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De Ouagadougou à New York : Récit d’un séjour au pays du "gigantisme"

Publié le lundi 4 octobre 2004 à 07h53min

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12 à 13 heures de vol. C’est le temps qu’il faut mettre pour rallier Ouagadougou et New York. Quand on y ajoute le temps passé dans les aéroports de départ et d’arrivée ainsi que l’escale à Paris, une journée est largement consommée... mais pas le choc des cultures.

L’Amérique, c’est un pays continent, un melting pot où tous les paradoxes ont cours légaux. Constat amer d’un membre de la délégation : "Ces gens n’ont pas de culture..."

Le parcours du combattant commence bien avant l’entrée aux États-Unis. Déjà, l’obtention du visa est entouré de beaucoup de formalités : questionnaire sérieux sur les mouvements du demandeur au cours des dix dernières années, photographies spéciales (on doit voir les deux oreilles) et surtout la somme de 100 dollars US à débourser...

Ensuite, les fouilles, les scanners et autres détecteurs de métaux prennent le relais. 11 septembre oblige !

Pas question de pénétrer dans un avion sans avoir montré patte blanche. Gare à vous si un quelconque métal est oublié sur vous : boucle de ceinture, montre-bracelet ou pièces de monnaies. Vous êtes mis à l’écart et fouillé minutieusement. Nous en avons fait l’amère expérience au moment du réembarquement à Paris. Le reporter de la télévision a aussi eu son moment de fouille au corps approfondi au départ de New York.

"Au nom de la sécurité, on peut tout faire" nous confiera plus tard un compatriote aux Etats-Unis. "Avant, on pouvait même aller établir ses "quartiers" sur le perron de la Maison Blanche. Aujourd’hui, ce lieu est quasiment un camp retranché. D’importants blocs de béton et même un grillage tient loin tout visiteur. C’est la fin de la liberté au pays de l’Oncle Sam et les Américains ne semblent pas bien appréhender le problème..." ajoute mon interlocuteur. Seulement, existe-t-il une solution à cette question sécuritaire lorsqu’on a à faire à un ennemi invisible, insaisissable pour qui la vie ne pèse pas lourd et la mort, un accomplissement ?

Ce qui est sûr, l’Amérique est dans un engrenage duquel, elle ne sortira pas de sitôt car en la matière, seule patience et longueur de chemin demeurent les véritables parades.

C’est pourquoi, les forces de l’ordre qui sont omniprésentes dans les rues et même jusque dans les couloirs feutrés de l’ONU y resteront encore un bon bout de temps.

Un puritanisme qui surprend...

Passé les 18°C et le décallage horaire (-4 par rapport à Ouagadougou), le Sahélien qui arrive aux États-Unis est certes frappé par le "gigantisme" qui semble être la règle dans ce pays mais aussi par les paradoxes : grosses voitures, larges avenues toutes en sens unique, gratte-ciel etc.

Autant, il est reconnu aux Américains la liberté d’aller et de venir, d’exercer toutes sortes d’activités et surtout de consommer, consommer autant, il leur est défendu beaucoup de choses : l’abus d’alcool, l’excès de vitesse, le non respect du code de la route etc.

La consommation d’alcool est d’ailleurs particulièrement réglementée. Il existe un horaire strict et une quantité maximale autorisée pour chaque adepte de Bacchus. Pour l’achat de tout breuvage alcoolisé à New York par exemple, il est exigé une pièce d’identité en cours de validité. Outre le fait de s’assurer que l’acheteur a l’âge de consommer l’alcool, cette précaution est en réalité un frein à l’alcoolisme. En effet, on n’a guère besoin de papiers pour circuler à l’intérieur des Etats-Unis sauf si vous choisissez d’aller dans les bâtiments officiels.

"Dès que tu franchis les frontières nationales des États-Unis, tu peux jeter tes papiers. On ne te les demandera qu’en cas d’accident, de voyage par avion... rarement", confie un "kaosweogo" de New York.

D’ailleurs, on nous demandera nos papiers deux fois durant notre séjour new-yorkais. La première fois, c’était lors de l’établissement de nos cartes d’accès à l’ONU. Le second contrôle nous a été imposé dans un supermarché lorsque nous avons eu envie de goûter à la bière locale. Outre le délai de validité du passeport, la vendeuse s’intéressa à la régularité de notre séjour aux États-Unis. Ensuite, elle nous conseilla de conserver le breuvage dans un emballage jusqu’à nos chambres d’hôtels car il est formellement interdit d’exhiber de l’alcool dans les rues sous peine d’amende.

Bien entendu, tous se mirent à la sucrerie jusqu’au retour. Au moins ces boissons sont bon marché (1 dollars US par boîte au distributeur) et disponibles à tout bout de rue. Une bière de la même contenance coûte environ 4 dollars US.

