LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Banfora et Pessac désormais liées par une convention de coopération

Publié le mercredi 1er juin 2011 à 02h17min

PARTAGER :                          

« Nous, Souleymane Soulama, maire de Banfora et Jean-Jacques Benoit, maire de Pessac, proclamons le jumelage des villes de Banfora au Burkina Faso et de Pessac en France, sous l’égide de la fédération mondiale des cités unies, en vue de promouvoir des échanges d’ordre culturel, touristique, social et économique intéressant l’ensemble des citoyens ». Des notes de balafon saluent la proclamation de foi des deux maires qui, sous un soleil rayonnant et devant une foule nombreuse, apposent sur le parchemin leur signature et le sceau de leur ville, puis on entonne les hymnes nationaux, burkinab et français.

L’acte de mariage entre Pessac, commune de 60 000 habitants, près de Bordeaux, dans le Sud-ouest de la France, et Banfora, 110 000 âmes, 15 secteurs et 22 villages, chef -lieu de la province de la Comoé, dans le Sud-ouest du Burkina, vient d’être signé en cette matinée du 28 mai 2011. C’est le début d’une aventure que s’apprêtent à vivre deux villes, géographiquement éloignées l’une de l’autre, mais réunies par les valeurs de solidarité et de fraternité. « Nous cherchions une ville africaine avec qui nouer des relations de jumelage, et comme j’étais tombé sous le charme de Banfora à plusieurs reprises lors de séjours privés, j’ai proposé cette ville à mes collaborateurs du conseil municipal.

Quand j’ai appelé le maire pour lui faire la proposition, tout s’est très bien passé, nous avons toute suite sympathisé comme si nous nous connaissions depuis longtemps », explique le maire de Pessac, Jean-Jacques Benoit. Et puis, argumente t-il, « Banfora est une ville extraordinaire, au climat agréable, qui a des atouts hydrauliques et devrait connaitre un rapide développement surtout avec la fin de la crise ivoirienne ».

Sans tarder, une dynamique s’enclenche. Le maire de Banfora communique à son futur partenaire la fiche technique de sa ville et les priorités identifiées pour les six prochaines années dans le cadre du plan communal de développement.

Au cours des discussions à Banfora et à Pessac, d’autres réalités qui n’avaient pas été prises vont compléter le plan, notamment des problèmes liés à l’enfance, à l’assainissement et à la situation des filles-mères. « Ce n’est sans doute pas un phénomène propre à la seule ville de Banfora, mais chez moi, il n’y a pas une seule famille où il n’y a pas une fille-mère, de 14 à 25 ans. Il y a une démission des parents qui ont abandonné l’éducation de leurs enfants à la télévision », explique, indigné, Souleymane Soulama.

L’accord de coopération signé le 28 mai prévoit la construction d’un centre de formation professionnelle pour les filles-mères, la création d’une petite unité industrielle de transformation des sacs plastiques pour en faire des pavés, une expérience qui connait déjà un succès à Mopti, au Mali. « Le premier projet à mettre en œuvre d’ici l’année prochaine sera la création de l’Association cœur de mère dans le but de soutenir les jeunes filles enceintes, certaines étant malades du VIH », précisent les deux maires.

Pour Souleymane Soulama, la signature de l’accord de jumelage avec Pessac tombe à pic, quelques semaines après la suppression de la Taxe de développement communal décidée par le nouveau premier ministre Luc Adolphe Tiao et la suspension de presque tous les recouvrements en raison de la situation socio-politique. Comme dans la plupart des communes burkinabè, les recettes propres ne permettent guère de faire face aux besoins de financement des projets significatifs, contraignant les équipes en place à solliciter sans cesse des appuis financiers extérieurs. « Il existe des communes où les recettes ne suffisent même pas à payer les employés de la mairie et nous avons des investissements qui n’auraient jamais été couverts par la dotation publique et les rentrées fiscales locales », révèle le bourgmestre de la cité du « Paysan noir », et de préciser que « la part de la coopération décentralisée dans nos ressources atteint parfois 40 à 50% ».

Grâce au soutien de l’Association internationale des maires francophones (AIMF), il a pu obtenir 360 millions de F CFA pour financer la construction de caniveaux dans sa ville.
Visiblement heureux, Souleymane Soulama, qui a conduit une forte délégation de 17 personnes, a conclu son discours par un proverbe qui témoigne de sa confiance quant à l’avenir de cette aventure dans laquelle les deux villes se sont lancées : « La meilleure des maisons est celle qui a été construite par plusieurs mains ».

