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ABDOUL KARIM SANGO, COMMISSAIRE A LA CENI : "On a voulu construire la démocratie sans des démocrates"

Publié le mercredi 22 juin 2011 à 03h08min

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L’homme n’est plus à présenter. Abdoul Karim Sango est enseignant de droit à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM) et même s’il a un engagement politique clair (il est membre du PAREN) il est aux côtés de plusieurs organisations de la société civile pour faire avancer certaines questions comme le droit d’accès aux sources d’information. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il prévient sur les problèmes de la dernière élection présidentielle et suggère des pistes pour les réformes politiques et institutionnelles qui font l’actualité.

"Le Pays" : Pourquoi vous avez démissionné de la CENI ?

Abdoul Karim Sango : Comme vous le savez, mon mandat à la CENI m’a été donné par les partis politiques de l’opposition. A ce titre, je suis l’un de leurs représentants même si la structure est administrative. Elle est au milieu de l’administratif et du politique. Il se trouve que depuis un certain temps, en tout cas après la présidentielle, l’opposition réclame la refondation de la CENI. Je crois que même la majorité a fait cette revendication. A partir du moment où ceux qui m’ont envoyé à la CENI ne veulent plus que j’y sois, autrement dit que je n’ai plus leur confiance, je leur ai simplement demandé de m’envoyer une lettre m’invitant à démissionner. Et je n’ai fait que répondre favorablement à cette lettre. Ils ne m’ont pas forcé la main. Evidemment, dès lors qu’une structure comme la CENI est remise en cause par les acteurs principaux que sont la majorité et l’opposition, nous devons en tirer les conséquences pour la bonne marche du processus électoral au Burkina.

Maintenant que vous n’avez plus de devoir de réserve, quels sont, à votre avis, les problèmes principaux de la CENI surtout après la présidentielle de 2010 ?

Je voudrais d’abord dire que pour qu’un processus électoral marche, il faut une conjonction de plusieurs facteurs. Il faut que les partis politiques, la société civile et l’institution en charge des élections jouent bien leur rôle. Je ne voudrais pas juger les partis politiques. Mais, pour ce qui est de la CENI, je dois avouer que je n’ai pas eu de fierté particulière à organiser cette élection présidentielle. En tant que membre de la CENI, nous nous sommes posé la question de savoir si le scrutin aurait lieu à bonne date. Il y a eu de sérieuses difficultés dans l’exécution de notre chronogramme d’activités, liées à l’immixtion du gouvernement qui a fait un certain nombre de modifications. La question pour laquelle la CENI est condamnée aujourd’hui, c’est celle de la carte d’électeur qui me semble un « vrai-faux problème".

"La carte d’électeur est un vrai-faux problème"

Effectivement, du point de vue de la légalité, il y a un certain nombre de mentions prévues dans la loi électorale, qui ne figuraient pas sur la carte d’électeur ; ce qui traduit une certaine légèreté de notre part. Mais c’est un faux problème dans la mesure où, en réalité, il n’y a pas eu de droit violé, ce que les juristes appellent un droit subjectif. En fait, ce qui importe dans le processus électoral, c’est que personne ne soit empêché de voter. Du reste, vous avez vu que le requérant lui-même avait sa carte d’électeur. Autrement dit, s’il se présentait dans le bureau de vote le jour des élections, il aurait pu voter. C’est cela qui est important en droit électoral. Une chose fondamentale également, c’est de vérifier si le processus de délivrance des cartes d’électeur a été fait de telle sorte qu’il y a eu des cas de fraude massive ; ce qui n’a pas été démontré. Cela a donc été un alibi qui a permis de jeter le discrédit sur la CENI. Mais nous en sommes entièrement responsables.

