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Editorial des Editions Sidwaya : ADO au pouvoir en Côte d’Ivoire, et après ?

Publié le lundi 30 mai 2011 à 00h32min

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A bas le roi ! Vive le roi ! Le roi ? Connais pas !... Tel est le sort, modulé selon la flambée de notre affection, qui attend tous les grands hommes. C’est-à-dire, ceux que nous respectons toujours et aimons rarement. Il a suffi que Alassane Dramane Ouattara (A.D.O) soit au pouvoir en Côte d’ Ivoire pour qu’on parle d’ADOlâtrie au Burkina Faso. Au-delà de la fermentation désordonnée du sentiment, de ces effusions, comment ne pas faire appel au bon sens ?
Il y a des raisons pour nous Burkinabè, ces dernières semaines, d’avoir chaud au cœur : de la plus belle manière, nos voisins — le Sénégal, la Guinée Bissau, le Liberia, le Nigeria, le Mali, le Niger, la Guinée, le Togo, la Côte d’Ivoire notamment — sont venus nous témoigner leur fraternité et leur indéfectible soutien dans le processus de résolution de crise sociopolitique au sein duquel nous nous débattons. Que Dieu les bénisse et qu’Il leur accorde un siècle et demi de paix et de prospérité.

Parmi ces visiteurs de marque, comment ne pas évoquer M. Alassane Ouattara, président de la République de Côte d’Ivoire : un homme, jadis, courtisé quand il était Premier ministre de son pays, naguère pestiféré alors qu’on lui contestait sa nationalité, aujourd’hui porté aux nues et adulé : il est le président incontestable d’une République indescriptible. Car la Côte d’Ivoire, est une véritable métropole de l’Afrique de l’Ouest, un Manhattan de la sous-région, un carrefour obligatoire des peuples sub-sahariens, une puissante locomotive d’un chapelet de pauvres wagons aux abois.

En termes de richesse et de leadership, elle s’érige en passage obligé pour la rédemption et la prospérité de la CEDEAO. On connaît les circonstances dans lesquelles A.D.O. est venu au pouvoir dans ce pays ; on ignore souvent le prix qu’il a payé pour accéder à la Présidence de la République ivoirienne. On n’oublie pas que quelques intellectuels aux idées courtes et à la mémoire poreuse, ont inventé le nauséabond concept d’Ivoirité pour, entre autres, le décrédibiliser ; on sait, d’une clarté solaire, que les mots sacrés tels justice, humanité, sens, vérité, fraternité, paix, … n’ont plus beaucoup de sens dès lors qu’on les crie du haut d’un charnier, que celui-ci infecte et désole Abobo ou Yopougon.

Et voici qu’à travers tant de brouillard, on parle d’« ADOlâtrie » à Ouagadougou ! On dit même que ADO, c’est « la solution. » Quelle solution ? L’accueil du président ivoirien sur le sol burkinabè fut une hystérie de masse non maîtrisée : une sorte de défoulement populaire proche du Carnaval de Rio de Janeiro. C’eût été bien si c’était pour notre bien.

Car, ce que beaucoup de nos compatriotes tentent d’ignorer, c’est que ADO règne à l’ombre du Mont Nimba, pas du Ténakourou. A propos de sa nationalité, il ne nous a jamais laissé penser, une seule seconde, qu’il avait quelques gènes « frauduleux » le liant aux Burkinabè. Et même si tel était le cas, n’oublions pas que le président Obama, au moment de rendre une visite officielle à l’Afrique, a choisi le Ghana, pays vers lequel les intérêts des USA se tournent, et non le Kenya, pays pour lequel son cœur flanche. Et qui dirige la politique planétaire de la France mieux que Sarkozy, l’enfant de Paul Sarközy de Nagy-Bocsa, l’émigré hongrois ? C’est seulement une fois rendu à la terre que nous avons appris que feu Baré Maïnassara était, de près ou de loin, natif de Dori, au Burkina Faso.

Que la rumeur nous pardonne ; cela était parole de vent. Jadis, selon l’Ancien Testament, quand Moïse régnait en maître dans la cour de Pharaon, a-t-il fait, avant de prendre les rennes de l’Exode, de ses véritables origines un débat de salon ? « Tout est jeu, dit Nietzsche, mais le jeu n’a pas de sens si l’on triche. »

Le plus important pour tous les Burkinabè et pour les jeunes en particulier , c’est de changer leur vision pyramidale de la responsabilité et du succès, leur vision hiérarchique des solutions. Pendant que nous traçons ces lignes, nous voyons devant nous, un arbre, une voiture en souffrance depuis un certain temps, quelques livres, des chaises, des hommes et des femmes qui vont et viennent. Dans la mentalité d’un Burkinabè moyen, la question, le souci et le problème à la fois, c’est de savoir comment les autorités vont changer cette cour en source de revenus. Pour un Ghanéen, il y a une autre perspective : il va se demander comment utiliser le véhicule inutile, faire fleurir le végétal, rentabiliser les ressources humaines qui passent et repassent, maximiser l’espace vital disponible,… pour créer un business, même tortueux. On peut nous croire : il finira par avoir raison.

