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DECENTRALISATION AU BURKINA : La nécessité d’un nouveau départ

Publié le mercredi 29 juin 2011 à 02h03min

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L’avènement de la décentralisation en tant que processus de dévolution des pouvoirs de décision et de gestion à des organes régionaux ou locaux, avait suscité beaucoup d’espoir au sein des populations. En effet, on y voyait un système d’organisation censé permettre aux citoyens de prendre en mains leur destin et ce, à travers un choix souverain de leurs représentants locaux. L’idée était géniale à plus d’un titre tant et si bien que de nombreux citoyens avaient applaudi à tout rompre. Malheureusement, moult années après, au regard de la poussée de fièvre qui prévaut au sein des communes, le constat, s’il est exagéré de dire qu’il est amer, est à tout le moins peu reluisant.

Il suffit à chacun de jeter un regard autour de lui pour s’en convaincre, tant les cas de frustrations foisonnent. Chaque jour qui passe apporte son lot de griefs et de mésintelligence si fait que, toutes proportions gardées, l’on a l’impression que, loin de booster le développement local, la décentralisation a mis à mal la cohésion sociale en dressant un frère contre un autre ou encore une famille contre une autre. Où allons-nous, si ce qui devait nous unir devient un motif de division et d’exécration ? Aux sempiternelles jérémiades liées aux problèmes de lotissements, s’est ajoutée la sensible question de la chefferie traditionnelle qui, si on n’y prend garde, dégénérera, si ce n’est déjà fait, en une déflagration où aux macchabées succédera un climat de défiance terrible. On se félicite d’ailleurs que pour ce qui est des lotissements, le gouvernement ait pris la mesure du péril en y mettant un moratoire.

Car, certains élus locaux, plutôt que de faire des lotissements une source pérenne de revenus au profit de la commune, en avaient, par-dessus le nombril, fait un fonds de commerce. Les conséquences, on les connaît : marches de protestations, empoignades verbales ou même parfois physiques, furie vengeresse et incendiaire, etc. Malgré tout, certains maires, forts du parapluie de leur parti, n’en avaient cure et en faisaient à leur tête sous le regard scélérat, pour ne pas dire approbateur, de l’autorité compétente. A bien des égards, on s’est demandé si les dirigeants, par le truchement de la décentralisation, ne visaient pas seulement une occupation politique du terrain à travers la mise en place de militants locaux acquis. La preuve est que l’on a vu des gens surgir du néant prendre la responsabilité de la gestion de certaines communes.

Ces derniers, si ce ne sont pas des valets, autant les appeler des pions stratégiques. Et c’est ce qui a faussé l’esprit de la communalisation intégrale. En vérité, la décentralisation au Burkina, a nécessairement besoin qu’on y redonne un nouveau souffle pour espérer aller vers une décentralisation vraie qui prenne en compte les préoccupations essentielles des populations qui, très généralement, sont victimes de querelles politiques picrocholines. Cela requiert que l’on fasse abstraction de l’appartenance politique des uns et des autres pour mettre les gens qu’il faut à la place qu’il faut. Ainsi, mieux le Burkina s’en portera et la cohésion sociale se renforcera.

Boundi OUOBA

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 29 juin 2011 à 09:39, par Larba En réponse à : DECENTRALISATION AU BURKINA : La nécessité d’un nouveau départ

    Bonjour ! Je reconnais sincèrement la pertinence des propos de M. OUOBA, même si c’est un gourmantché.
    En effet, les enjeux de conquête de place, de pouvoir et d’autorité ont pris le pas sur les aspects de développement. Si fait que chacun occupe sa place comme retribution.

    Pourtant, comme vous le dites si bien, les espérences nationales se sont tournées désormais vers le niveau local et la synergie d’action devait booster le développement. Mais hélas ! A y penser, les remous dans les communes sont la preuve d’une prise de consience savaltrice si on évite la destruction des biens publics par les incendies et les casses, etc.