Pour la petite histoire du croisement des listes électorales, la loi électorale disait que pour voter, il fallait s’inscrire avec la carte nationale d’identité burkinabè (CNIB). Entre-temps, il y a eu des difficultés pour procéder à ce croisement. C’est ainsi qu’à une réunion, ce que nous appelons l’assemblée plénière de la CENI, le président Moussa Michel Tapsoba, dans le souci de permettre probablement au plus grand nombre de Burkinabè de voter, a annoncé que le croisement pourrait ne plus se faire. J’ai alors pris la parole pour lui dire qu’il avait peut-être raison. Mais, nous avons rencontré les partis politiques pour leur dire qu’il y aurait un croisement et comme cela n’émanait pas de la loi, c’était devenu la parole de l’institution. J’ai suggéré que compte tenu des difficultés à faire le croisement, il était opportun de retourner voir nos partenaires pour le leur expliquer afin de parvenir à un consensus. Un commissaire de la CENI a dit que si nous ne faisons pas le croisement, nous allons violer la loi. Il a indiqué que nous n’avions pas recueilli certaines informations pendant le recensement et qui doivent obligatoirement figurer sur la carte d’électeur.

Il s’agissait notamment de la filiation et du lieu de naissance. Le président Tapsoba a dit qu’il allait s’en référer au gouvernement pour régler cette question. Bref, nos positions n’ont pas été soutenues davantage par les autres commissaires. Nous nous sommes quittés sur cela. C’est ainsi que le président de la CENI a introduit unilatéralement une requête auprès du gouvernement. J’ai découvert la lettre quand il m’a demandé d’aller soutenir le ministre de l’Administration territoriale à l’Assemblée nationale pour défendre le projet de révision de la loi électorale. Nous étions en octobre 2010, si je ne m’abuse. Comme il l’a fait lui seul, il a oublié de relever dans la lettre que nous n’avions pas également les informations sur le lieu de naissance. Sinon, au moment où la loi était en révision, on l’aurait fait en même temps. Evidemment, c’est une balle que l’opposition a saisie à bon droit à partir du moment où elle entrait dans une compétition dont elle savait qu’elle ne gagnerait pas grand-chose pour d’autres raisons.

C’est pourquoi, je parle d’un vrai-faux problème. La liste électorale a été publiée longtemps. Et l’opposition aurait pu l’attaquer et trop tôt arrêter le processus. Voilà un peu ce qui fait de la CENI aujourd’hui une structure contestée par ceux-là même qui l’ont demandée. A partir de ce moment, soit nous nous accordons avec nos partenaires, soit nous nous démettons.

Si l’on doit alors refonder la CENI, dans quel sens l’on devrait aller ?

Il faut faire une précision préalable. Le problème des débats dans nos pays est que nous en faisons trop souvent des problèmes de personne. Le problème que la CENI rencontre aujourd’hui n’est pas un problème lié à la personne de Monsieur Tapsoba. Je m’évertue à le dire, Tapsoba n’est ni ange ni démon. Ce sont les possibilités que lui offre la loi créant la CENI qui lui permettent de poser un certain nombre d’actes. On peut mieux recadrer l’intervention du président de la Commission électorale. Cette précision est importante, parce que si nous ne reformons pas sérieusement l’architecture, remplacer M. Tapsoba par M. Sango donnerait le même résultat. Trop de pouvoir nuit et c’est pour cela que dans les pays développés, il est mis des mécanismes pour encadrer. Je crois qu’une des véritables faiblesses de la CENI, c’est qu’elle est une institution artificiellement indépendante et cela pour au moins deux à trois raisons. La première raison est que l’indépendance suppose que vous avez les compétences techniques pour faire le travail. Or de mon expérience à la CENI, je me suis rendu compte que les compétences n’existent pas toujours contrairement à ce qu’on laisse penser. Cela parce que pour faire l’administration électorale il faut suffisamment de compétences.