Un pays de consommation

En réalité tout est mis en œuvre pour que les Américains consomment. Le carburant se négocie à 2 dollars US pour environ 4 litres d’essence ordinaire. Le super et le gaz-oil étant moins chers pour le même volume. Conséquence, tout bouge et sans fumée. Le carburant doit être certainement d’une grande qualité ainsi que les véhicules. Le métro construit sur trois souterrains transporte quotidiennement entre trois (03) et quatre (04) millions de passagers par jour. S’ajoutent à cela, les taxis, les bus et bien sûr les bateaux, les avions et les trains. Le transport est très développé. Le sous-sol est ainsi le lieu d’une activité intense car l’exploitation rationnelle de l’espace est une règle d’or dans ce pays. "Chaque maison a des dépendances souterraines’’, indique un Burkinabè de Washington. Des maisons, qui sont en briquettes rouges ou en verre. Le carreau ou la tyrolène sont bannis. On ignore pourquoi. L’alimentation de rue côtoie les restaurants chics avec tous les mêmes contraintes : l’hygiène. Une gamme variée de repas étant proposée aux populations à force coup de réclames publicitaires.

L’Américain est du reste très pressé qu’il mange en courant parfois dans la rue, téléphone à l’oreille. Quand on a un kit oreillette, le problème est en partie résolu. Entre deux bouchers, on fait la conversation. Le téléphone ne coûtant pas cher, on prend son temps.

Une autre façon de rompre l’isolement car là-bas, c’est métro-boulot-dodo. Avec une carte de recharge de 2500 F CFA environ, on téléphone 03 heures aux Etats-Unis et environ 40 mn en Afrique. Mieux, ces unités s’utilisent sur tout type de téléphones et chez tout opérateur. Les voitures sont proposées à tempérament 250 dollars US par mois en 36 mois environ. Le marché intérieur est très actif. Le salaire moyen tournant autour de 1 000 dollars US par mois.

Le temps de travail est de 12 heures minimum par jour avec 30 minutes comme pause déjeuner. L’essentiel du temps, le travailleur est debout. Une ceinture spéciale soutenant les reins. Le travail est rémunéré hebdomadairement à raison d’un taux minimum de 10 dollars US l’heure avec un jour de repos accordé généralement en milieu de semaine.

Vaincre l’isolement...

Ces moments de repos sont en général consacré au sommeil et au shopping. "On gagne l’argent mais on n’a même pas le temps de le dépenser. Nous l’envoyons alors au pays’’ confie un ressortissant burkinabè de New York. Un autre qui travaille à l’ONU renchérit. "Les gens n’ont pas de vie privée. Tout leur temps est réservé au travail. Chez nous, le travail se passe exclusivement sur le réseau internet. Personne n’a le temps de parler à son voisin. C’est l’isolement’’.

Pourtant, lorsqu’on vous bouscule dans la rue, on vous dit "Sory’’ (excuse-moi)."C’est mécanique’’ commente quelqu’un car pour l’Américain, malgré une vie trépidante, il faut rester courtois et respectueux. Conséquence, on s’empiffre de nourriture, on regarde la télévision, on écoute son baladeur en métro ou en bus car il est interdit de déranger le voisin. Ceci explique-t-il cela, nombre d’Américains sont obèses car "grignoter’’ permet de "tuer’’ le temps. Les nombreux emballages sont collectés et recyclés. Les ordures étant déposées dans des sacs poubelles sur le pas des maisons pour enlèvement.

Le pays étant riche, on est naturellement impressionné négativement de voir des gens dormir sous les ponts, dans leurs voitures ou tout simplement sur des cartons aux coins des rues. Mais c’est cela aussi l’Amérique. Ce qui est évident toutes les nationalités s’y côtoient et même que les Africains ont leurs marchés ; les Asiatiques, leurs restaurants ; les Juifs, leurs synagogues ; les Arabes, leurs mosquées et les chrétiens, leurs temples et églises.

Entre eux et nous, c’est le jour et la nuit car avec autant de ressources naturelles ne serait-ce que ligneuses, il y a encore d’importantes réserves et ce n’est pas demain que ce géant sera en difficultés économiquement. Pourvu qu’il ait plus de solidarité pour nous autres en supprimant par exemple les subventions agricoles et en nous permettant de faire un commerce équitable.

Peut-être que là, le soleil sera plus "doux’’ pour nous et la température s’approchera des 18°C qu’il faisait à New York durant notre séjour. En attendant, le sujet est loin d’intéresser les Américains. L’actualité est axée sur la présidentielle, Kerry et Bush se tenant au coude à coude dans les sondages. Ils se sont tous même invités à New York en marge de la session de l’ONU. Pendant que Bush prenait la parole à l’ONU, Kerry tenait un meeting à l’Université de New York située à quelques ruelles de l’Hôtel Astoria Valdorf où le président américain logeait. Même la crise iraquienne est traitée de façon télégraphique dans les médias. Tout est centré sur la politique intérieure.

N’allez surtout pas faire la conversation avec un Américain sur le reste du monde, l’Afrique ou le Burkina. Tout au plus restera t-il vague par politesse. Autrement, il vous répond qu’il ne connait pas. " Le Burkina, est-ce à côté du Sénégal ou de la Tanzanie ? " nous demandera un taximan qui avait entendu parler de ces pays. Avec les efforts faits de part et d’autre pour rapprocher ce pays du continent africain, les choses changeront, peut-être, un jour.

Victorien A.SAWADOGO (visaw@yahoo.fr), envoyé spécial à New York
Sidwaya

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