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Interview de Moussa Michel Tapsoba : « Au nom de l’indépendance de la CENI, je ne démissionnerai pas »

Publié le mardi 7 juin 2011 à 02h32min

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Aux chefs de files de l’opposition et de la majorité qui demandent sa démission, il a opposé un refus catégorique. Au Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, qui lui a enjoint par la suite de rendre le tablier, sa position n’a pas varié d’un iota : « Au nom de l’indépendance de la CENI, je ne vais pas démissionner ». Alors, Moussa Michel Tapsoba, puisque c’est de lui qu’il s’agit ici, reste à la tête de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) jusqu’en septembre prochain, date officielle de la fin de son mandat. Après dix ans passés à la tête de l’institution en charge de l’organisation des élections, l’homme en ressort, certes couturé, tout de même revigoré par le sentiment du « pari réussi ».

- Ses rapports avec les acteurs de la scène politique ;
- la carte d’électeur qui a fait couler beaucoup de d’encre et de salive ;
- l’intrusion de militaires dans son domicile lors des mutineries d’avril ;
- son passé révolutionnaire. Autant de points sur lesquels Moussa Michel Tapsoba est revenu, sans détour, dans cette interview qui a valeur de testament politique. Entretien.

De sources dignes de foi, vous avez été reçu par le nouveau PM, lequel a demandé la démission individuelle des membres de la CENI. Quelles ont été les raisons avancées par le chef du gouvernement ?

• Il faudrait que je commence par la fin pour dire que le problème a été circonscrit et a trouvé sa solution. Les choses sont aujourd’hui rentrées dans l’ordre. Pour répondre maintenant à votre question, Son Excellence Monsieur le Premier ministre m’a fait appeler un jour. Je croyais que comme il venait de prendre fonction et qu’on se connaît de longues dates, il s’agissait d’une prise de contact. Mais au cours des échanges, il m’a fait savoir qu’il a trouvé un dossier dans lequel les partis politiques de l’opposition ainsi que ceux de la majorité se sont entendus pour écourter le mandat des membres de la CENI. Je lui ai dit que je ne trouvais pas de problème à cela. Selon la loi, notre mandat court jusqu’en septembre, mais si on en décidait autrement, je n’aurais pas d’objection à faire. Deux jours plus tard, il m’a fait appeler à nouveau pour me dire qu’il souhaite rencontrer l’ensemble des membres de la Commission parce qu’il veut que chacun de nous démissionne individuellement ou collectivement. Sur place, j’ai répondu en disant que lors de notre première rencontre, j’avais compris que des dispositions législatives ou réglementaires seraient prises pour écourter le mandat.

Mais si c’est pour que nous présentions notre démission, en ce qui me concerne, je ne vais pas démissionner. Je ne sais pas ce qu’en décideront les autres membres de la CENI, car j’estime que la démission est un acte individuel. J’ai fait comprendre au Premier ministre que ma décision est fondée sur une raison toute simple : depuis les dernières élections, le chef de file de l’opposition n’a cessé de demander ma démission. Il avait besoin par là de montrer que la présidentielle s’est mal déroulée. Alors, si je venais à rendre le tablier, ce serait lui donner raison. Si le scrutin a été mal organisé, cela revient à dire que celui qui l’a remporté a été mal élu. C’est la conclusion qu’il [NDLR : Le chef de file de l’opposition, Bénéwendé Sankara] voulait tirer.

Comme j’ai refusé de démissionner, il a dû demander la démission du chef de l’Etat [NDLR : Comme solution à la crise sociopolitique qui secoue le pays, le chef de file de l’opposition préconise, entre autres, la démission du président du Faso]. En outre, j’estime que c’est manquer de respect aux autres que d’appeler des responsables adultes pour leur dire de démissionner. Cela revient à dire que personne ne croit à l’indépendance de la CENI. Sinon on ne peut pas entreprendre une telle démarche. Néanmoins, j’ai fait convoquer mes collègues qui ont, eux aussi, adopté la même attitude que moi, et surtout ils ont déploré le fait que ceux-là même qui les ont envoyés à la CENI n’ont pas pris la peine de les informer des dispositions qui ont été prises. Mais quelques jours plus tard, nous avons reçu une correspondance du Premier ministre nous demandant d’engager le processus de préparation des élections couplées [NDLR : Législatives et municipales] de 2012.

Que l’opposition exige votre démission, cela peut se comprendre. Mais que la majorité en fasse autant, c’est vraiment étonnant !

