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Editorial de Sidwaya : Les 55 premières étapes du "Chemin de Croix" ministériel...

Publié le lundi 13 juin 2011 à 02h18min

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Un personnage des Lettres persanes de Montesquieu se demande : « Est-ce donc pour ne pas dormir qu’on se couche à Paris ? » Posons-nous une question de la même trame : « Est-ce donc pour ne pas avoir une minute pour soi-même qu’on devient Premier ministre au Faso ? » En effet, depuis le 18 avril 2011, M. Beyon Luc Adolphe Tiao nous donne l’impression de posséder le don d’ubiquité : on le voit partout, en ville comme en campagne, sur les routes et autour de tables aussi rondes les unes que les autres. Il s’invite chez les hommes d’affaires, les entrepreneurs et les chercheurs ; les ambassadeurs, les directeurs généraux et les personnes de ressources de la société civile ne sont pas en reste.

En récompense pour tant de générosité et d’ardeur à la tâche, l’âge d’or tant attendu nous sera-t-il présenté, prochainement, sur un plateau modelé dans le minerai extrait d’Essakane ?

Ces 55 premiers jours de service à ce haut niveau de l’Etat pourraient s’apparenter aux historiques « 55 jours de Pékin » : ceux qui ont vu, en Chine, au début du siècle dernier,

« l’Alliance des huit nations » résister et sortir victorieuse du siège de ses institutions imposé par les Boxers, ces adeptes du Kung Fu, motivés par leur haine de l’étranger et se croyant insensibles aux balles : une union sacrée – le peuple burkinabè – s’opposant aux diktats controversés de quelques fortes têtes détachées de la réalité – les mutins – pour sauvegarder ses intérêts. Les 55 premiers jours de Beyon Luc Adolphe Tiao, comme Premier ministre peuvent pourtant décevoir. Immédiatement après le 18 avril, date de sa nomination, la presse, écho de l’homme de la rue, mais aussi, inversement, ces mêmes citoyens, influencés qu’ils sont par leur lecture quotidienne, n’étaient pas loin de l’exaltation. Beaucoup ont pensé qu’avec cette nouvelle conscience née des mutineries et grâce aux talents de communicateur du nouveau locataire du Premier Ministère, tous leurs problèmes vitaux seraient résolus comme par l’action « mystique » de quelques marabouts. On s’attendait à ce que le panier de la ménagère, en particulier, soit plus lourd de contenu et financièrement plus léger à supporter. On a spéculé sur des augmentations de salaires inédites ou encore sur un rabattement formidable des prix des denrées de première nécessité, en l’occurrence le riz, l’huile, le sucre, le pain… Les mouvements sociaux qui ont accompagné la grogne des militaires avaient pour objectif, un relèvement substantiel et rapide des conditions de vie du fonctionnaire en général, de l’enseignant en particulier... Cinquante (50) jours après, tout n’est pas gagné, mais rien n’est perdu.Personne, dans cette euphorie générale, ne s’est demandé : les améliorations exigées sont-elles objectivement réalisables ?

Combien de temps faut-il au meilleur des hommes de bonne foi pour faire de ces légitimes revendications, une réalité durable pour tous ? Il y avait tant de fumée et de hourrahs dans l’air et dans nos têtes, qu’il était plus facile de tirer des plans sur la comète que de voir l’humaine réalité agonisant à nos pieds. Le redressement que nous attendons du Premier ministre, pour se matérialiser dans la durée, exige, d’abord, que nous nous trouvions de nouvelles sources de production concrètes de richesses. Ensuite, que nous ayons les capacités techniques nécessaires pour en ordonner et organiser la distribution dans les justes règles de l’art en un temps record. Or, cette nouvelle corne d’abondance, où est-elle ? Réorganiser la distribution de nos pauvres et maigres biens en si peu de temps, comment le faire ?

Deux dangers concomitants et antinomiques guettent le nouveau Premier ministre : le premier consiste à ne pas pouvoir satisfaire la population en très peu de temps, et le second consiste, justement, à y arriver. Si la population n’est pas contentée dans un délai raisonnable, des tireurs de tout calibre pourraient de nouveau s’exprimer. Et si, sur un coup de tête, le Premier ministre chamboulait tous nos plans et schémas de développement, nous perdrions l’avenir pour nous être présentement attachés à un instant de colère et d’exigences insensées. Le Premier ministre est au rouet, et nous sommes tous face au couscous calamiteux des contes : « Celui qui le mange tue sa mère, et celui qui le rejette exécute son père. » Comment s’en sortir sans une mortelle indigestion ?

Ce qu’il faut saluer et, déjà, tenir pour acquis dans la gouvernance de Luc Adolphe Tiao, c’est la démarche. D’abord, on pourrait dire que son discours n’est pas encore totalement « politisé », dans le sens alambiqué du terme. Ses propos sont plutôt ceux d’un maître, dans le double sens de celui qui enseigne comment il faut opérer et qui gouverne la cité. Il ne calcule pas ses dires et, à ce prix, il a, en 50 jours, bousculé plus de 50 tabous, et plus de 50 majordomes de l’Etat dans leurs « territoires-forteresses » naguère intouchables.

C’est un sacrifice périodiquement nécessaire, et ils ne sont pas très nombreux à avoir eu la capacité et la volonté de s’y soumettre de si bon cœur pour le redressement de leur pays. Luc Adolphe Tiao, ensuite, c’est le contact. Et le contact, c’est la présence et l’écoute. Il n’accepte pas seulement de recevoir dans son cabinet, c’est lui-même qui s’invite chez le citoyen-ressource pour l’aider à se situer dans le contexte actuel du Burkina et de ses intérêts. Idem de ses ministres, à l’image de celui de la communication, Alain Edouard Traoré, qui avec une batterie de directeurs généraux, était ce week-end à Gaoua et à Bobo-Dioulasso pour rencontrer les acteurs de terrain… Une manière d’affirmer que l’Etat, c’est le peuple. Enfin, nous croyons percevoir que l’une de ses préoccupations en tant que communicateur et homme politique, c’est de faire prévaloir le principe gagnant /gagnant.

Si, par exemple, les directeurs des agences de voyage et certains militaires qui ont fait fuir les touristes du pays des Hommes intègres avaient à cœur de faire valoir ce principe, nous n’aurions pas eu tant de désagréables et « économicides » problèmes à résoudre. C’est un choix de grande maturité. Le plus important pour tous, ce n’est pas que quelques-uns

« payent », mais que tous gagnent, que chacun se sente heureux de vivre en Burkinabè. Le principe gagnant/gagnant exige de la créativité, de la générosité, le sens de l’autre, du partage, de l’association des entreprises et des individus pour un bénéfice commun. Le tout rapporté à la vision que toute la nation se donne. De ce point de vue, nous croyons que Monsieur Luc Adolphe Tiao, dans le contexte d’un pays victime de harcèlements naturels et humains, a fait de son mieux en 50 jours d’exercice d’un pouvoir pugnace.

Par Ibrahiman SAKANDE ( sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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