigériens ont envie d’avancer. La nouvelle équipe en place devra montrer de quoi elle est capable et moi, je les tiens à l’œil. On saura faire la part des choses entre ceux qui font du bon travail et ceux qui ne le font pas. Mais, il faudra bien mettre les gens à l’épreuve avant de les juger.

- Abdou Badjé, syndicaliste (Nigelec, la nationale d’électricité) : "Que le président donne l’exemple ! "

Je l’encourage dans sa nouvelle tâche. Cela dit, je souhaite qu’il donne l’exemple lui-même, et qu’il soit sévère envers tout le monde. Tout le monde devrait être traité de façon égale devant les impôts. Il ne faut pas que seulement les travailleurs paient les impôts alors que les richards de Katako (secteur informel) ne sont pas imposés. Vis-à-vis des opérateurs économiques qui l’ont amené au pouvoir, sera-t-il rigoureux, les imposera-t-il ?

Propos recueillis par Cheick Beldh’or SIGUE à Niamey

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 5 juillet 2011 à 07:25, par Flouz En réponse à : MAMADOU ISSOUFOU (président du Niger) : "L’alternance doit devenir une tradition"

    Un important travail d’approche a été abattu certainement pour décrocher cette interview, mais peu de soin a été porté à sa préparation et à sa réalisation. Questions balancées pêle-mêle sans fil conducteur visible, questions mécaniques, abscence de spontanéité dans les relances, insistance sur inutile (alors que le temps est compté) sur des sujets qui ne sont pas encore d’actualité comme la limitation des mandat pour quelqu’un qui n’a pas encore passé ses 100 jours au pouvoir, etc. Finalement on se demande si nos chefs d’état n’ont pas raison de snober nos médias et de réserver les scoops pour les médias étrangers plus professionnels. Monsieur Sigué, quand on a la chance d’interroger un président, il faut faire mouche !

  • Le 5 juillet 2011 à 14:35, par L’Autre Africain En réponse à : MAMADOU ISSOUFOU (président du Niger) : "L’alternance doit devenir une tradition"

    "C’est vrai qu’on s’abrite souvent derrière le peuple. Il est trop facile de dire : “le peuple réclame un troisième mandat”. "

    "L’alternance doit devenir une tradition dans nos pays, et je crois que c’est dans l’alternance que se trouve le secret de la stabilité et donc le secret du progrès économique et social." Paroles du Président nigérien.

    A ceux qui confondent long règne et stabilité, sachez que les long règnes produisent l’imobilisme et non la stabilité (comme ont veut le faire croire). L’imobilisme à son tour génère les frustrations et aboutit aux crises.

    Par contre, il y a stabilité dans un pays quant il y a une alternance dans la paix.

    Franchement, il faut que ce Président donne des cours à certains de ses pairs surtout ses voisins immédiats, suivez mon régard.

  • Le 5 juillet 2011 à 14:53 En réponse à : MAMADOU ISSOUFOU (président du Niger) : "L’alternance doit devenir une tradition"

    Tandja aussi disait ça....

  • Le 5 juillet 2011 à 21:37, par Le concepteur En réponse à : MAMADOU ISSOUFOU (président du Niger) : "L’alternance doit devenir une tradition"

    Ce monsieur n’est pas un arriviste ni un parvenu il fera ce qu’il aura à faire et je parie que son passage sera remarquable au sommet de ce pays frère.Le Niger s’est inscrit dans la liste des pays sauvés( Mali, Ghana, Cote dIvoire, Benin) Les pays à l’avenir douteux sont le Burkina, le Togo et pourquoi pas le Senegal si ce momie reste au commande.

    • Le 12 juillet 2011 à 22:33, par etudiantr En réponse à : MAMADOU ISSOUFOU (président du Niger) : "L’alternance doit devenir une tradition"

      En ce qui concerne le Burkina mon pays je suis sur et nul doute que Blaise devant sauver son rôle de facilitateur dans la sous région va laisser les burkinabés à la présidentielle de 2015 choisir le septième président du Faso.Moi je dis oui avec MAMADOU mais c’est au pleuple de se dresser pour le faire observer.

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