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Mutinerie militaire à Bobo : La mutinerie de trop

Publié le mercredi 8 juin 2011 à 21h32min

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Au début des manifestations des militaires au Burkina Faso, Bobo-Dioulasso et sa garnison ont su adopter une attitude exemplaire tant et si bien que les Bobolais avaient fini par se convaincre que leur ville était l’exception qui confirme la règle. Mais contre toute attente, les militaires sont finalement rentrés dans la danse des mutineries en faisant passer des jours d’enfer aux paisibles populations de Sya qui ne savaient plus où mettre de la tête.

Tout a commencé dans la nuit du mardi 31 mai au mercredi 1er juin. Aux environs de 21 heures, des soldats se sont mis à tirer des coups de feu à l’intérieur du camp Ouezzin COULIBALY. Progressivement la cadence des tirs s’est amplifiée pour se répandre dans toute la ville. C’est la bousculade en ville. Les voies principales sont prises d’assaut, créant des embouteillages monstres. Chacun veut rejoindre son domicile parce que ces tirs ont surpris presque tout le monde. Les jeunes mutins ont redoublé d’ardeur dans les tirs pour faire rentrer toute la population chez elle. Ils ont tiré toute la nuit jusqu’au mercredi matin.

Malheureusement ils ne se sont pas contentés seulement de tirer en l’air. Ils ont également procédé à des casses de boutiques et à des pillages. C’est ainsi qu’ils ont pillé les kiosques des vendeurs de cellulaires qui jouxtent la direction commerciale de l’ONATEL de Bobo. Ils ont aussi cassé et pillé le plus grand super marché de la place (l’alimentation Marina Market) en face de la BIB, de la Société burkinabè d’équipement (SBE) et d’autres boutiques privées.

Le lendemain mercredi 1er juin, ce sont des commerçants très excités et en colère qu’on pouvait apercevoir devant leurs magasins pillés. Le spectacle est très désolant. Dépassés par l’ampleur des dégâts, des jeunes commerçants accompagnés par des badauds organisent une expédition pénative vers le camp militaire. Mais face aux tirs des armes qui s’intensifiaient à l’intérieur du camp, ils se sont contentés de raser le mur en proférant des injures aux cris de « militaires voleurs ».

Aux environs de 9 heures, toujours le mercredi 1er juin, le gouverneur de la région des Hauts-Bassins convoque tous les commerçants victimes de vandalisme au gouvernorat pour leur annoncer que le gouvernement déplorait les casses et les pillages mais qu’il s’engage à dédommager toutes les victimes comme cela a été le cas pour les commerçants de Ouagadougou. Une information qui a un peu rassuré les commerçants qui ont applaudi dans la salle.

Une mission du gouvernement annulée à la dernière minute

Témaï Pascal BENON le gouverneur a alors invité les commerçants à garder le calme et à ne pas tenter de se faire justice en allant vers le camp militaire. « Une mission gouvernementale est attendue incessamment conduite par le ministre de l’Administration territoriale et celui du Commerce pour régler rapidement vos problèmes », a ajouté le gouverneur.

Après la rencontre avec le gouverneur, les choses se sont un peu stabilisées. Certains commerçants ont même eu le courage d’ouvrir leur magasin. Mais dès la nuit tombée, la situation s’est encore empirée. Les mutins sont encore rentrés dans la danse avec des tirs plus nourris que jamais avec à la clé des actes de vandalisme encore plus poussés. Outre les magasins et boutiques, des personnes privées ont reçu la visite des militaires mutins. C’est le cas de Mamou DOUKOURE une opératrice économique bien connue à Bobo. Elle a été dépouillée d’une importante somme d’argent et des bijoux. Ils ont tirés en l’air toute la nuit sans interruption. La plupart des bars et maquis de Bobo ont été pillés

Le jeudi 2 juin, les commerçants étaient cette fois à bout de nerfs. La mission gouvernementale était maintenant incertaine avec l’évolution de la situation. Les commerçants se sont donc rabattus dans leur colère sur les édifices publics à défaut de se venger des militaires en armes. Ils ont allumé des pneus sur des voies ; se sont attaqués à l’hôtel de ville en cassant des vitres et saccageant des bureaux. Le véhicule de fonction du maire Salia SANOU et du secrétaire général de la commune est incendié sans compter les nombreuses mobylettes calcinées. Il a fallu toute la dextérité des éléments de la gendarmerie pour les repousser. Le gouvernorat, la Chambre de commerce, la LONAB et d’autres services étaient également dans leurs collimateurs. Mais grâce à la promptitude des forces de l’ordre ces édifices ont été sauvés. Ce ne fut pas le cas pour la Direction régionale de la douane qui a été saccagée.

Les commerçants sont ensuite rentrés chez eux. Les militaires mutins n’ont plus attendus la nuit tombée. Ils sont sortis à bord de mobylettes et ont pris la ville en otage en continuant à tirer en l’air. Face à l’ampleur de la situation, le gouverneur décrète un couvre-feu sur la ville de 18h à 6h du matin.