" La CENI est trop dépendante de l’exécutif au plan financier"

Il y a la dimension théorique et c’est important d’avoir un bon bagage. Il y a aussi la dimension pratique. La loi électorale n’a fixé aucune qualification pour être membre de la Commission électorale ou membre d’un démembrement de la CENI. Vous pouvez vous retrouver, n’importe qui, n’importe quoi, tant à la CENI que dans les démembrements et c’est la responsabilité des partis politiques et des organisations de la société civile de faire les choix. La deuxième raison, c’est l’indépendance de la structure par rapport à l’Exécutif. La structure est trop dépendante de l’Exécutif, notamment au plan financier. La CENI élabore son programme d’activités, mais l’exécution de ce programme est fortement dépendante de la bonne volonté du gouvernement à mettre les ressources à temps à la disposition de la CENI. Or, l’exécution d’une élection se réalise très bien quand elle se planifie très bien. Voilà que la CENI n’est jamais sûre de la bonne exécution de la planification qu’elle, a établie.

Je crois que les réformes doivent tendre vers l’autonomie financière de la CENI. Est-ce que vous savez que l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE) qui est logée à la primature a plus d’indépendance au plan budgétaire que la CENI ? Puisque, dès que le budget de cette structure est voté, les fonds sont placés dans un compte au trésor, on n’y touche plus. Cette structure a plus du milliard en termes de subvention. Or le budget de fonctionnement de la CENI est une centaine de millions. La troisième raison est qu’une élection se prépare très bien en période non électorale et jusque-là notre CENI n’apparaît que pendant la période électorale. Un dernier élément est qu’une structure comme la CENI, pour renforcer son indépendance, il faut la constitutionnaliser. Les membres pourront être désignés par des composantes, mais il faut qu’ils soient désignés en raison de leur qualité.

Plus exactement ?

Il faut qu’ils aient certaines compétences techniques qui leur permettent d’exercer leur fonction de membre de la CENI. Si vous regardez dans certains pays, très souvent, la commission est animée par des juristes, par des gens qui ont une connaissance et une bonne expérience de la pratique administrative, car on peut ne pas être juriste mais avoir la pratique des textes et de leur interprétation, or tout cela manque. Au plan local, il faut sortir la désignation de ces gens des mains des partis politiques de telle sorte qu’il y ait un rapport hiérarchique clair entre la structure mère qu’est la CENI et les structures locales. L’avantage ici est que la CENI pourra sanctionner en cas de faute. Jusqu’à présent, ces gens qui travaillent sous la hiérarchie de la CENI, une hiérarchie formelle, en réalité ne répondent pas véritablement devant l’institution. Pourtant, il sont impliqués fortement dans la réalisation des activités qui impactent le processus électoral.

Je crois que si nous allons un peu dans ce sens, qui du reste, sont des recommandations qui ont été formulées par le MAEP, on aura moins de récriminations contre la CENI. S’agissant de la place de la société civile, il y a un véritable problème dans notre pays. C’est quoi la société civile ? C’est une nébuleuse ; vous avez des gens qui sous le couvert de la société civile ont un agenda politique. La société civile doit être une structure à équidistance des partis politiques. Les acteurs politiques ont raison de dire en ce moment qu’il faut exclure la société civile. Mais il faut faire attention car il ne faut pas, à cause des écarts de comportements de quelques individus de moralité douteuse, jeter l’anathème sur toute la société civile. Autrement dit, il faut trouver des gens crédibles et au Burkina Faso on peut en trouver qui ont fait un travail sérieux et dont l’expérience peut servir. A mon avis, il faut réduire de plus en plus la place de la société civile. Je trouve que ce n’est pas normal qu’elle soit représentée au même nombre que les partis politiques au sein de la CENI.

Elle a un rôle d’arbitre, par conséquent, on peut lui donner trois places dans l’institution, parce que si elle n’est pas impartiale, elle déséquilibre la prise de décision. Chez nous, jusque-là on se rend compte qu’elle déséquilibre les décisions au profit du pouvoir en place. La société civile elle-même commence à en prendre conscience et il y a un effort qui est fait dans sa gouvernance. Certains bailleurs mêmes ont eu le temps de revoir leur position en lui refusant des financements pour mener ses activités.

"La société civile doit se raviser"

Je viens des Etats-Unis où certains m’en ont parlé. La société civile telle qu’elle est conçue en Occident n’est pas la même que chez nous et pourtant elle est utile. Heureusement vous avez certains exemples comme l’Eglise qui donne son point de vue et joue pleinement son rôle. La société civile doit se raviser.

