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L’ETAT BURKINABE FACE AUX REVENDICATIONS : Gérer c’est bien, anticiper c’est mieux

Publié le lundi 30 mai 2011 à 00h32min

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La boîte de Pandore ouverte depuis la mutinerie des militaires semble n’être plus prête à se refermer sans avoir déversé tout son contenu. Le coup de colère des hommes en treillis ayant porté fruit, les autres corps de la Fonction publique, en bons apprenants, ne sont pas allés loin pour trouver l’exemple à suivre. Quoique dépourvus de kalachnikovs, les enseignants du secondaire, dont le tour est venu de demander des comptes à l’Etat, ont tout de même une arme qui peut nuire. En décidant de suspendre les cours jusqu’à ce que leurs revendications soient satisfaites, et aidés dans cette démarche par leurs élèves, les professeurs des lycées et collèges ont visiblement su frapper où et quand il fallait.

Car, en plus du fait que la situation de crise qui prévaut actuellement soit favorable à la formulation de doléances, le système éducatif est également marqué, depuis quelques années, par des troubles qui affectent négativement l’exécution des programmes d’enseignement. Les efforts des acteurs du secteur sont orientés vers la recherche de stratégies à même de permettre de conduire l’année scolaire à bon port. Les syndicats de l’éducation auraient donc eu tort de ne pas saisir cette aubaine que leur présente ce printemps syndical burkinabè caractérisé par une spirale de revendications. Profitant donc de ce terreau fertile et propice à la lutte syndicale, les mouvements syndicaux du secteur ont voulu mettre toutes les chances de leur côté.

C’est ainsi que le Syndicat des travailleurs de l’éducation et de la recherche (SYNTER) et le Syndicat national des enseignants du secondaire et du supérieur (SNESS) ont su taire leurs divergences pour faire front commun. Les résultats sont déjà acceptables, à savoir, entre autres, l’obtention d’une indemnité spécifique, des avancements sans conditions et des promesses de concertation en vue d’élaborer une fiche de notation consensuelle et de créer une catégorie pour reclasser les conseillers pédagogiques. Sans blague ! Ainsi donc, l’Etat peut accéder aux requêtes des fonctionnaires, à la seule condition qu’il y ait une crise dont le gouvernement craint l’exacerbation, et que les croquants tapent durement du poing sur la table.

Et tout comme les militaires, les acteurs de l’éducation n’ont pas demandé de nouvelles faveurs ni des avantages supplémentaires. Ils ont simplement exigé qu’on leur accorde le même traitement que leurs camarades du même corps. Le pouvoir exécutif avait-il vraiment besoin d’attendre une énième perturbation d’une année scolaire dont le déroulement est déjà mis à mal par les grèves consécutives au décès de Justin Zongo pour se pencher sur une requête somme toute légitime ? Tout porte à croire que le pouvoir de la IVe République préfère gérer les situations au cas par cas et au jour le jour. Cette gestion quotidienne, sans réelle planification et/ou une conséquente prospective, le confine dans une gouvernance à vue avec son corollaire de résolutions inefficaces des crises qui perdurent ou ressuscitent au moindre déclic.

A cette navigation à vue s’ajoute un manque d’audace et de réalisme dans les réponses apportées aux préoccupations posées par les forces sociales. Certes, les exigences des Partenaires techniques et financiers (PTF), notamment les institutions de Bretton Woods, limitent parfois la marge de manœuvre des décideurs politiques africains de façon générale. Mais, il n’en demeure pas moins que ceux-ci gagneraient à faire preuve de plus de pragmatisme et de courage dans les négociations avec les bailleurs de fonds. Si tant est que le but visé par ce partenariat soit le bien-être des populations, aucune politique ne doit être entreprise sans tenir compte des réalités du pays et des conditions de vie des moins nantis. Les rapports entre le pays des Hommes intègres et ces partenaires ont toujours été marqués par une obéissance religieuse de l’Exécutif burkinabè aux injonctions de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI).

La conséquence d’une telle subordination s’est traduite par la mise en œuvre à la lettre du Programme d’ajustement structurel (PAS) avec ce qu’il impliquait comme mesures d’austérité exclusivement subies par la grande masse des plus pauvres. Tant que ces politiques impopulaires ne touchent pas aux intérêts des membres du gouvernement, ces derniers ne se triturent les méninges que pour chercher à présenter un budget approuvé par la BM et le FMI. Quant à l’incidence du processus d’élaboration et d’exécution de ce budget sur le Burkinabè moyen, ils n’en ont cure et poussent même le cynisme jusqu’à demander aux plus nécessiteux de consentir davantage de sacrifices, comme ce fut le cas pour l’impopulaire taxe de développement communal. Au final, c’est un peuple désabusé parce que maintes fois abusé, et donc exaspéré, que les gouvernants auront fortement œuvré à forger.

Le gouvernement burkinabè, en faisant des concessions aux manifestants ces derniers mois, prouve qu’il peut faire fi des exigences des PTF quand celles-ci ne profitent pas aux populations. Mais le gouvernement n’est pas au bout de ses peines. D’autres corps de la Fonction publique ne tarderont sans doute pas à emboucher la même trompette que leurs camarades dont les vœux ont déjà été exaucés. Mais une fois la page de la crise tournée, il doit être fait le bilan de toutes les protestations afin de déceler à l’avance celles latentes et encore probables et préparer les réponses appropriées à y apporter. Le président du Faso, Blaise Compaoré, et son équipe gouvernementale auront su gérer la crise s’ils parviennent à mettre toutes les forces vives de la nation d’accord et à rétablir au plus vite une paix durable. Toutefois, la dure épreuve traversée par le pays n’aurait été utilement exploitée que si le régime de Ouagadougou arrivait à en tirer la meilleure leçon possible pour mieux développer sa capacité à anticiper. N’est-ce pas cela aussi gouverner ?

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 30 mai 2011 à 17:14 En réponse à : L’ETAT BURKINABE FACE AUX REVENDICATIONS : Gérer c’est bien, anticiper c’est mieux

    Bien dit. Si le gouvernement écoutait le Peuple, prenait les propositions des uns et des autres (comme c’est le cas de cet article) en compte, nous ne serions pas où nous en sommes aujourd’hui (c’est à dire la crise en cours). Comme on n’aime le dire "mieux vaut tard que jamais", vivement que le gouvernement se ressaisisse en revoyant sa "gouvernance impopulaire".

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