La signature de la convention de jumelage entre Pessac et Banfora a coïncidé avec la tenue de la 21e édition des Rencontres africaines de Pessac, un grand rassemblement populaire, festif. Au programme, exposition vente d’objet d’art africain, conférences, projections de films, débats et un concert animé par une troupe de balafonistes venus de Banfora, Perrine Fifadji, une artiste musicienne béninoise à la voix puissante et le Super rail band de Bamako.

Bien achalandé, le stand du Burkina était animé par l’association des travailleurs burkinabè en aquitaine (Voir Interview de son président ci-contre) et l’association des étudiants et sympathisants burkinabè de Bordeaux, qui compte pas moins de 100 membres.

Joachim Vokouma


Raymond Monné : « Ce n’est pas parce que nous sommes en brousse comme on fit au pays, que nous sommes indifférents à ce qui s’y passe »

Auteur d’une thèse en Droit de la santé et diplômé en Administration économique et sociale (AES), Raymond préside l’Association des travailleurs burkinabè en Aquitaine (ATBA). Il explique les objectifs de l’association et affirme que la diaspora dans région dispose de compétences prêtes à servir le Burkina

Qu’est-ce qui a présidé à la création de l’association des travailleurs des Burkinabè en Aquitaine ?

L’ATBA a été créée en 1992, à l’époque il y a avait une association regroupant les étudiants, mais pas du côté des travailleurs, c’est-à-dire ceux qui sont venus directement de la Côte d’Ivoire avec leurs patrons, ceux qui sont venus du Burkina aussi et également ceux qui sont restés à Bordeaux après leurs études. Cette association a été créée car on sait que les préoccupations des étudiants ne sont pas toujours celles des travailleurs : les premiers bougent, vont et viennent alors que les seconds sont stables et ont des familles. Ils vivent majoritairement dans la Gironde, dans l’agglomération de Bordeaux, mais dès le départ on a souhaité élargir l’association à la région aquitaine parce que nous savons qu’il existe des familles burkinabè du côté de Pau, d’Agen et Périgueux.

J’étais étudiant au moment de la création de l’association, mais j’ai participé aux démarches ayant abouti à sa création. Au départ nous n’étions pas nombreux et nous avions souhaité sensibiliser les travailleurs sur l’intérêt de créer une telle association dans le but de nouer des liens de solidarité entre nous et aussi de faire connaitre le Burkina dans la région aquitaine. Certes, nous sommes installés ici, beaucoup d’entre nous ont la double nationalité, mais nous n’avons pas coupé les liens avec notre pays d’origine puisque nous allons régulièrement au pays pour voir nos familles.

C’est important de faire connaitre son pays d’origine pour être bien dans sa peau, car l’intégration passe aussi par une bonne image de notre pays dans le pays d’accueil. Nous voulons aussi contribuer à renforcer l’amitié entre les populations qui habitent le Burkina et éviter que ce qui se passe dans certains pays arrive chez nous.

Le Burkina traverse une crise sociopolitique depuis quelques mois. Comment vivez-vous cette situation ici ?

Nous sommes inquiets pour les membres de nos familles et on cherche à savoir s’il n’y a pas eu de victimes parmi les proches. Nous craignons que situation ne s’aggrave au point de remettre en cause la paix sociale dans le pays.

Quels sont les problèmes pour lesquels l’Association est sollicitée ?

Nous estimons que dans le bonheur (mariage, baptême) comme dans le malheur (décès, maladie), il est plus facile de gérer de tels évènements ensemble qu’individuellement. Tout récemment, nous avons rapatrié le corps d’un compatriote et le cousin qui avait l’accompagné est décédé un mois après son retour. Nous nous sommes aussi mobilisés pour rapatrier le corps d’une autre compatriote, un musicien qui était connu, des évènements malheureux durant lesquels la communauté burkinabè a été d’une remarquable solidarité. Il y a aussi, fort heureusement, des moments heureux comme les mariages et là aussi, on se retrouve pour partager ces moments de joie

Quel est le nombre de Burkinabè vivant dans la région Aquitaine ?