• Ce qu’on nous a dit, c’est qu’il y a eu consensus entre la majorité et l’opposition, en tout cas entre le chef de file de l’opposition et celui de la majorité. Je ne veux pas faire de commentaires, mais j’ai été surpris que la majorité se rallie à l’opposition pour demander ma démission et par voie de conséquence la démission éventuelle du chef de l’Etat.

Vous venez de dire que le Premier ministre vous a demandé d’engager l’organisation du prochain scrutin. Est-ce en attendant la fin de votre mandat en septembre ou jusqu’à la tenue du scrutin en 2012 ?

• Je crois comprendre que nous commençons à préparer les élections de 2012 et à la fin de notre mandat, l’équipe à venir continuera avec ce qui a déjà été fait. Du reste, une des raisons avancées pour exiger notre démission était qu’il fallait mettre rapidement la nouvelle équipe sur place pour commencer à préparer les élections de 2012. Mais l’argument ne tient pas parce que, en 2001, c’était en septembre que la CENI avait été mise en place pour organiser les législatives de 2002. En 2006, une nouvelle équipe est arrivée et a organisé les législatives de 2007.

Depuis longtemps, le chef de file de l’opposition exige votre départ et ne manque jamais l’occasion de tirer à boulets rouges sur vous. Finalement, n’y aurait-il pas de problèmes personnels entre vous deux ?

• A mon avis, il n’y a pas de querelles personnelles entre nous deux parce que je ne connais pas ce monsieur. J’ai assumé des tâches de responsabilité sous la révolution dont il se réclame mais durant laquelle je ne l’ai pas connu. Donc on ne peut pas dire qu’il y a un problème personnel entre nous. En tout cas pas à ma connaissance. Il faudra peut-être lui poser la question.

Avez-vous des rapports avec des ténors de la classe politique, particulièrement avec Roch Marc Christian Kaboré ?

• J’ai des rapports particuliers avec Roch Marc Christian Kaboré parce que nous sommes tous ressortissants du Ganzourgou et en dehors du cadre professionnel, il est arrivé que nous nous rendions visite. Lui, chef du parti au pouvoir et moi, président de la CENI, on a eu à se consulter quelquefois, tout comme j’ai eu à rencontrer le chef de file de l’opposition.

On dit que vos relations avec l’ancien ministre du MATD, Clément Sawadogo, n’étaient pas au beau fixe. Ce dernier estimait que l’organisation des élections doit être la seule affaire de l’Administration.

• Vous savez, il n’appartient pas au ministre de l’Administration territoriale ou au président de la CENI de décider de qui va organiser les élections au Burkina Faso. La CENI a été créée à partir d’une analyse faite par l’ensemble de la classe politique et de la société civile pour mettre en place une structure de ce genre pour organiser les élections. Il faut savoir que notre pays a pris des engagements vis-à-vis des organisations internationales, notamment la CEDEAO au niveau sous-régional. Le Burkina s’est aussi engagé à respecter le protocole sur la « démocratie et la bonne gouvernance », qui dit que chaque pays membre doit mettre en place une institution indépendante de l’exécutif pour organiser les élections. Pour le moment, le Burkina respecte ses engagements.

Est-ce que la CENI ne porte pas aujourd’hui une sorte de péché originel, car dès sa création elle avait été suspectée de rouler pour le pouvoir ?

• Les derniers événements montrent que c’est tout à fait le contraire, parce que la majorité s’est ralliée à l’opposition contre nous. Je pense que nous payons seulement le prix de notre indépendance.

Votre appartenance au GERDDES, qui, à un moment donné, a été suspecté d’être proche du pouvoir, ne joue-t-elle pas contre vous aux yeux de l’opposition ?

• Peut-être que si c’était quelqu’un d’autre qui était à la tête de la CENI, les choses se seraient passées autrement. Mais sachez que je vis avec des principes auxquels je ne puisse déroger. Je viens du GERDDES, c’est connu, mais je ne vois pas en quoi il est affilié au pouvoir. C’est une organisation de la société civile qui a ses buts et ses missions, qui fait des analyses, donne ses points de vue, qui ne sont pas systématiquement contre le pouvoir. Tout comme il n’adhère pas à n’importe quoi qui vient du pouvoir.

Concrètement, quelle est la marge de manœuvre du président de la CENI dans la centralisation, le décompte et la publication des résultats ? En clair, est-ce qu’il peut modifier ou faire modifier les résultats ?