  • Le 29 juin 2011 à 23:05, par Pierre Michaillard En réponse à : DECENTRALISATION AU BURKINA : La nécessité d’un nouveau départ

    « 32,8% des Burkinabè sont sous-alimentés, et la malnutrition aiguë touche 10,5% des enfants de moins de 5 ans ».(chiffres 2011, voir campagne "Cultivez" d’OXFAM)
    Au Burkina, il faut rapidement réinvestir dans les petites exploitations familiales occupant près de 80% de la population, mettre en œuvre les différents engagements du gouvernement : la loi sur la sécurisation foncière, le Programme National du Secteur Rural, la Politique Nationale Genre.
    Les communes rurales, dont la première des compétences est le développement économique, doivent se consacrer au soutien et au développement de l’agriculture familiale, paysanne, durable avant toute autre chose et s’organiser pour être au cœur de la maitrise d’ouvrage du développement local en milieu rural, milieu qui s’étend d’ailleurs jusque dans les quartiers centraux de Ouagadougou.
    Si rien n’est fait, le Burkina sombrera dans les crises alimentaires chroniques.
    Remettre aux populations la maitrise de leur développement c’est effectivement cela la décentralisation et ce n’est pas une idée parmi d’autres, une lubie étrangère mais la seul voie possible, actuellement gâtée par la politique politicienne et la façon de comprendre leur rôle par ceux qui ont acquis un pouvoir. Le Burkina traverse une période de crise qui l’oblige à sortir de son conservatisme et à réfléchir autrement à son avenir.
    Il faut sauver prioritairement la décentralisation et dans l’immédiat préparer les futures municipales de 2012. Je me permets en tant qu’ancien collaborateur du MATD durant les cinq années où l’on a préparé cette décentralisation, frustré par le bilan des premiers mandats des communes rurales, d’énumérer une série de mesure qui vont j’espère paraitre pertinentes à certains, utopiques à d’autres et peut-être malvenues de la part d’un étranger. Je m’excuse à l’avance auprès de ceux à qui ces propositions vont déplaire. Le sauvetage de la décentralisation demande un sursaut citoyen et que l’on se retrousse les manches en tout cas. A mon avis, il faudrait des mesures telles que :

    - Maintien de la suspension des lotissements jusqu’à nouvel ordre
    - Interdiction par une loi d’urgence, à effet rétroactif possible, de lotir des terres cultivables
    - Retrait des parcelles attribuées et non mises en valeurs quand elles sont sur des terres cultivables
    - Mise en œuvre la loi sur la sécurité foncière
    - Renouveler les CVD en décembre 2011, en proscrivant publiquement toute politisation
    - Donner mission aux « gros projets » (PNGT et autres disponibles, y compris ONG) de préparer activement avec des méthodes nouvelles le renouvellement des CVD et d’entreprendre leurs formations
    - Retarder les municipales (et législatives) de quelques mois pour profiter au maximum de la saison sèche. Repousser les élections des conseillers régionaux après révision du nombre des régions à la baisse et relecture du texte qui les régit, en choisissant de mettre en avant l’aménagement du territoire et l’intercommunalité de fait, que représente la région et que tout le monde ignore.
    - Refuser de créer de nouveaux village administratifs, générateurs d’une nouvelle cohorte de conseillers municipaux inutiles
    - Modifier la loi sur le nombre des conseillers municipaux en le rendant proportionnel au nombre d’habitants à raison de 1 conseiller pour1500 ou 2000 habitants / imposer 30% de femmes parmi les conseillers. Cela a beaucoup d’avantages de les décrocher du « village » et de laisser l’initiative du développement local à la base aux CVD.
    - Bâtir les listes de candidats aux municipales autour d’une équipe à la tête de laquelle le futur maire serait connu et autour d’un programme pour les 5 ans à venir, ce qui implique de trouver des méthodes de formations générales par la télé, la radio, les journaux et les débats publics au vu et au su de tous les citoyens.
    - Former des journalistes pour ces nouveaux thèmes à traiter.
    - Intégrer la connaissance du développement local rural durable dans les campagnes et les formations préparatoires de la population, puis celle des nouveaux élus.
    - Mener campagne publique, neutre politiquement, par la nouvelle CENI pour l’inscription sur les listes électorales
    - Favoriser les listes d’intérêt local aux municipales (et donc autoriser les partis provinciaux)
    - Limiter le mandat de maire à deux ans consécutifs et imposer de résider dans la commune
    - Supprimer les préfets au lendemain des municipales, garder seulement les préfets issus de l’Administration territoriale, les affecter pour certains auprès des Hauts-Commissaires et pour d’autres dans la fonction publique territoriale. (voir plus bas évolution MATDS)Renvoyer les autres dans leurs administrations d’origine ou à l’ENAM pour étudier la fonction publique territoriale

