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Expédition contre les mutins de Bobo : Œuvre de salubrité publique

Publié le lundi 6 juin 2011 à 02h35min

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Le gouvernement, par la voix du ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, avait prévenu : on ne peut pas accepter et continuer de subir cette « surenchère » et ce chantage à la prime et aux indemnités des militaires burkinabè qui ont fait de la mutinerie leur mode de revendication privilégié.

On leur donnait la main, il réclamait ensuite le bras, puis l’avant-bras, ensuite le tronc pour enfin vouloir s’emparer de tout le corps. Passe encore si les insurgés en armes se contentaient de tirer en l’air ou de s’en prendre à leurs chefs suspectés sérieusement de casser du sucre sur leur dos !

Mais il fallait en plus que la soldatesque, dans une forme de folie généralisée ou « caporalisée », pille des commerces, casse, vole, viole et terrorise des populations civiles qui ne savent plus à quel treillis se vouer. C’est dire si la nervosité et l’agacement étaient de plus en plus perceptibles et montaient au fur et à mesure que les concerts indécents de la canonnière essaimaient un peu partout dans le Burkina.

Non, ça ne pouvait plus durer. Même la place d’armes de Bobo, qui apparaissait jusque-là comme un îlot de tranquillité dans un océan tourmenté, a fini, elle aussi, par entrer dans la danse pendant presque 72 heures la semaine passée.

Devant la furie vandale des troufions de la ville de Sya, les précédentes sorties de leurs frères d’armes de Ouagadougou et d’autres garnisons du Burkina semblent n’avoir été que de simples et petites répétitions générales avant la grande descente.

C’est, à l’évidence, la goutte d’eau qui a fait déborder un vase militaire trop plein. La réaction des autorités, jusque-là impassibles, par lâcheté ou par sagesse, ne s’est pas fait attendre.

Vendredi en effet, une expédition punitive d’éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et du Régiment paracommando (RPC) de Dédougou appuyés par la Gendarmerie nationale est allée mater les rebelles, faisant officiellement 6 morts parmi les factieux et une fillette de 14 ans fauchée par une balle perdue, une trentaine de blessés (dont de nombreux civils) ; une soixantaine de mutins ont également été arrêtés.

Un tel bilan peut paraître lourd, surtout avec les victimes collatérales qui ne sont liées ni de près ni de loin à cette chienlit kaki mais, tout bien considéré, c’est une œuvre de salubrité publique qui vient d’être opérée.

L’ironie du sort a voulu que ce soit ceux-là mêmes qui avaient aussi fait le coup de feu avant leurs compagnons d’armes bobolais, allant même jusqu’à profaner le sanctuaire de Kosyam dont ils avaient la garde, qui réduisent les croquants du marigot Houet, mais on ne va pas ergoter sur ces considérations anecdotiques.

Tout se passe comme si après quelques moments d’égarement les hommes du président étaient revenus à la raison pour faire bloc derrière le patron et sauver le temple commun, menacé par les coups de boutoir répétés de quelques chenapans.

A dire vrai, on comprenait mal ce flegme de Blaise Compaoré qui, au départ, aurait empêché ses kodos de tuer dans l’œuf la révolte parce que, disait-il, il ne voulait pas de bain de sang. A raison.

Il a sans doute fallu que le mal qui ronge insidieusement l’armée burkinabè se métastase tel un cancer ; qu’il soit lui-même mordu par ses propres chiens de garde ; que les fondements de la République et de l’Etat de droit chancellent ; que son naam donc vacille pour que le président du Faso daigne sortir de son mutisme et mette le holà.

Dieu seul sait si en ce moment, il ne regrette pas l’Etat d’exception où le sort de ces mauvaises graines auraient été réglé en moins de deux.

Il faut du reste remonter au 27 octobre 1987 pour voir deux camps de la Grande Muette s’affronter. Alors, Blaise Compaoré venait de prendre le pouvoir avec l’assassinat de Thomas Sankara et le capitaine Boukari Kaboré, dit “le Lion du Boulkiemdé”, s’était piqué, à la tête de son Bataillon d’intervention aéroportée (BIA), d’entrer en rébellion.

On sait ce qu’il est advenu de sa crinière et 24 ans après, on se rappelle encore les atrocités auxquelles la réaction des forces fidèles au nouveau maître du pays avaient donné lieu. Tant mieux si la situation a considérablement changé depuis, puisqu’on parle aujourd’hui de procès avec respect des droits de la défense pour ceux qui ont fauté, mais il ne faut quand même pas charrier.

On sait gré aux insurgés d’avoir tiré à coups de mitraillettes les insouciants et les socialo-jouisseurs de la IVe République de leur indolence coupable et d’avoir inauguré une nouvelle gouvernance politique, économique, sociale et administrative pleine d’espoir, mais ils en ont fait un peu trop.

On peut certes discuter, parlementer, dialoguer, négocier même avec des croquants pour trouver une issue pacifique à une crise, mais une mutinerie, ça se mate, et c’est faute de ne l’avoir pas fait très tôt que la situation a pourri jusqu’à l’os.

Dès lors, l’amputation était devenue inévitable. Peut-on raisonnablement palabrer indéfiniment avec des soudards qui donnent l’impression d’avoir un agenda caché derrière les revendications corporatistes mises en avant ?

D’ailleurs, les militaires qui râlent telles de vieilles locomotives ne sont pas les plus mal lotis des salariés burkinabè et à niveau égal, ils touchent mieux qu’un civil. Dans un pays qui a plus besoin de médecins, d’enseignants, d’ingénieurs que d’hommes en treillis, savoir que la solde d’un caporal est supérieure à celle d’un jeune toubib en début de carrière a quelque chose de surréaliste, voire de révoltant.

On veut bien le leur concéder, au regard de la spécificité du métier des armes. Mais la soldatesque aurait mieux fait de ne pas discréditer sa lutte par des actes inconsidérés en s’en prenant aux civils. Et si c’était pour créer l’exaspération et pousser à la faute par une stratégie du harcèlement et du pourrissement, elle sait dorénavant que cela pourrait se retourner contre elle.

Faut-il donc penser à la suite du plus illustre des savants (Einstein), brocardant les militaires que « ...si quelqu’un peut éprouver quelque plaisir à défiler en rang au son d’une musique, je méprise cet homme... il ne mérite pas un cerveau humain puiqu’une moelle épinière le satisfait » ?

Une chose est sûre, pour avoir volé, ces soldats ne sont plus rien d’autre que des bandits, de surcroît qui tuent l’économie nationale à petit feu. Ils n’ont, de ce fait, pas leur place dans une caserne et il fallait les traiter comme tels.

Et puiqu’ils aspirent à une carrière de coupeurs de route, autant les affranchir des contraintes trop pesantes de la tenue pour qu’ils s’adonnent à leur vocation. Koestler, au sujet de la violence légale, disait que « la société brandit sa tête pour que les futurs candidats au meurtre y lisent leur avenir et reculent ».

La récréation est donc terminée et il faut espérer que la charge de ce vendredi sonnera comme un avertissement sans frais donné à tous les apprentis- mutins que plus rien ne sera comme avant, et que la potion bobolaise sera désormais servie partout où besoin sera. Y EN A MARRE, A LA FIN !

La Rédaction

L’Observateur Paalga

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