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Indemnités, primes, bonus... : Attention à ne pas tuer la poule aux œufs d’or

Publié le lundi 4 juillet 2011 à 01h14min

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S’il y a une saison dont on se serait bien passé, c’est le printemps burkinabè, qui a fait souffler sur le pays des hommes intègres des vents de manifestations, qui peuvent être des semences de bonnes récoltes, puisque d’un grand mal peut naître un grand bien.

La crise que le Burkina Faso traverse depuis 5 bons mois est non seulement politique, militaire mais aussi et surtout sociale. La situation est plus que jamais propice aux revendications, de sorte que les syndicats ressortent peut-être des doléances qui dormaient dans les tiroirs depuis parfois plusieurs années.

Naturellement, on ne peut pas reprocher aux travailleurs de revendiquer de meilleures conditions de vie et de travail, car c’est même d’abord là la raison d’être d’un syndicat. Et la puissance publique s’est souvent fourvoyée en créant des injustices qu’il faut maintenant réparer. A cela s’ajoute le fait que les autorités ont quelque fois donné l’impression de mépriser les revendications sociales des travailleurs. Et il a suffi que la soldatesque, qui a un argument de taille, celui de la kalach ou du RPG7, décide de faire parler la poudre pour que, mutinerie tenante, on leur accorde des primes et indemnités sorties d’on ne sait où. On se rappelle que les éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) sont sortis le jeudi 14 avril et le vendredi 15 avril au matin, ils étaient déjà en colonne couvrée pour récolter les fruits de la croissance, ou plutôt de l’insurrection.

Du coup, cela a pu donner des idées aux civils, qui se sont dit à juste titre qu’il y avait une fenêtre de tir sociale dont il fallait profiter. C’est ainsi qu’à la suite des militaires, les enseignants du secondaire ont eu leur part du gâteau. Puis ce fut le tour du personnel administratif, technique, ouvrier et soutien (ATOS) des universités publiques du pays de s’inviter à table. Entre-temps, les commerçants vandalisés ont reçu du cash pour oublier les casses dont ils ont été victimes. Ces derniers temps, ce sont les régies financières qui ont pris le relais : les agents du ministère de l’Economie et des Finances (MEF) puis ceux des Impôts. L’atmosphère se prête tellement aux revendications (c’est ce qu’on appelle le sens de l’opportunité) que le privé est également entré dans la danse, notamment les personnels de l’ONATEL, de sociétés minières, de boulangeries en attendant, qui sait, les chasseurs de roussettes de Kombissiri ou les confectionneurs de chapeaux de Saponé. Il n’est pas jusqu’aux douaniers, comble de la provocation, qui ne veuillent s’en mêler alors que, de notoriété publique, ils sont parmi les plus nantis des travailleurs.

Les différents mouvements ont d’autant plus de force que l’Etat est fragilisé. Blaise "se cherche", comme on dit, et semble prêt à toutes les concessions, l’essentiel pour lui étant de limiter la casse pour ne pas pourrir son mandat. Ce qui était inimaginable il y a six mois est maintenant possible. On distribue à tire-larigot des primes, des indemnités et toutes sortes de bonus. Et on ne peut que s’en réjouir du moment que cela apporte un peu de beurre sur les épinards des travailleurs.

En même temps, on se pose de sérieuses questions parce que quand on a accordé une indemnité ou une prime, ce n’est pas sur un seul exercice budgétaire pour ne pas dire que c’est pour l’éternité.

Alors, question à mille sous : comment les caisses de l’Etat, qu’on dit déjà suffisamment dégarnies (on raconte même que l’Etat est obligé de jongler avec les grosses sociétés pour gérer les fins du mois) vont supporter tout cela ? On présume que c’est en toute connaissance de cause que le gouvernement accorde ces libéralités. Mais on est fondé à s’inquiéter. Et l’argument facile qui consiste à dire que : « y a l’argent dans le pays, la preuve, voici les châteaux qui sortent de terre et les grosses berlines qui roulent ! » vaut son pesant de démagogie et ne résiste pas à l’analyse, car il se trouve que cet argent a beau être indûment acquis, il va directement dans la poche de particuliers et non grossir les finances publiques. On ne saurait donc faire des augmentations de salaires ou des bonus sur la base des châteaux qui poussent comme des champignons.

Aussi, la question de la pérennité de ces gratifications se pose-t-elle avec acuité. Et on a d’autant plus peur pour les deniers publics que, dans le même temps, on a des dégrèvements qui sont opérés : l’IUTS a diminué, fût-ce symboliquement ; la Taxe de développement communal (TDC) a été supprimée ; et on imagine que la collecte des impôts, déjà difficile en temps de paix, est encore plus problématique en période de crise. Les recettes chutent donc pendant que les dépenses prennent l’ascenseur.

Il est vrai que, pour le citoyen lambda, l’Etat est tenu de satisfaire tous ses besoins parce que, quelque part, c’est pour ça qu’il existe. Mais n’empêche qu’il y a des limites.