    Il faut donner aux nouvelles municipalités comme feuille de route du mandat 2012/2017 et pour participer efficacement à la sécurité alimentaire :
    Formation à la maîtrise d’ouvrage du développement local durable
    Mettre les agents techniques de l’agriculture départementaux sous la tutelle administrative des mairies.
    Révision des PCD dans le sens prioritaire de la lutte pour la sécurité alimentaire
    Mettre en pratique le développement local participatif avec paiement effectif de la cotisation en relation avec le projet
    Application des PCDAEPA avec institution d’une taxe communale de l’eau
    Améliorer très fortement la tenue de l’état-civil

    Enfin, maintenant que la Sécurité est revenue au MATD, ne faut-il pas sortir la décentralisation au niveau d’un nouveau ministère composé de fonctionnaires et de contractuels issus transversalement de toutes les autres missions de l’Etat au service du développement.

    Je remercie ceux qui auront lu ce texte jusqu’au bout et souhaiterais qu’un débat s’installe.

  • Le 30 juin 2011 à 01:58, par un nouveau départ ? mais quand ? Après Blaise ? En réponse à : DECENTRALISATION AU BURKINA : La nécessité d’un nouveau départ

    OUI, il faut un nouveau départ pour la décentralisation. Mais, ce ne peut être avec les mêmes acteurs. Blaise est allé à la décentralisation à reculons car savait très bien que si le simple citoyen lambda comprenait, il ne pourrait pas être manipulé. A défaut, de s’opposer directement, le citoyen burkinabè s’oppose indirectement comme le non inscription aux liste électorales : moins de la moitié en âge de voter inscrit lors de la dernière élection présidentielle ! et sur cette petite moitié, encore moins de la moitié ont voté pour Blaise. Tout cela pour dire que Blaise mal élu en novembre 11 malgré son score de + 80 % à la soviet n’a pu éviter la crise actuelle. Il y a donc un divorce réel entre les instances dirigeantes et le peuple. Si aussi peu ont voté fin 2010, c’est que tout le monde était convaincu des résultats d’avance pour la réelection de Blaise et l’attende de pied ferme pour 2015. Gare à lui, s’il veut aller au-delà !
    Si le pouvoir veut tripatouiller pour que Blaise aille au delà de 2015, il n’y survivra pas ; tout simplement parce que le peuple parlera d’une seule voie et, ce, même si en matraquant les militaires de Bobo, dernièrement, il a accédé à toute les revendications d’ordre pécunière de leur part (sans armes, Blaise ne serait déjà plus au pouvoir dans ce pays ; telle est la triste réalité dans l’histoire de ce pays. NB : SVP no censure de la part du webmaster...). Mais, cette fois, les feuilles et les achats de conscience ne suffiront pas ! il suffit de voir les milliers de jeunes diplômés désoeuvrés faute d’emplois et d’une jeunesse rurale, candidate pour être des paysans sans terre à cause de quelques apparatchiks de ce pays.
    Expliquez moi les dizaines de champs du président que l’on retrouve dans ce pays, par exemple ? Quel est la logique ? alors, qu’à côté, des paysans vivent dans la misère ?

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