Nous ne disposons pas de recensement sur le nombre de Burkinabè vivant ici mais nous estimons que ceux qui sont installés en famille ne sont pas moins de de 70 avec au moins deux enfants par famille. L’ATBA envisage faire un recensement de nos compatriotes, cela nous permettra d’ailleurs de savoir ce qu’ils attendent d’une association comme la notre afin de mieux prendre en compte leurs préoccupations

Quel a été le rôle de l’association dans l’établissement des relations de jumelage entre Pessac et Banfora ?

Il faut dire clairement que l’association n’est pas à la base du jumelage, mais dès que le projet est né, la mairie de Pessac nous a aussitôt associés car nous estimons avoir un rôle de médiateur culturel entre les deux villes. Avec nos connaissances sur le Burkina et la France, nous pouvons aider la ville de Pessac à mieux comprendre son partenaire de Banfora et vice-versa. Nous avons bien apprécié le fait que la mairie de Pessac nous ait proposé d’intégrer le groupe de coopération internationale qu’elle venait de mettre en place, un groupe dans lequel nous avons eu un rôle actif dans la préparation de la venue de la délégation de Banfora. Nous avons eu quatre réunions de travail avec la mairie, le comité de jumelage de Pessac et l’association des étudiants burkinabè aussi, et nous espérons pouvoir apporter notre contribution active sur la durée, même si nous ne sommes pas dans le comité de jumelage.

Bien entendu, c’est aux autorités communales de Banfora de définir leurs priorités et je crois qu’elles l’ont bien fait. Notre rôle est de faire des suggestions, analyses pour que les expériences qui sont déjà menées ailleurs dans d’autres pays puissent être profitable à ce jumelage. Il y a par exemple le projet de création d’un centre de formation professionnelle ou la mise en place d’une structure chargée de l’assainissement de la ville de Banfora. Sur tous ces sujets, il y a déjà des expériences menées et notre rôle sera d’attirer l’attention sur ce qui a marché ou pas afin d’éviter certaines erreurs.

Quel est l’état des relations entre l’ATBA et celle des étudiants, l’Association des étudiants et sympathisants burkinabè de Bordeaux (ASSESYB) ?

Nos relations sont bonnes et nous essayons de travailler ensemble tant que c’est possible. L’année dernière, l’association des étudiants avaient organisé un évènement à Bordeaux, « Fassolidaires » avec la présence du ministre de la Jeunesse et de l’Emploi de l’époque Justin Koutaba et l’ex ambassadeur du Burkina en France, Luc Adolphe Tiao, l’actuel premier ministre. Nous y avons participé dans l’organisation et personnellement je faisais partie des intervenants à la conférence organisée à cette occasion. Pour l’évènement d’aujourd’hui, nous avons travaillé également avec les étudiants et tout s’est bien passé.

L’essentiel pour nous est de montrer qu’il existe des expertises au sein de la diaspora burkinabè de Bordeaux qui peuvent être mises utilisées pour renforcer les relations entre le Burkina et la France en général et entre Pessac et Banfora en particulier. L’année prochaine est prévue une rencontre à Bordeaux autour des questions d’urbanisme et il n’est pas exclut que la ville de Ouagadougou soit à l’honneur. Le responsable chargé des relations internationales de la mairie nous a associés à l’organisation de cette rencontre et les Burkinabè urbanistes répondront présents dans les travaux prévus. Au-delà de l’argent qu’on envoie, il y a des compétences (enseignants, ingénieurs, médecins, etc.) qui peuvent servir le pays ; ça parait difficile à organiser mais il suffit de vouloir.

Ce n’est pas parce que nous sommes « en brousse » comme on dit au pays que nous sommes indifférents à ce s’y passe. Nous suivons attentivement ce qui se passe depuis quelques mois et nous espérons que la crise ne remettra pas en cause la paix sociale.

Avez-vous des rapports avec d’autres associations d’autres pays africains ?

Bien évidemment ! Il nous arrive de nous rencontrer et de mener des actions communes. Nous avons d’ailleurs prévu une journée « méchoui » en septembre prochain avec nos amis du Mali

Propos recueillis à Pessac par Joachim Vokouma


Les Maires de Pessac et de Banfora expliquent le contenu de leurs engagements

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : L’ONG IRC lance deux nouveaux projets