Quelle analyse faites-vous du mode opératoire par lequel le Burkina envisage les réformes ?

A quelque chose malheur est bon. On ne peut pas se réjouir de la situation dans laquelle notre pays se trouve. Aujourd’hui, quand on vous dit Burkinabè et vous êtes à l’étranger, vous êtes gênés. Gênés parce que l’image que les médias donnent n’est pas une image que l’on souhaite pour son pays. Mais sachez que finalement nous ne pouvions qu’aller dans ce sens. Depuis une dizaine d’années, l’alerte a été donnée. Des rapports ont été produits : celui de Freedom House, une ONG américaine qui analyse la pratique démocratique en Afrique. Le Burkina Faso n’a jamais eu un bon classement dans ce rapport. Le président du Faso l’a dit, la crise permet aussi d’aller vers des réformes, mais vous savez très bien et je l’ai déjà dit dans vos colonnes que l’étincelle qui pouvait se transformer un jour en feu de brousse, c’est la question de la limitation du nombre de mandats. L’urgent pour moi c’est de maintenir l’article 37 en l’état. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui pensent qu’il faut bouleverser la Constitution au point de passer à une 5e République. Il y a un piège là- dedans. L’idée de constituante qui a d’ailleurs été lancée par Hermann Yaméogo, pour qui j’ai beaucoup de respect parce que c’est l’un des acteurs politiques qui ont beaucoup d’idées, peut nous conduire dans une situation où le président Compaoré peut se retrouver dans le jeu politique sans que nous n’ayons un argument juridique solide qui puisse l’en dissuader.

Il faut donc trouver des dispositions qui disent par exemple que les Burkinabè ayant déjà exercé plus de deux mandats dans l’évolution politique du pays ne peuvent plus se représenter sous la nouvelle Constitution. A ce moment oui. Sinon je pense qu’il faut réduire le pouvoir de l’Exécutif. Cela apparaît clairement un peu dans certaines propositions. Au Burkina nous avons créé pratiquement une sorte de monarque. Vous savez, en Afrique, culturellement nous avons une certaine conception du chef. Dans la façon de rédiger nos textes, il faut travailler à fragiliser un peu ce pouvoir. Je pense principalement au pouvoir de nomination du président. A mon avis, pour des emplois stratégiques comme la direction des institutions comme la SONABEL, la SOFITEX, la SONABHY, il devrait y avoir une collaboration entre l’Exécutif et le Parlement. C’est-à-dire que toute personne que l’on doit nommer à ce poste doit venir devant l’Assemblée nationale et exposer sa vision de la gestion de la structure et les résultats qu’il compte réaliser dans un délai de cinq ans. Par conséquent, l’on limite la durée des personnalités à la tête des structures.

Dès que tu donneras ta vision et que l’Assemblée nationale dira oui, c’est à ce moment que le président du Faso prendra un décret pour te nommer. Cette méthode te rendra comptable devant l’Assemblée et le président. Cela est aussi valable pour l’ensemble des institutions de la République. Autre réforme qu’il faut envisager, il s’agit de la Justice. Il faut revoir considérablement l’indépendance de la Justice. Je n’ai jamais compris pourquoi le président du Faso est le président du Conseil supérieur de la magistrature. Surtout que dans notre système, nous avons consacré l’indépendance de la Justice. Nous en avons fait d’ailleurs un pouvoir. Aussi, je suis contre la dépendance du parquet vis-à-vis du ministère de la Justice. Ce n’est pas parce que cela existe en France, et d’ailleurs chez eux il y a un débat pour remettre cela en cause. Il faut que le Procureur ne dépende pas du point de vue de sa carrière, de sa nomination et autre du ministre de la Justice.

