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Décrets sur les réformes politiques : Explication de texte et commentaire

Publié le lundi 20 juin 2011 à 11h18min

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Le conseil des ministres du 15 juin 2011 a adopté deux décrets au titre du Ministère chargé des relations avec le Parlement et des Réformes politiques. Et le ministre d’Etat Arsène Yé Bognessan en a dit plus à leur sujet lors du point de presse du jeudi 16 juin. Petite analyse.

A la lecture du premier décret n°2011-262/PRES/PM/MRPRP portant création, attribution, composition, organisation et fonctionnement d’un Conseil consultatif

sur les réformes politiques au Burkina Faso, on ne verra pas d’emblée des évolutions par rapport à la première mouture. Mais très vite, on se posera bien de questions après avoir observé que la composition des membres du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) est passé de 69 à 66 membres, que dans les deux groupes de partis politiques représentés, on parle de la majorité et de l’opposition alors que dans le premier jet, il était question de trois catégories : majorité présidentielle, opposition et autres partis politiques. Une omission par rapport au décret initial du 13 avril 2011, sur ces trois places réservées à la catégorie appelée « Autres partis politiques » et qui faisait penser aux refondateurs, dont on sait que les plus représentatifs
refusaient de se confondre avec l’opposition emmenée par le chef de file de celle-ci. Si donc, la formule CCRP a été conservée, les petites touches effectuées ici et là semblent cacher des changements profonds visant notamment une certaine réévaluation de cette vision monolithique de l’opposition attachée au chef de file de l’opposition. La nature plurale de l’Opposition a été ici réhabilitée et c’est tant mieux.

Le second décret, par contre, frappe tout de suite par des évolutions importantes. Le CCRP ne fera plus un travail sous le contrôle de l’Exécutif, à charge de validation par le Législatif. Non, il élaborera une sorte de vade-mecum, de document de base après trois semaines de travaux. Le produit de ce travail ira au niveau des régions, lesquelles feront librement des amendements et contre-propositions. Après quoi, il sera convoqué des Assises nationales pour faire la sommation de toutes ces contributions et proposer des réponses définitives, étant entendu, selon le ministre d’Etat, que les rapports du Collège de Sages et du MAEP seront pris en compte dans le cadre des travaux. Il y a ici une volonté d’apaisement de l’inquiétude de ceux qui craignaient que la captation des travaux du conseil n’amoindrisse son efficacité et sa liberté de manœuvre.

S’agit-il à ce stade d’une souveraineté reconnue aux Assises ? A écouter le ministre d’Etat Yé Bognessan, la question reste ouverte. Cependant le fait que ce dernier n’ait pas diabolisé le passage à une 05 ème République, est à exploiter.

En effet, accorder aux Assises le soin d’adopter au final les réformes, d’organiser la nouvelle gouvernance, d’instituer les organes de l’Etat alors qu’il existe un ordre légal républicain avec des pouvoirs différenciés ayant au sommet de la hiérarchie, le peuple, pourrait apparaître comme une violation du droit souverain de ce dernier. Le pouvoir instituant, c’est bien connu, ne peut que lui revenir. Par ailleurs, les Constituantes n’ont pas pour seul objectif la rédaction des Constitutions ; elles peuvent aussi s’attacher à régler des crises particulières ou même des crises de dimension globale et nationale. Sur cette double compétence des Constituantes, il y a des exemples édifiants dans la vie constitutionnelle italienne et surtout française. On remarquera que les révolutions arabes prennent en compte ce processus de validation des réformes par la convocation de constituantes.

Maintenant, comment ces deux modifications seront-elles perçues au niveau de la classe politique, de la société civile et de l’opinion en général ? Vaste question en réalité puisqu’il existe à propos des réformes, des fractures incontestables s’attachant aussi bien à la forme qu’au fond. Il y a globalement ceux, partis politiques, société civile, qui ne seront pas visibles dans ce CCRP, soit qu’ils restent campés sur l’option « Blaise, dégage ! » ou qu’ils n’attachent aucun crédit à ce Conseil qu’ils jugent incapable d’apporter des solutions réelles à la crise que nous vivons. Il y a à l’opposé, ceux qui sont convaincus qu’il faut éviter les surenchères, la chaise vide pour parier que la dynamique qu’ils insuffleront de toute façon à ce Conseil, accouchera d’évolutions qualitatives qui permettront d’endiguer cette crise sans paralyser davantage le pays ni l’engager dans le chaos.

La réponse à cette inquiétude viendra finalement du peuple. C’est dire encore une fois que le passage de l’interpellation du souverain est ici incontournable. Nul autre que lui ne saurait statuer en dernier ressort sur ces contestations. C’est ainsi que ça fonctionne en démocratie !

VT

San Finna

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