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UNION POUR LA REPUBLIQUE : Pour une prorogation de la législature de l’Assemblée nationale

Publié le vendredi 17 juin 2011 à 02h49min

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L’Union pour la République (UPR) se demande, à travers cette déclaration, si le Burkina peut faire l’économie d’une prorogation de la IVe législature de l’Assemblée nationale pour asseoir les réformes politiques envisagées.

La loi n°043-2010/AN du 7 décembre 2010 a prorogé le mandat des conseils de collectivités du Burkina Faso en 2011 pour coupler leur renouvellement à cette année avec celui de l’Assemblée nationale. Cependant, au regard de la situation politique nationale caractérisée par des réformes politiques et la recherche d’une paix sociale durable, il apparaît de plus en plus probable que les élections prévues en 2011 ne pourront pas se tenir à bonne date. La prorogation de la législature de l’Assemblée nationale pourrait s’imposer à notre pays, le temps d’asseoir et de parachever les réformes demandées par toute la classe politique nationale.

Or, dans un pays démocratique, la computation et la gestion du temps électoral constituent des variables déterminantes de l’alternance démocratique, car le choix des gouvernants doit être libre et régulier. S’il ne l’était pas, le peuple ne pourrait pas changer de gouvernants alors même que telle serait sa volonté de souverain. Il s’agira de concilier la nécessité de reporter l’organisation d’une élection dont la périodicité est prévue par la Constitution (élection législative), tout en respectant l’esprit et la lettre de la loi fondamentale et la volonté du peuple souverain.

I- Des justifications du report des élections couplées de 2011

Tout d’abord, les élections couplées de 2011 vont concerner les scrutins les plus difficiles à organiser en raison du grand nombre d’électeurs et de candidats qu’ils impliquent. La CENI ayant éprouvé des difficultés dans l’organisation de l’élection présidentielle de novembre 2010, il serait souhaitable qu’elle puisse s’imprégner de l’expérience d’autres pays pour la réussite des consultations futures. L’idéal serait que la composition de la CENI qui devra effectivement organiser lesdites élections soit celle qui bénéficie de ces voyages d’études. Mais cela nécessite au préalable que la situation de la CENI soit clarifiée, toute chose qui nécessite du temps et des moyens. Ensuite, il est essentiel de permettre à chaque citoyen de jouir de la plénitude de ses droits civiques, conformément à la loi. La bonne tenue des élections couplées nécessite les inscriptions sur les listes, l’exécution de la phase de contentieux suivie de l’élaboration du fichier électoral et enfin, la confection et la distribution des cartes d’électeur.

Tout cela prendra un temps non encore estimé à ce jour et que la situation nationale ne permet pas d’évaluer avec certitude. De façon plus particulière, les résidents des circonscriptions électorales des nouveaux arrondissements communaux de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso doivent bénéficier du temps nécessaire pour s’inscrire sur les listes ouvertes dans leurs nouvelles circonscriptions électorales en vue de participer librement aux scrutins en vue. Si l’on sait l’importance de ces 2 villes dans l’expression du suffrage électoral, il ne serait pas excessif d’accorder le temps nécessaire à leur participation. Enfin, les réformes politiques envisagées pourraient apporter des modifications dans la structure et le fonctionnement de l’Assemblée nationale (pouvoirs de l’institution, mode d’élection et nombre des élus nationaux, etc). Par ailleurs, la création éventuelle d’une 2e chambre (Sénat) occasionnera un partage des pouvoirs entre les deux composantes du parlement, ce qui va créer une exigence de renouvellement des membres de l’Assemblée, au risque de se retrouver avec des députés élus sur la base d’une législation inadaptée, parce que modifiée par les réformes adoptées.

Ces trois ordres de raisons social, politique et juridique militent en faveur d’une prorogation de la législature de l’Assemblée nationale en cours dans la mesure où elle répond à un objectif d’intérêt général et que ses modalités ne sont pas contraires à l’esprit de la Constitution.

II- De la légalité et de la procédure de prorogation de la IVe législature

Si l’élection législative est prévue par la Constitution du 11 juin 1991, les élections locales ne le sont pas. Ces dernières sont plutôt prévues par le Code général des collectivités territoriales et le Code électoral. Elles ne sont donc pas concernées par une question de conformité constitutionnelle pour la prorogation envisagée. Rappelons que la loi n°043-2010/AN du 7 décembre 2010 portant prorogation du mandat des conseils de collectivités fait coïncider la date des élections locales avec celle du renouvellement de l’Assemblée nationale de façon mécanique. Tout le problème réside donc dans la procédure de prorogation de la législature de l’Assemblée nationale qui n’a pas été envisagée expressément par notre Loi fondamentale. L’article 29 de la Constitution se limite à préciser que " La durée d’une législature est de cinq (5) ans". Sauf prorogation éventuelle, l’Assemblée nationale ne peut se réunir au-delà du terme fixé par la Constitution.