Les mutins ne le respectent point et deviennent encore plus bruyants. Les tirs sont très exagérés et se font entendre partout dans la ville. Les mutins sont partout. C’est la psychose sur Bobo-Dioulasso. Les balles perdues font des dégâts dans les différents secteurs. Le bloc opératoire de l’hôpital Sourou SANOU est en activité continue.

Toute la nuit, les tirs ont redoublé d’intensité. Entre temps, on a appris que des éléments sont venus de Ouagadougou pour désarmer les mutins. Le vendredi 3 juin, dès 9h, la sirène de la mairie s’est mise à siffler pour inviter la population à rentrer chez elle. Des élèves militaires qui étaient au camp de Bobo pour le passage de grade de sergent ont été libérés à cause de la situation. Dès les matins, on les voyait se diriger en masse vers les différentes gares pour prendre des occasions et se rendre à Ouaga. Les éléments venus de Ouagadougou, ceux de Dédougou et la gendarmerie mobile ont pris position devant le camp militaire. Il y avait encore des mutins qui tiraient en ville. C’est ceux-là qui ont été les premiers à être désarmés de gré ou de force parfois même en direct devant la population qui ne manquait pas d’acclamer les « justiciers » venus les libérer de ces mutins sans foi.

Pour ceux qui étaient à l’intérieur du camp, il y a eu des échanges de tirs avant que « les justiciers » arrivent à maîtriser la situation au grand bonheur des Bobolais. On apprendra plus tard le bilan officiel qui donne 6 morts du côté des mutins, 8 blessés, 25 civils victimes de balles perdues et un décès à Kuinima (la petite Djénéba SANOU âgée de 14 ans). Les Bobolais pouvaient enfin respirer.

La honte des forces armées

Le samedi 4 juin, la hiérarchie militaire était à Bobo-Dioulasso dans le but d’apporter son soutien aux familles des victimes et encourager les troupes qui travaillent à rétablir l’ordre public. Le chef d’Etat major général des Armées, le général de brigade Nabéré Honoré TRAORE et sa suite sont ainsi allés dans la famille de la petite Djénéba SANOU qui a reçu une balle perdue à Kuinima. Ils ont également fait un tour du côté de la Direction régionale de la RTB2 où les mutins ont fait des dégâts et emporté du matériel tout simplement parce qu’ils n’ont pas réussi à lire leur déclaration à travers les ondes.

La hiérarchie militaire s’est ensuite rendue à l’hôpital Sourou SANOU où elle a compati à la douleur des blessés et encouragé le personnel soignant.

Au camp militaire, le général et ses hommes ont constaté de visu l’ampleur du dégât. Un bâtiment qui sert d’entrepôt a été détruit. « Nous nous posons beaucoup de questions sur le pourquoi de ces manifestations parce que nous ne voyons pas de raisons objectives à cela » a indiqué le chef d’Etat major général des Armées qui a en même temps rassuré que la quiétude est revenue et qu’au niveau de l’armée, ils devaient l’oublier et repartir sur de bons pieds.

La plupart des biens qui ont été volés par les mutins ont été récupérés. Le général de brigade Honoré TRAORE qui avait à ses côtés le chef d’Etat major particulier de la présidence du Faso, a profité pour présenter les excuses à la population. « Au niveau des forces armées, c’est le ras-le-bol général. Tout le monde se plaint de ce comportement qui déshonore beaucoup l’armée. Je crois que nous allons pouvoir nous ressaisir et montrer à la population burkinabè qu’il y a une autre image de l’armée nationale. Nous nous excusons beaucoup pour ce qui est arrivé au niveau des forces armées. Nous avons beaucoup, beaucoup honte de ce qui s’est passé ».

La population est appelée à rester calme parce que les militaires qui sont arrivés veillent sur leur quiétude. « Ils resteront aussi longtemps que la situation le commandera ».

Quand au sort qui sera réservé aux militaires mutins, le chef d’Etat major général des armées a dit que « les sanctions seront extrêmes ». De quoi rassurer les populations burkinabè qui ne veulent plus assister à de tel comportement de la part de ceux-là mêmes qui sont censés assurer leur sécurité. En tous les cas le peuple en a marre et nous disons tous ensemble plus jamais ça dans notre pays.

Drissa KONE à Bobo-Dioulasso
L’Opinion

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Vos commentaires

  • Le 9 juin 2011 à 02:47, par George Frêche En réponse à : Mutinerie militaire à Bobo : La mutinerie de trop

    "Il faut de temps à autre du sang pour arroser l’arbre de la démocratie".Thomas Jefferson
    Je suggère que tous ces militaires indignes soient châtiés avec la plus grande fermeté et la plus grande sévérité.Des têtes doivent tomber en cour martiale.Sinon,je croirai que l’Etat burkinabé est faible et non crédible.Il n’y a pas d’Etat d’âme pour ce genre de situation.Ces criminels doiven,t être sévèrement punis.
    Dans le monde civilisé, un miltaire n’ose pas poser les actes ignobles de chez nous parqu’il sait que ses armes ne seront d’aucun secours face à l’Etat souverain de Droit.

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