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Forces militaires et paramilitaires burkinabé : De profondes et indispensables mutations !

Publié le mercredi 1er juin 2011 à 21h11min

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Fastidieux ! Oui, ce serait vraiment fastidieux de faire la chronique des « hauts faits d’armes » de nos garnisons militaires depuis le trimestre écoulé. Les derniers épisodes du feuilleton vécus par les populations de Tenkodogo, Garango, Bagré, Kaya, Dédougou et Dori laissent tout simplement pantois tous les citoyens de bonne volonté.

Il n’est point besoin de revenir sur le triste bilan enregistré dans chaque localité. Il ne fait qu’altérer une situation déjà catastrophique sur l’image du pays, sur son économie, sur les institutions démocratiques, sur la vie sociale, etc. On ne peut plus continuer sur cette lancée. Le moment venu, il faudrait avoir le courage d’opérer de profondes et indispensables mutations.

La situation engendrée par les actions incontrôlées d’un certain nombre de militaires est si chaotique qu’aucune instance, aucun acteur privé ou public n’a osé un bilan. Les causes, qui sont connues et sur lesquelles nous reviendrons ici, ne sauraient toutefois justifier ces sorties bruyantes et ces actes de délinquance. Au fil des semaines, il apparaît que :

Primo, le cœur du mal se trouverait dans un déficit de communication, voire une mauvaise communication. La hiérarchie militaire s’est isolée de la base. Elle n’a pas transmis fidèlement toutes les préoccupations des hommes du rang aux instances de décision. Pour y parer, le Président du Faso a reçu, consulté à tour de bras, écouté puis instruit son gouvernement de recevoir également, d’écouter, de dialoguer et de donner suite aux réclamations dans la mesures des moyens de l’Etat.

Deuxième cause majeure : des promesses d’indemnités et divers émoluments n’ont pas été tenues par le commandement ou par le gouvernement. Les supposés responsables de ce manquement ont donc été sommés de s’exécuter ici et maintenant. Ce qui, à chaque fois, fut fait pour obtenir le retour des acteurs dans les casernes et l’arrêt momentané des tirs.

Troisième cause dénoncée : un déficit de gouvernance qui plombe les attentes des acteurs. Le remède exigé : le renouvellement des principaux chefs des institutions indexées à commencer par l’Exécutif. Le Gouvernement Tertius ZONGO est dissous, un nouveau Premier ministre nommé en la personne de Son Excellence Monsieur Beyon Luc Adolphe TIAO et un Exécutif resserré de vingt neuf membres contre trente huit dans l’équipe précédente, recomposé ; tout ceci, en l’espace d’une semaine.

Dans la recomposition de l’Exécutif de crise, le Président s’est lui-même investi dans la charge de ministre de la Défense. Tout ça, pour pouvoir s’occuper personnellement des questions qui causent le mal vivre des militaires. Ce devrait être d’un gros réconfort pour nos frères en tenue. Hélas ! Hélas ! Hélas !

Par la suite, des Directeurs généraux de sociétés stratégiques comme la LONAB, la SONABHY, la SONABEL, la SONAPOSTE, la CNSS ont été renouvelés ; en attendant comme le réclame un internaute, peut-être, un vaste mouvement des DAF des ministères et institutions de l’Etat.
Quatrième préoccupation : le renouvellement du commandement : à ce jour, presque tous les chefs des différentes armées ont été remplacés. Idem pour la police nationale.

Cinquième attente : exposer directement à qui de droit, et sans intermédiaire, les préoccupations pour garantir les solutions aux problèmes posés. Le chef de l’Etat en personne, sans intermédiaire, s’est donc, prêté longuement au dialogue avec toutes les catégories des corps militaires et paramilitaires en priorité. Une série de concertations conclue par un pot bien frais avec les représentants des corps habillés à Kosyam.

Depuis son installation, le nouveau chef d’Etat Major Général des Armées, qui serait « l’Homme » voulu par une majorité de la base, semble disposé au dialogue et à l’écoute. Toujours prompt à monter au front pour entendre et discuter avec les membres de la famille militaire. Autant de choses qui devraient logiquement désamorcer la crise au sein de l’armée et galvaniser le processus de normalisation en cours. Surtout que, dans le même temps, les représentants des frustrés se confessent, regrettent leurs actes, demandent pardon, invitent les collègues à ranger les armes, à rejoindre les casernes et assurent et rassurent qu’ils n’en veulent ni au système, ni au chef de l’Etat auxquels ils restent obéissants, respectueux et fidèles. Comment ces ie à épisodes qui n’en finissent pas peuvent-elle donc s’expliquer ?

