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Ali Abdullah Saleh : Le prix de l’entêtement

Publié le dimanche 5 juin 2011 à 02h35min

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Exit Ali Abdullah Saleh, grand dictateur devant l’Eternel et qui dirige le Yémen depuis trois bonnes décennies. Parti se faire soigner en Arabie Saoudite, blessé qu’il est par suite de l’important bombardement dont son palais a été la cible vendredi dernier. Le paradoxe veut cependant que les Yéménites exultent. Les scènes de liesse qui ont éclaté à l’annonce de la nouvelle ne laissent planer aucun doute là-dessus.

A la vérité, il y a de quoi. Cela fait quatre longs mois que les manifestations populaires ont débuté, au Yémen, demandant toutes le départ de ce dictateur fortement arrimé au fauteuil présidentiel depuis 1978 et qui s’est toujours présenté comme le seul homme capable de tenir un Yémen uni entre Nord et Sud.

Que la réalité des faits lui porte une sévère contradiction n’y fera rien : l’homme y est, il y restera. Et lorsque, les Yéménites, lassés, prenant exemple sur les peuples de Tunisie et égyptien, décideront de descendre dans la rue, Saleh choisira l’option de la féroce répression qui fera des victimes par centaines. La détermination des Yéménites ne faiblira pas.

En dépit de tous les risques que comportait l’entreprise, le puissant chef tribal Sadek al-Amar prit la direction des opérations et lança l’assaut contre le palais. La suite, on la connaît : Ali Abdullah Saleh est désormais un évacué sanitaire dans un hôpital militaire de Ryad.

Il se pourrait d’ailleurs que, bientôt, son statut change : d’exilé sanitaire il se pourrait que l’homme devienne bientôt exilé politique. De sérieux indices peuvent conduire à croire que le président yéménite a entrepris là un voyage sans retour possible. Les Yéménites ne s’adonnent pas à la liesse populaire pour rien.

Car bien qu’il n’existe pas d’abdication officielle de Saleh, son vice-président, Abdel Mansour Hadi, qui, selon la constitution, devrait diriger le pays en l’absence du président, n’a fait aucune déclaration dans ce sens. Plus, il se serait entretenu avec l’ambassadeur des Etats-Unis à Sanaa.

Lorsqu’on a suivi les différentes déclarations du pays de l’Oncle Sam concernant la situation au Yémen, on se doute bien que les entretiens à huis clos auront porté plus sur un changement de main qu’autre chose. Clair comme de l’eau de roche, le fils aîné du président, Ahmed, par ailleurs commandant de la Garde républicaine, tapi en embuscade, lorgne l’occasion de remporter la mise à la suite de son père.

Mais il n’est pas sûr qu’il réussisse l’entreprise, au moins pour deux principales raisons : l’opinion internationale ne verrait pas la chose d’un bon œil ; mais surtout, les Yéménites, sentant la fin de leur calvaire, pourraient bien refuser une direction aux forts relents de celui qu’ils ont adroitement poussé vers la sortie.

Alors, Saleh reviendra ou ne reviendra pas ? En tout état de cause, il paie à présent le prix fort de son entêtement. Les blessures dont il souffre sont-elles aussi minimes qu’on se plaît à les présenter ? Rien n’est moins sûr. De Dadis Camara, le Guinéen, on avait un temps prétendu qu’il avait été « légèrement » blessé à la tête.

Au final, on l’aura su, l’homme à présent ressemble à une grosse légume, incapable de prononcer deux phrases sensées à la suite. A supposer que Saleh se remette de ses « lésions corporelles », sera-t-il toujours en mesure de gouverner le Yémen ? Et d’ailleurs, dans quel état devrait-il retrouver ce pays qu’il a dû, à son corps défendant, précipitamment quitter pour son asile saoudien ?

On en viendrait même à préférer l’attitude des deux dictateurs arabes déboulonnés avant lui par la tempête au jasmin. Ben Ali, le Tunisien, et après lui, Hosni Moubarak l’Egyptien, auront, relativement vite, compris et réalisé la vraie exigence des soulèvements populaires auxquels l’un et l’autre ont dû faire face : les peuples avaient fini par avoir marre de leur propres personnes. Il leur fallait s’effacer. Ils le firent, à contrecœur bien sûr, mais tout de même ils « décampèrent ».

Saleh, lui, aura choisi la ruse et la tuerie jusqu’au bout. Juste quelque temp, avant de se faire évacuer à Ryad, il faisait appel au président sénégalais, président en exercice de l’OCI, et le pressait d’ouvrir des négociations avec notamment la France, les Etats-Unis ainsi que les pays du Golfe, histoire de créer les conditions d’un « cessez-le-feu » et la programmation d’élections « libres et transparentes », et blablabla.

Les observateurs avisés y auront vu une énième tentative de pirouette politique opérée dans le but de gagner du temps et de reprendre des forces. Sans doute, à la suite de quoi, il aurait tout le loisir de mieux réprimer. Les Yéménites aussi auront peut-être perçu la chose sous ce prisme-là.

C’est peut-être d’ailleurs ce qui les a poussés à précipiter certaines décisions. Ils sont tellement pressés de voir naître ce « nouveau Yémen » qu’ils appellent de tous leurs vœux. Et qui sait si ce souhait-là ne sera pas exaucé ? Et peut-être même plus tôt qu’on n’ose le dire !

Jean Claude Kongo

L’Observateur Paalga

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