Sachons donc raison garder, et surtout ne tuons pas la poule aux œufs d’or parce que l’avantage au Burkina, c’est que, quand bien même ce sont des « perdiems » que nos travailleurs touchent, comme le disait feu Omar Bongo Ondimba, ce sont des « perdiems » qui tombent systématiquement à bonne date. Alors, autant avoir des « merdiems » tous les 25 du mois que des rentes qui tombent au compte-gouttes.

Cela dit, l’Etat gagnerait à dégraisser le mammouth en diminuant de façon drastique son train de vie, car comment peut-il convaincre qu’il est impécunieux quand les barons du régime roulent carosse et que les sources de gaspillage et de déperditions des ressources sont nombreuses. Il y a forcément des économies qui peuvent être faites et des priorités à hiérarchiser sinon les travailleurs seront toujours raisonnables… en demandant l’impossible à nos gouvernants. Après tout, c’est eux qui ont dit qu’ils peuvent, « ils n’ont qu’à peut on va voir »

La Rédaction

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 4 juillet 2011 à 02:41, par Beurk En réponse à : Indemnités, primes, bonus... : Attention à ne pas tuer la poule aux œufs d’or

    On ne peut que dire bravo pour votre analyse mais il y a un grand mais car si il est inconstestable que le Burkina Faso est entrain de tirer la langue au niveau de ses finances,je vous aurai mieux compris si vous commenciez à tirer la sonnette d’alarme de ce qui se passe actuellement avec le CCRP pour certaines de ses propositions qui encourageraient la dilapidation de nos deniers publiques.J’en viens pour preuve :
    La création d’un sénat avec des centains de politiciens qui seront grassement payés sur le dos des contribuables et dont on sait d’avance l’unitilité de ce sénat.
    La création d’un Haut Conseil des sages.Pour faire quoi ?Encore pour prendre des politiciens ou des amis qui seront aussi dorlotés,poupounés grâce à la sueur du peuple.
    Les chefs traditionnels qui,avec leur futur statut spécial seront de facto fonctionnarisés.Combien ils seront payés par mois et avec quelles ressources financières ?Et tant qu’on y est,pourquoi ne pas inclure les chefs religieux puisqu’ils jouent aussi un rôle social.Tout cela n’est pas sérieux si on ajoute en plus,l’augmentation préconisée du nombre des députés à l’assemblée nationale et la création d’une vice présidence.
    Donc si toutes ces mesures venaient à voir le jour et il n’y à pas de raison que ça n’aboutisse pas d’autant que ce sont des mesures prises par des politiciens pour des politiciens,comme quoi on n’est jamais mieux servi que par soi-même,on ne sera pas loin de plus 10 milliards par an pour entretenir des politiciens alimentaires.Donc ce sont ces genres de dérive qu’il faudra dénoncer au lieu de s’en prendre au bas peuple qui n’arrive pas à joindre les deux bouts surtout que le propre d’un homme politique consciencieux n’est pas là pour se servir mais pour servir.Merci

  • Le 4 juillet 2011 à 10:24, par braogo En réponse à : Indemnités, primes, bonus... : Attention à ne pas tuer la poule aux œufs d’or

    La source de ce "printemps burkinabè" est l’injustice. Quand tout le monde sentira que les choses sont équilibrées et que tout le monde n’a que ce qu’il "mérite", tout reviendra à l’ordre.

  • Le 6 juillet 2011 à 11:46, par Backsoul En réponse à : Indemnités, primes, bonus... : Attention à ne pas tuer la poule aux œufs d’or

    Bonjour et merci pour le commentaire sur la situation nationale. Je voudrais juste ajouter que les commentaires de cet article ne sont pas bien menés car je ne comprends pas comment un journaliste burkinabè qui connaît mieux que quiconque les réalités du pays peut-il s’inquiéter sur les gains que les travailleurs engrangent parce que tout simplement les ressources du pays risquent de ne pas pouvoir supporter le surcoût. Monsieur le journaliste, vos inquiètudes sont-elles basées sur des informations obtenues du Ministère des Finances ? Je crois que lorsqu’on n’a pas quelque chose de sérieux à dire il faut savoir la boucler. A quel moment vous allez vous rendre compte qu’il faut que vous vous professionnalisez dans ce que vous dites. Prenez l’exemple sur votre confrère, paix à son âme, monsieur Norbert ZONGO qui, en plus de mener des reflexions assez soutenues, faisais du journalisme d’investigation. S’il vous plaît prenez le temps d’approfondir vos analyses avant de nous les jeter en pâture comme vous le faites maintenant, vous nous blessez sans peut être le savoir, ayez pitié des lecteurs que nous sommes. La dernière fois c’étais vos confrères de la TNB qui nous insultais avec une fameuse et pitoyable émmission télévisée sur le monopole du riz au Burkina. Merci de nous comprendre.

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