• Ce n’est pas du tout possible parce que ce n’est pas le travail d’un individu. A l’occasion des élections, nous mobilisons à peu près un millier de personnes. Rien qu’au niveau de la CENI, il y a 15 personnes fortement impliquées dans le traitement des résultats. Donc, le président n’a aucune marge de manœuvre pour modifier quoi que ce soit. Il faut savoir que quand on exerce une fonction dans une structure de ce genre, l’objectif primordial, c’est de sortir la tête haute, c’est-à-dire ne pas produire de résultats contestés ou contestables, sources de conflits. Notre préoccupation principale, c’est de permettre aux gens d’aller voter librement et après, vaquer tranquillement à leurs occupations. Si tel est le cas, nous savons alors que nous avons bien travaillé. Dieu merci, jusque-là, les choses se sont passées de cette manière.

La dernière présidentielle a été marquée, entre autres, par la liste jugée trop squelettique et d’aucuns n’ont pas manqué de pointer du doigt votre institution. Véritablement, à qui revient le rôle de sonner la mobilisation des électeurs ?

• Le rôle de la CENI, c’est de créer les conditions favorables pour que les citoyens désireux de s’inscrire sur les listes électorales puissent le faire sans entraves. Nous y avons travaillé. Mais, les militants des partis politiques ne nous appartiennent pas. Nous n’avons pas d’arguments pour les convaincre du bien-fondé d’aller voter tel ou tel candidat. Certes, nous leur expliquons que s’inscrire est un acte citoyen et voter, c’est confier le pouvoir que l’on détient à un groupe de personnes pour exercer en votre nom. C’est tout ce que nous pouvons faire. Par contre, les partis politiques, toutes tendances confondues, ont les arguments convaincants pour amener un citoyen à aller s’inscrire puis à voter.

N’empêche, certains n’ont pas hésité à vous en imputer la responsabilité ?

• Vous savez, il ne suffit pas de créer un parti pour être un homme politique aguerri, encore moins un démocrate. Au regard de la jeunesse de notre démocratie, on peut comprendre que des gens arrivent à de pareilles déductions, oubliant qu’eux-mêmes n’ont pas assumé correctement leur responsabilité.

L’autre grand couac de cette élection, ç’a été la carte d’électeur, jugée illégale du fait que certaines mentions, comme la filiation, la date et le lieu de naissance, pourtant prévues par l’article 53 du code électoral, n’y figuraient pas. Comment en est-on arrivé là ?

• Il faut d’abord rappeler que l’article 52 a énuméré les pièces qu’il faut pour s’inscrire sur une liste électorale. Il s’agit de l’acte de naissance, la carte nationale d’identité, du passeport et de la carte militaire. Or sur la carte nationale d’identité, il n’est pas fait mention de la filiation. En tout cas ce n’est pas clairement lisible. Donc, objectivement, dès le départ, on ne pouvait pas respecter l’article 53 du code électoral qui exigeait que l’on fasse mention de toutes ces informations. Cela veut dire qu’on est parti avec un déficit d’information sur les pièces à présenter pour s’inscrire sur les listes électorales. Nous avions pensé que si quelqu’un venait avec sa carte d’identité sur laquelle nous ne pouvions pas lire la filiation et bien d’autres mentions, en approchant l’office national d’identification (ONI) nous pourrions récupérer ces mentions qui existent, mais qui ne figurent pas de façon lisible sur la pièce.

On a effectivement tenté l’opération mais on s’est rendu compte que ce n’est pas tous ceux qui disposent de la pièce d’identité qui ont les informations que nous comptions récupérer au niveau de l’ONI. Car certains Burkinabè, nés à l’étranger, ont établi leur carte d’identité avec un certificat de nationalité dans lequel ne figurent pas ces informations. Du coup, si on devait retenir ceux qui se sont inscrits avec les actes de naissance, on aurait laissé de côté tous ceux qui ont établi leur pièce d’identité avec le certificat de nationalité. Ce qui aurait été très grave car ces derniers sont en règle vis-à-vis de la loi. Alors, on a décidé de délivrer des cartes d’électeur à tous ceux qui se sont inscrits sans distinction de la pièce présentée à l’inscription. Toutefois, le jour du scrutin, il sera appliqué l’article 265 qui exige la présentation de la carte d’identité, du passeport ou de la carte militaire avant le vote.

Dans ce cas, forcément, la carte d’électeur sera infirme de certaines informations. Nous avons alors porté la difficulté au niveau du gouvernement qui devait élaborer un projet de loi visant à supprimer toutes les mentions qui ne pouvaient plus exister de par le fait que la pièce ne les contenait pas. Malheureusement, tout n’a pas été biffé, et le problème de lieu de naissance est demeuré alors que ça n’existe pas sur la pièce.