Assez, il faut changer le fusil d’épaule. Finie la période des concessions tous azimuts, le gouvernement doit désormais se départir de cette frilosité et aller à l’offensive !

N’est-ce pas ce déficit ambiant de confiance qui explique aussi cette rupture de logique qui a conduit le Ministre porte parole du gouvernement à hausser le ton sur les antennes de Radio France Internationale, considérant que les derniers mouvements enregistrés simultanément dans plusieurs localités, les 29 et 30 mai écoulés, ne sont ni plus ni moins que de « la surenchère faite au gouvernement » ?

Son ton, d’habitude conciliant, tranche cette fois-ci et traduit une certaine exaspération. Comme pour dire : « assez, nous devons changer le fusil d’épaule. Finie la période des concessions tous azimuts, le gouvernement arrêtera désormais la frilosité et ira à l’offensive ».
L’on comprend dès lors l’exaspération du ministre de la Communication qui s’est énormément dépensé en points de presse. Le gouvernement, avec le Premier ministre en tête, a versé une quantité énorme de sueur et de salive pour rassurer, assurer, implorer compréhension, patience tout en déliant bourse à tout va afin de répondre à toutes les réclamations catégorielles et, résorber les conséquences de la « vie chère » au Faso. Tout ça, dans le seul but de soutenir un retour à la normale ; une normalisation qui se conjugue à l’infini à cause de ces sorties à répétition. Tout ça, pour rien ! Comme qui dirait. Payé en monnaie de singe. Oui, payé en monnaie de singe par des militaires indisciplinés et irrespectueux de leur hiérarchie.

Faut-il en conclure que les solutions jusque-là éprouvées ne sont pas les bonnes médications de la crise ? En tous les cas, le constat est qu’il faut évidemment opérer autrement. Par exemple, le Chef d’Etat major des Armées étaient à Dédougou soixante douze heures avant que les militaires du régiment para commandos se mettent à tirer dans la journée du 30 mai 2011. Allez-y savoir ! Doit-on déduire que les tireurs n’ont pas foi en la parole du Général Honoré TRAORE, leur Chef d’Etat Major Général ? Absolument pas, car ce n’est pas la majorité des militaires de notre armée qui est dans cette logique de mutinerie. Les informations proches des milieux militaires estiment que notre armée compte plus de douze mille hommes. Les tireurs du mois de mai se comptent chaque fois sur les doigts de la main. Un petit nombre à chaque fois. Au maximum une cinquantaine, parfois une dizaine.

Toujours des recrues de la même classe ou par solidarité.
On voit donc qu’il ne s’agit pas d’une remise en cause politique mais d’une forme d’indiscipline. Il faut nécessairement envisager des sanctions ciblées pour nettoyer l’armée des éléments incontrôlés qui se sont trompés de vocation.

« Construire une nouvelle armée »

Il y a environ un mois, dans une réflexion sur notre armée, l’auteur, Monsieur TRAORE Diogène, se demandait s’il faut dissoudre notre armée. Il disait en substance : « Je salue la réaction prompte du Président du Faso. Mais il se trompe s’il croit qu’il s’agit d’une simple question de commandement. Il doit comprendre que son armée est inadaptée au corps social et se donner les moyens de la reformer en profondeur. « … ». « Il est temps de se donner une nouvelle vision et de construire une nouvelle armée, bâtie sur des objectifs adaptés à la société, une armée intégrée aux préoccupations sociétales. Il est temps d’arrêter cette logique de construction d’une grande armée, anachronique par rapport au contexte de notre société et totalement dépassée en référence au contexte mondial actuel. Il est temps d’arrêter des recrutements systématiques de soldats et de les transformer en « chiens de guerre dressés à tuer sans état d’âme qui finiront par retourner leurs armes contre les populations qu’ils sont sensés défendre ».

Cette analyse judicieuse doit être exploitée par le gouvernement car l’auteur a touché du doigt le mal et en a donné la thérapie.
Un pays de services comme le Burkina Faso doit cultiver la paix et non la guerre, donner des gages de sécurité aux investisseurs, aux touristes, aux organisateurs des manifestations d’envergure qui avaient vu en notre pays, une destination idéale.