Le pouvoir de proroger la législature en cours n’est pas non plus induit par une disposition quelconque de la loi fondamentale ni au profit du chef de l’Etat ni du Conseil constitutionnel dont le pouvoir en la matière consiste à vérifier la conformité des lois avec la Constitution. C’est donc l’analyse juridique qui permet de donner un contenu à la procédure à suivre pour parvenir à la prorogation de la législature de l’Assemblée nationale. A ce propos, deux articles sont d’un intérêt certain :

• L’article 50 de la Constitution, tout en prescrivant les délais minimum (30 jours) et maximum (60 jours) pour le renouvellement de l’Assemblée nationale à la suite d’une dissolution, précise dans son dernier paragraphe que « Toutefois, le mandat des députés n’expire qu’à la date de validation du mandat des membres de la nouvelle Assemblée nationale. »

• L’article 163 du Règlement de l’Assemblée nationale ajoute que « Au début de chaque législature, le président de l’Assemblée nationale sortante convoque les députés nouvellement élus et procède à l’installation du Bureau d’âge. Ce Bureau préside à la validation des mandats des élus et à l’élection du nouveau président conformément aux dispositions de l’article 5 du présent Règlement. » Ces deux (2) articles tirés de textes différents font courir le mandat des députés entre deux législatures, même pour le cas ou l’institution parlementaire serait dissoute et que ses membres ne siégeraient plus.

La prorogation de la législature permettra de prolonger expressément le mandat de l’institution parlementaire entre 2 législatures afin de permettre aux députés de se réunir en toute légalité et de continuer à accomplir leur office. En l’espèce, le respect des formes et des procédures conformes à l’éthique constitutionnelle est déterminante pour ne pas tomber dans l’illégalité. En effet, dans un contexte juridique presque identique, l’Assemblée nationale du Sénégal a voté la loi constitutionnelle n°2006-11 du 20 juin 2006 portant prorogation du mandat des députés de 2006 à 2007. Il a été reproché à l’article unique de cette loi constitutionnelle de n’être pas conforme à l’orthodoxie constitutionnelle du fait qu’il a servi à régler une situation particulière alors que la Constitution est destinée à contenir des principes et règles d’ordre général.

De l’avis de détracteurs, ladite loi constitutionnelle qui s’intéressait à une situation éminemment conjoncturelle ne devrait pas intégrer le corpus constitutionnel. Le juge constitutionnel saisi de la question sur recours intenté par l’opposition a été d’un tout autre avis en considérant « ...que le pouvoir constituant est souverain, et- qu’il peut abroger, modifier ou compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée et introduire explicitement ou implicitement dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans le cas qu’elles visent, dérogent aux règles ou principes à valeur constitutionnelle, que cette dérogation soit transitoire ou définitive ». Sur un tout autre plan, le Protocole additionnel de la CEDEAO du 21 décembre 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance prévoit, en son article 2. 1, qu’aucune reforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques ».

Le Burkina Faso devra éviter ces écueils en recherchant préalablement l’adhésion de tous les acteurs concernés au principe et à l’acte de la prorogation afin qu’à terme, les réformes puissent être entreprises dans des conditions idéales de temps et de régularité formelle des actes qui seront posés. Enfin, s’agissant du mode d’approbation du texte de la prorogation, l’idéal serait de recourir au peuple souverain qui a mandaté les députés, en respect du parallélisme des formes, des compétences et des procédures. Cependant, le choix de ce mode se heurte à des écueils de temps et de moyens pour sa réalisation. Au regard du contexte, l’initiative du texte de la prorogation ne devra pas non plus provenir de l’Assemblée nationale, parce qu’il serait illogique que les députés initient une loi constitutionnelle "de maintien" de leur institution en service.

Le texte ne pourrait donc se présenter que sous la forme d’un projet de loi initié par le président du Faso, en application soit de ses prérogatives tirées de l’article 49, soit de son droit d’initiative lié à l’article 161 de la Constitution. Le respect de ce formalisme contraignant de prorogation de la législature de l’Assemblée nationale en cours est la condition de maintien en fonction de l’institution, au-delà du délai constitutionnel.

CONCLUSION

S’il est vrai que la périodicité régulière des consultations électorales est un des éléments nécessaires à la vie démocratique, des difficultés ponctuelles peuvent raisonnablement amener l’Etat de droit à déroger au calendrier électoral. Mais contrairement à beaucoup de pays africains, c’est bien la première fois que notre pays est confronté à une difficulté de cette nature, avec la particularité qu’à la difficulté du respect de l’agenda électoral prévu par la Constitution, se greffe l’organisation de reformes politiques dans un climat social des plus difficiles. La prorogation de la VIe législature de l’Assemblée nationale comblerait un vide et permettrait aux députés d’exercer leurs pouvoirs traditionnels et éventuellement, avec les reformes en vue, de voter d’abord le principe de la révision de la Constitution et ensuite le texte de modification proprement dit. Autrement, il y aura un blocage institutionnel préjudiciable aux réformes.

C’est pour cela qu’au-delà des clivages idéologiques, l’ensemble de la classe politique et de la société civile, doit se surpasser pour permettre à notre pays de passer ce cap difficile et de réaliser des reformes qui permettent au Burkina Faso de continuer l’expérience démocratique entreprise depuis 1991.

Ouagadougou, le 13 juin 2011

Pour le Bureau exécutif national Le président du parti Me Toussaint Abel Coulibaly

Le Pays

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