N’est-ce pas finalement l’Assemblée nationale qui a failli ? Parce qu’elle aurait pu rattraper ces choses en adaptant une loi rectificative à la carte.

• En tout cas, l’objet de la relecture visait à conformer la loi à la réalité. Malheureusement cela n’a pas été entièrement pris en compte.

En clair, on a voté avec des cartes illégales.

• C’est ce que le juge administratif a dit quand quelqu’un s’est présenté devant lui pour ce qui concerne sa carte. Maintenant, je crois que le magistrat est allé au-delà de cette seule carte pour décider que toutes les autres sont illégales alors que personne d’autre ne s’en est plaint. Ce qui est important, c’est de savoir que le jour du scrutin, personne n’a été empêché de voter de par le fait de sa carte. C’est, ça le plus important. La carte d’électeur est une pièce qui sert à vous indiquer le lieu où vous devez vous présenter pour voter.

Le scandale est venu du chef de file de l’opposition qui depuis un bureau de vote à Yako a soulevé le problème de l’illégalité de cette carte-là.

• Nous avons distribué les cartes environ un mois avant le scrutin et lui-même a reçu sa carte bien avant le jour de l’élection. Cela ne l’a pas empêché de battre campagne pour dire à ses militants d’aller retirer leurs cartes afin de pouvoir voter. Vraiment je ne sais pas quel but il visait, puisque nous connaissions tous le problème, lui-même y compris, mais ça ne l’a pas empêché d’inciter ses militants à aller retirer leurs cartes.

Si problème il y a eu, la légalité de la carte est donc mise en cause.

• Vous savez qu’une décision de justice a valeur de loi. Si un juge dit que la carte est illégale, je respecte sa décision. Mais dans la mesure où personne n’a été empêché de voter, moi je ne vois pas où se trouve le problème. De toutes les façons, cela n’a pas soulevé de remous le jour du scrutin, encore moins le lendemain du scrutin.

Mais puisqu’un juge a conclu à l’illégalité de la carte, n’aurait-il pas été juste de reprendre la présidentielle du 21 novembre ?

• C’était la requête de celui qui s’était pourvu devant le juge. Mais nous avons fait appel, en ce sens que le tribunal peut, certes annuler la carte de celui qui s’est présenté devant lui mais pas celle de tout le monde parce que personne d’autre ne s’est plaint de sa carte. Et le juge supérieur nous a donné raison.

Avant d’être à la tête de la CENI, vous avez été ministre et même cadre d’un parti politique. Quel souvenir gardez-vous de cette époque ?

• Avant d’être ministre, j’ai été cadre de l’administration et je le suis toujours. Quand on sait que des gens comme moi sont nés dans de petits villages, je peux être satisfait de mon parcours. J’ai été simple cadre et j’ai occupé toutes les responsabilités qu’une administration peut offrir jusqu’à présent, en dehors des responsabilités politiques, et là aussi, j’ai effectivement été ministre de l’Eau d’abord, ensuite ministre de l’Equipement sous la Révolution. J’en ai tiré une grande expérience. A l’époque, j’étais jeune comme beaucoup d’autres et on faisait les choses parce qu’on y croyait. On était guidé par le souci du travail bien fait et l’amour de la patrie. Tout cela se faisait avec une grande intégrité. J’en tire une grande satisfaction. Mais affirmer que j’ai été cadre politique, c’est trop dire.

Voici ce qui s’est passé : pour les législatives de 1992, j’ai été sollicité par la CNPP [NDLR : Convention nationale des patriotes progressistes] à l’époque pour être suppléant d’Alfred Kaboré dans le Ganzourgou. J’ai accepté parce que je pensais que ce parti pouvait constituer un contrepoids aux dérives que je constatais déjà au niveau de l’ODP/MT. J’ai alors battu campagne avec la CNPP. Mais à la fin, beaucoup de choses se sont passées et ne correspondaient plus à mes convictions, comme l’entrée au gouvernement de certains membres de la CNPP. J’ai alors rendu ma démission et décidé de ne plus jamais être militant d’un parti politique.

Depuis quelque trois mois, notre pays traverse une crise sociopolitique et militaire. Votre lecture.