Le gouvernement devra donc s’orienter vers les solutions proposées par Monsieur TRAORE dans sa réflexion. Cette nécessaire et profonde réforme de l’Armée pourrait induire notamment :
- une réduction drastique des effectifs. On peut réduire de moitié nos effectifs et mettre l’accent sur le perfectionnement de la formation d’une armée d’élites très opérationnelle. Des effectifs justes suffisants pour faire face aux exigences de sécurité intérieure et à la surveillance de nos frontières. Pas plus. Un petit effectif de femmes et d’hommes bien formés, dotés de moyens modernes et performants, adaptés à leurs nouvelles missions.

- une reconversion progressivement des exclus dans des métiers civils au profit de l’économie nationale. En effet, cet amaigrissement des troupes militaires ne doit laisser personne dans la rue. Les intéressés peuvent subir des formations qualifiantes à des métiers de leur choix pour s’installer à leur compte. Des facilités de financements peuvent être envisagées pour les accompagner et les inciter à aborder cette nouvelle vie sans trop de heurts. L’agriculture, le tourisme, la foresterie, l’élevage, le transport, la mécanique, la soudure, la menuiserie, la boulangerie, l’artisanat, les activités des TIC, la communication de proximité, sont des secteurs qui peuvent absorber encore beaucoup de mains d’œuvre dans nos pays. Il convient d’y développer les compétences, de créer les conditions de financement et de suivi accompagnement des créateurs, innovateurs, promoteurs d’entreprises.

- une reconfiguration des missions des forces armées et de sécurité nationales. Aujourd’hui, la sécurité intérieure, la protection de nos frontières contre le terrorisme, la protection des Burkinabé sur les routes, dans leur foyer contre la délinquance urbaine, contre les voleurs de bétails et les coupeurs de route dans les zones rurales sont des préoccupations majeures.

- une formation adéquate aux hommes. Le contenu des formations dispensées à cette nouvelle armée doit mettre aussi l’accent sur le civisme, le respect du citoyen, du bien public, l’assimilation des fondements de la démocratie, le respect des institutions et des vertus sacrées qui font la force des corps habillés comme le respect strict de la hiérarchie et de la discipline.

- le recrutement de jeunes gens aptes à donner satisfaction. Une recrue qui n’a pas une grande considération pour les valeurs fondamentales de notre société ne doit pas être acceptée dans nos armées. Entre autres vertus requises : le respect de la vie humaine, le respect de l’âge, l’humilité, la discipline, la patience dans la construction de son avenir, la probité et le mérite. L’armée ne doit plus être un refuge d’enfants impossibles à gérer en famille.

- l’instauration de relations de complémentarité dans l’action entre les forces militaires et les forces de sécurité. Tous doivent avoir une formation de base axée surtout sur les droits humains, les notions élémentaires de la démocratie, la connaissance et le respect des institutions, la protection des institutions et du citoyen. L’on devra faire en sorte que tant que le militaire n’est pas de service, il ne dispose pas d’une arme comme on le déplore aujourd’hui. Les forces de sécurité, même en mission de maintien ou de restauration de l’ordre public ne doivent pas être dotées d’armes à balles mortelles. Elles doivent exercer leur mission dans un objectif dissuasif et dans le cas où le rapport de force ne leur est pas favorable, se retirer ou appeler l’armée en renfort. Dans ce cas, les forces armées, dans l’exercice de restauration de l’ordre ne sont pas dotées d’armes à balles mortelles. Elles doivent, dans toutes les circonstances, bannir les tortures, les traitements avilissants, la brutalité et protéger la vie humaine, assister toute personnes en danger.

- l’application dans toute sa rigueur de la justice aux civils comme aux militaires et aux paramilitaires. La justice militaire ne doit se réserver que des cas spécifiquement d’ordre militaire : désertion, désobéissance, indiscipline caractérisée, lourdes fautes militaires ou professionnelles. Dans tous les autres cas, remettre le militaire et le paramilitaire à la justice civile et leur appliquer aussi, toute la rigueur de la loi.

- l’humanisation des procédures judiciaires. Il faut une interdiction absolue à un corps habillé de porter la main sur un citoyen quel que soit son rang et la raison de son interpellation. Réduire le temps des gardes à vue pour nécessité d’enquête au strict minimum.