Cela lui faciliterait des poursuites dans un certain nombre de dossiers importants dans le contexte de nos pays. Je pense enfin qu’il faut renforcer les notions de probité et de moralité. Pour accéder à certaines fonctions de la Justice, telles que présidents de Cour ou de tribunaux, il faut d’abord l’expérience professionnelle et avoir fait preuve de probité. Il ne faut pas hésiter à sanctionner un juge qui a failli parce que la justice c’est le pilier de la démocratie. Au niveau de l’Assemblée, je pense qu’il faut revoir la loi électorale dans le sens de permettre une plus grande représentativité des forces politiques, en prévoyant par exemple un mode de scrutin proportionnel à un élu. Je crois qu’il faut sortir de ce schéma.

"Il faut revenir au consensus qui avait été établi en 2002"

Il faut revenir au consensus qui avait été établi en 2002. Il y a certains qui s’en vont somnoler à l’Assemblée nationale pourtant c’est là que se décident beaucoup de choses pour notre pays. Faut-il faire comme nos amis du Niger en élevant le niveau, mais je pense que c’est un exemple dont il faut s’inspirer. Que ceux qui sont candidats à ces postes-là aient un minimum de connaissances techniques avec d’autres acteurs. Je pense aussi qu’une réforme doit toucher le secteur des médias, notamment la fameuse question du droit d’accès à l’information. Le Conseil supérieur de la communication (CSC) doit être aussi beaucoup plus indépendant parce que je trouve que les gouvernants disposent de trop de pouvoir dans la nomination des membres. Je pense également qu’un statut particulier de l’entreprise de presse doit être impérativement adopté. Ce n’est pas normal qu’une entreprise de presse soit traitée au plan fiscal de la même façon qu’une société commerciale. C’est une condition qui va permettre la mise en œuvre de la convention collective.

Les journalistes sont souvent critiqués mais peu de gens prennent la mesure des conditions dans lesquelles ils travaillent. C’est un travail pénible et qui exige beaucoup de sacrifices. C’est normal que les journalistes puissent vivre du fruit de leur travail, ce qui les mettrait à l’abri de tout besoin. Je pense aussi qu’il faut déconnecter les médias d’Etat du ministère de la Communication. Ce lien ne peut pas continuer dans un Etat de droit. A mon sens, ils devraient répondre davantage devant le CSC, notamment dans les modalités de nomination des DG, l’élaboration des cahiers de charge, etc. Enfin, il faut penser à une structure (ça peut être la CENI) qui va s’activer à l’éducation des Burkinabè à la citoyenneté. La faiblesse des démocraties en Afrique, c’est qu’on a voulu construire la démocratie sans des démocrates. Or, la démocratie est une culture qu’on doit pouvoir enseigner aux gens. On demande aux gens de voter, mais on ne leur dit jamais pourquoi il est important de le faire et les critères à privilégier. Je crois que, pour ce faire, les moyens devraient être renforcés au niveau de la nouvelle commission pour qu’entre deux élections, ce travail d’éducation soit systématiquement fait sur l’ensemble du territoire national.

C’est vrai que c’est le rôle des partis politiques, mais ils ne le font que dans une perspective électoraliste. Or, il s’agit d’avoir des citoyens, des gens qui aiment leur patrie. Un certain nombre de comportements qu’on dénonce vient de ce que cette éducation est absente.

Après le forum des jeunes avec Barack Obama, vous étiez récemment en Floride pour un séminaire. Qu’est-ce qui vous fait courir au pays de l’oncle Sam ?

C’est vrai que les deux voyages sont intervenus en moins d’un an. Je crois que les Etats-Unis sont sensibles à un certain nombre d’actions que je pose aux côtés de la société civile (les médias, le CGD, etc.) pour faire avancer certaines questions, quoique j’aie un engagement politique clair. Mes voyages étaient liés à tout cela. Pour le second, j’ai postulé à une offre lancée par l’université de Floride, sur financement du département d’Etat américain, pour participer à un programme transsaharien sur les élections. Il s’agissait, avec des ressortissants de 5 autres pays africains et des Américains, de réfléchir sur le système électoral américain afin de voir les points de ressemblance et de divergence ainsi que ce que nous pouvons en tirer. J’avoue que c’était très enrichissant. Nous avons séjourné pendant deux semaines en Floride où nous avons visité les principales institutions. Les Burkinabè seront surpris d’apprendre que les Etats-Unis sont une démocratie vieille de 200 ans, mais qui a de sérieux problèmes. Il y a des débats que vous n’imaginerez pas dans ce pays.