• Il faut dire que la crise dépasse le seul cadre des militaires parce que ç’a commencé par une affaire assez cocasse [NDLR : une affaire de fesses]. Avec ce qui s’est passé, on a été extrêmement choqué par la réaction des soldats. S’ils n’avaient pas porté atteinte aux biens publics et privés, on leur aurait donné raison, vu leurs conditions de vie et de travail, et la manière dont ils sont gouvernés dans les casernes.

Lors des manifestations des militaires, votre domicile a été attaqué. Pourquoi, selon vous, vous ont-ils visé ?

• Au moment des faits, j’étais en mission en France. Quand c’est arrivé, je me suis demandé pourquoi. Si on se réfère à la hiérarchie des institutions, la CENI en est la cadette. En plus, j’habite un quartier anonyme, comparé aux autres qui habitent dans des bâtiments publics. Mais le développement de la situation aujourd’hui, en ce qui me concerne, me laisse penser qu’en fait, c’était un alibi, et non des militaires sortis des casernes qui sont venus chez moi. Je ne sais pas ce qu’ils auraient trouvé à part ma propre personne. Lorsqu’ils sont arrivés, ils ont d’abord demandé après moi. Par la suite, ils ont emporté des bijoux et des parfums de ma femme. Mais ils n’ont violenté personne. Alors j’ai compris que c’est ma propre personne qui était visée. On m’a dit que certains étaient encagoulés. Bon ! peut-être que c’est des gens qui étaient reconnaissables, et je n’exclus pas que ce fût des civils qui eussent guidé des militaires. Je crois que des gens ont voulu profiter de l’occasion pour régler des comptes. S’ils m’avaient trouvé, on ne poserait plus le problème de ma démission de la CENI. Je mets donc ça sur ce compte.

Quand vous dites que « la situation d’aujourd’hui vous laisse penser que c’est un alibi », doit-on comprendre que les mêmes qui ont demandé votre démission se trouvent derrière la prise d’assaut de votre domicile ?

• Je ne l’exclus pas.

Des enquêtes ont sans doute été ouvertes. En avez-vous des échos ?

• Pour le moment, je n’ai pas d’écho des enquêtes et je n’attends pas particulièrement de résultats probants. Mais cela ne m’empêche pas de penser qu’au fond on a saisi un contexte pour régler des comptes personnels.

Après dix ans à la tête de la CENI, des motifs de satisfaction, il en existe bien sûr. Y a-t-il aussi des sentiments d’insatisfaction ?

• Pour ce qui concerne les motifs de satisfaction, nous avons eu à organiser un certain nombre d’élections depuis dix ans. Comme je l’ai déjà dit, l’objectif pour nous, c’est que le jour du scrutin il n’y ait pas de bagarres et que le lendemain il n’y ait pas de marches. Avec mes collègues de la première et de la deuxième équipe, nous pensons avoir réussi le pari. Des regrets, il y en a eu aussi. Je me suis rendu finalement compte que si tout le monde a voulu la naissance de la CENI, en réalité chacun pensait pouvoir l’utiliser à son propre compte. Dans la mesure où nous avons pris conscience de la nécessité de garder l’institution dans son intégrité, dans son indépendance, cela n’a pas plu, ce qui a entraîné parfois des incompréhensions avec des acteurs, aussi bien de la scène politique que de la société civile. Il faut que les gens sachent que lorsqu’on dit que la CENI est indépendante, c’est vis-à-vis de tout le monde.

Parmi les nombreuses élections que vous avez organisées, laquelle vous a le plus marqué ?

• La première organisation que nous avons pilotée a eu lieu en 2002 et elle m’a beaucoup marqué car l’équipe était toute nouvelle et n’avait pas d’expérience particulière, à l’exception de quelques personnes. Mais la volonté de réussir et l’engagement de tous nous ont permis de réussir. Le scrutin présidentiel de 2010 fut l’élection la plus difficile que nous ayons organisée. Non pas parce que c’était une présidentielle, mais à cause des nombreuses inexactitudes constatées sur les textes. Même à quelques mois du vote, on a continué de modifier les textes. En matière de temps de préparation, c’est aussi le scrutin qui détient le plus court délai d’organisation. A tout cela s’est ajouté cet environnement d’attaques quelquefois personnelles.

Cette présidentielle fut aussi la plus catastrophique, selon certains.

• La plus catastrophique, non. Sur ce scrutin, les rapports des observateurs étaient élogieux. Il faut savoir que c’est la seule élection que nous ayons organisée sans enregistrer de recours sur les résultats. Ce qui nous a amené au tribunal n’avait rien à voir avec les résultats. Ce fut l’élection la plus transparente.

Entretien réalisé par : Alain Saint Robespierre Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga

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