Enfin, il convient ici de saluer tous ces militaires, fiers de leur tenue et de leur corps de métier, qui assistent aujourd’hui médusés au comportement humiliant de quelques indisciplinés. Ils sont nombreux à être meurtris dans leur chair en voyant une poignée d’individus déterminés à salir le treillis par des actions inacceptables. Avec le risque de pousser aussi les autres citoyens à l’exaspération car, si cela devait perdurer, les civils pourraient être obligés de faire face aux armes puisque, même du fond de son lit, on reçoit les balles perdues.

Mais il est plus que temps que tous les auteurs de cette spirale de tirs dans nos cités retiennent que le citoyen burkinabé oppose un non catégorique à cette dérive qui nous conduit résolument au chaos. Espérons que le Ministre de la Défense a pris la bonne mesure de la situation et qu’il ira dans le sens des transformations que nous appelons de tous nos vœux en opérant de profondes et indispensables mutations au sein de nos forces militaires et paramilitaires.

Noaga H. KOUANDA

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Vos commentaires

  • Le 1er juin 2011 à 22:27, par Beurk En réponse à : Forces militaires et paramilitaires burkinabé : De profondes et indispensables mutations !

    Comme c’est une tribune d’expression,votre analyse est juste mais en attendant,il est urgentissime de délocaliser les casernes militaires hors des grandes villes notamment vers les frontières du Faso.Ensuite arrêter immédiatement les recrutements.Nous n"avons pas les moyens pour entretenir des désoeuvrés improductifs et de surcroît budgetivores.Surtout favoriser avec une bonne formation les sapeurs pompiers,la police,la gendarmerie pour la sécurité intérieure des citoyens.Le Burkina n’a pas besoin d’avoir des ennemis extérieur et nous n’avons pas besoin de faire la gueurre à un pays voisin.Les pays limitrophes sont des pays amis.Donc nous n’avons pas besoin de militaires uniquement destinés à faire la guerre.Depuis la création de la Haute Volta et maintenant le Burkina Faso,à part une escarmouche d’à peine 3 jours avec le Mali et les missions onu,citez-moi un fait d’arme de nos militaires guerriers.Rien,rien et rien !Ils sont là pour faire des coups d’état.Honte à eux et je demande au peuple burkinabè de ne plus assister aux défilés de ces mal élevés.Boycottons-les

  • Le 2 juin 2011 à 00:18, par Barry En réponse à : Forces militaires et paramilitaires burkinabé : De profondes et indispensables mutations !

    Joli article mais je suis peiné de voir un honnête citoyen du Burkina écrire "burkinabé" au lieu de burkinabè (version invariable.

  • Le 2 juin 2011 à 00:58 En réponse à : Forces militaires et paramilitaires burkinabé : De profondes et indispensables mutations !

    IL FAUT QUE LE GOUVERNEMENT ET CETTE RACAILLE D’HOMMES EN ARMES EXPLIQUENT AUX BURKINABE C’EST DE QUELLES INDEMNITES ILS PARLENT. ILS ONT FAIT QUOI QUI FAIT QUE L’ON LEUR DOIT DE L’ARGENT EN PERMANENCE. C’EST DES INDEMNITES LIEES A QUELLES RESPONSABILITES ? IL FAUT UN DEBAT PUBLIC PARCE QU’IL S’AGIT DE NOS IMPOTS. C’EST DES INDEMNITES DE QUOI ?ON VOUS ECOUTE. C’EST QUELLES INDEMNITES ?

  • Le 2 juin 2011 à 01:40, par Doulson En réponse à : Forces militaires et paramilitaires burkinabé : De profondes et indispensables mutations !

    Vous parlez d’une infime minorite de militaires indisciplines ! Et que fait alors la majorite pour ce demarquer de ces actes de delinquance ? Ont-ils peur de la minorite ? N’est-ce pas que "Qui se tait consent" ! Ce sont tous les memes ces militaires. Mais qu’ils sachent que toute chose a une limite.

  • Le 2 juin 2011 à 08:52 En réponse à : Forces militaires et paramilitaires burkinabé : De profondes et indispensables mutations !

    très bel écrit.
    Que de bonnes idées développée .... espérons maintenant que le ministre de la défense en a pris bonne note.

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