Un exemple. Dans une trentaine d’Etats, on a voté des lois pour exiger que tous ceux qui veulent voter aient une carte d’identité américaine. C’est un débat aux Etats-Unis où des spécialistes du droit constitutionnel trouvent que c’est une disposition anticonstitutionnelle. Ils trouvent que ce n’est pas normal parce que celui qui n’a pas d’argent pour faire sa carte d’identité, pourrait ne pas voter. Ils estiment que c’est une mesure discriminatoire qui vise à exclure les Noirs. Chez nous, c’est le débat inverse. La grande leçon que nous avons apprise, c’est que les Américains sont conscients des faiblesses de leur système et ils réfléchissent de façon permanente pour trouver des solutions. C’est ce qui manque dans nos pays. Le CCRP a été déjà expérimenté en 1999. La structure était alors dirigée par Ignace Kalmogo et avait conduit aux différentes réformes de 2001 et 2002. Quand vous regardez le décret qui crée cette structure, elle disposait de plus de pouvoirs que la commission actuelle. Lorsqu’on avance, on doit travailler à s’améliorer. Je trouve qu’on n’a pas encore compris les enjeux réels des réformes au Burkina.

On ne peut pas d’autorité dire que cette commission sera dirigée par le ministre Arsène Bongnessan Yé. Elle doit désigner son président comme cela l’a été en 1999. Ensuite, je pense que trois semaines sont très peu pour traiter de questions aussi importantes. Le décret devrait aussi préciser que le rapport du Collège de sages et celui du MAEP doivent servir de base de travail puisque ces travaux ont été commandés et acceptés par le pouvoir. La démarche est donc frappée sérieusement de suspicion. On a l’impression qu’on veut gagner du temps. Il faut qu’on sorte de cette crise. Ce pays est très fragile économiquement. Il peut s’en sortir si les mécanismes de stabilité fonctionnent correctement.

Propos recueillis par Dayang-ne-Wendé P. SILGA

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 22 juin 2011 à 18:42 En réponse à : ABDOUL KARIM SANGO, COMMISSAIRE A LA CENI : "On a voulu construire la démocratie sans des démocrates"

    "Enfin, il faut penser à une structure (ça peut être la CENI) qui va s’activer à l’éducation des Burkinabè à la citoyenneté." Je trouve que c’est impensable que la CENI soit qualifiée pour jouer ce rôle. C’est vrai que M. SANGO revient de cette structure et qu’il s’y est convaincu de certaines choses, mais il est bon qu’il sache que la CENI fait partir des structures qui manquent le plus de confiance dans ce pays. Donner des leçons de citoyenneté, oui, mais on peut confier ce rôle à la presse (CSC) et aux ministères en charge de l’Education. C’est bien SANGO ! Vous n’êtes même plus de l’opposition. Vous êtes l’idéal de la société civile et ce serait bien que vous revoyez votre posture politique si possible pour mieux défendre les droits de la population lamda .

  • Le 22 juin 2011 à 19:59, par Victor Ossiou II En réponse à : ABDOUL KARIM SANGO, COMMISSAIRE A LA CENI : "On a voulu construire la démocratie sans des démocrates"

    Enfin çà commence à pointer...du coté des jeunes qui ont le courage de leur opinion en se fondant sur la force et la justesse des arguments...Ici EN POLITIQUE Abdoul karim est sur la bonne voie...au contraire d’autres jeunes,voire de gros cadres anciens, d’autres partis...qui n’ont que la gueule,l’arrogance et le nepotisme comme argument....suivez mon regard..!!Son parti gagnerait à lui faire confiance et à le soutenir...et à aussi se reformer.
    Bonne chance à lui..il a notre soutien...ne serait ce que moral...en attendant le concret et financier...
    Victor Ossiou II

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