Notre idée, c’est que les Burkinabè doivent d’abord comprendre que ADO ne sera jamais leur président. Mieux que Bédié, Guéï, Gbagbo,… et d’autant plus qu’il a été contesté au plus haut point de sa sensibilité, il se dépensera sans compter pour convaincre les Ivoiriens de sa bonne foi et de ses compétences, dût-il marcher sur quelques "intègres testicules". Les Burkinabè, ensuite, doivent comprendre qu’ils n’obtiendront pas leur paradis de la reprise économique de leur voisin, qu’ils devront, si l’on n’y prend garde, se contenter des quelques miettes négligemment époussetées de la table d’ivoire. Les « vou-san », les « 10% », les « foro bâna », les « foutez-le-camp »… c’est pour nous, nous en avons l’habitude. « Adolâtre » d´un jour, réveillez-vous au son de la raison... » Enfin, c’est notre devoir de rester nous-mêmes. Celui qui trahit sa mémoire, l’histoire le trahira.

Chaque fois que la Côte d’Ivoire flanchera, elle devra pouvoir se reposer sur nos frêles, mais néanmoins accueillantes épaules. Quoi qu’il arrive, le Burkina ne va pas déménager, la Côte d’Ivoire non plus. Notre fraternité mitoyenne est éternelle. Il appartient à chaque génération, de cultiver l’intelligence nécessaire à l’épanouissement de cette cohésion et de ce bon voisinage.

Par Ibrahiman SAKANDE (Email : sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 30 mai 2011 à 08:12, par Baba En réponse à : Editorial des Editions Sidwaya : ADO au pouvoir en Côte d’Ivoire, et après ?

    TRES BON ARTICLE. IL FAUT REVEILLER CES BURKINABE QUI PENSE QUE LES ORIGINES BURKINABE DE OUATTARA VONT FAIRE DE LUI UN DEFENSEUR DES INTERETS DU BURKINA. NE NOUS TROMPONS PAS, CAR ON TENTERA MEME DE NOUS VASALISER A NOUVEAU, EN TEMOIGNE LES DERNIERES DECLARATIONS DE OUATTARA DANS LA PRESSE QUI DIT ENTRE AUTRES, QUE L’INFLUENCE DE LA COTE D’IVOIRE VA JUSQ’AUX FRONTIERES DE L’ALGERIE ET QUE L’ARMEE FRANCAISE DOIT S’IMPLANTER EN COTE D’IVOIRE POUR LE BIEN DE LA SOUS-REGION.QU’ELLE VEILLETE ? A BON ENTENDEUR SALUT.

  • Le 30 mai 2011 à 09:52, par pegui En réponse à : Editorial des Editions Sidwaya : ADO au pouvoir en Côte d’Ivoire, et après ?

    je ne sais pas dans kel sens va l’article. essaie t il de justifier cette ADOLATRIE ? ou de la nier ?

    moi jai beaucoup d’amis ivoiriens et comme tout burkinabé de la famille en côte d’ivoire, mais je suis contre que nous les burkinabés depuis le début de la crise ayons toujours quelque chose à dire pour défendre ADO, le plus drôle c’est justement l’ADOLATRIE dans beaucoup de médias burkinabés (tous les jours pratiquement on a un grand titre sur ses prouesses faut pas exagérer)

    je tiens à vous dire que le fait que ADO soit au pouvoir n’est pas une joie, il y a eu tant de morts, de femmes et d’enfants violentés, par le bon vouloir des deux camps qui ont tués, tués seulement.

    Je peux comprendre que certains burkinabés soient heureux de voir ADO au pouvoir mais n’oubliez pas que 50% de la population a le soutien de LG alors nous devons évité de trop nous mélez des affaires de nos voisins en prenant partis, seuls les ivoiriens savent ce qu’ils veulent

    sachant que chez nous même on est pas sorti de l’auberge on doit d’abord balayer devant chez nous.
    j’ai aimé le "ADO AU POUVOIR EN COTE DIVOIRE ET APRES ?" maintenant vivons notre vie et laissons les ivoiriens essayer de se reconstruire...

  • Le 30 mai 2011 à 13:13, par Karambiri En réponse à : Editorial des Editions Sidwaya : ADO au pouvoir en Côte d’Ivoire, et après ?

    Bien réfléchi !
    je suis entièrement d’accord avec toi. vous venez de mener une réflexion intellectuelle.
    je vis actuellement en Côte d’Ivoire, suite à une affectation de mon employé.
    Au paravent j’ai fait mes études du primaire et du secondaire premier cycle. Je me souviens des tristes moment de la carte de séjour. Des pères de famille séquestrés jusqu’à domicile, humiliés ; souvent passant la journée entière dans les broussailles etc.
    Les Burkinabé doivent prendre cette victoire de ADO avec beaucoup de vigilances, et de ne compter réellement que sur notre propre force et intelligence. certes le Burkina n’est pas favorisé par la nature comme la Côte d’Ivoire, mais nous pouvons nous développer dans la cohésion, la justice et la bonne gouvernance.La bonne Gouvernance supposera l’utilisation rationnelle des ressources comme en Israël.
    Je vis actuellement en Côte d’Ivoire, je suis pessimiste. Car "qui dort sur natte d’autrui, dormira par terre".
    Donc travaillons au développement du Burkina Faso.
    Vive le Burkina Faso ! Ensemble justice progrès !

    Karambiri

  • Le 30 mai 2011 à 13:37, par T.P... En réponse à : Editorial des Editions Sidwaya : ADO au pouvoir en Côte d’Ivoire, et après ?

    L’article du Siècle...

  • Le 30 mai 2011 à 19:34, par kièba En réponse à : Editorial des Editions Sidwaya : ADO au pouvoir en Côte d’Ivoire, et après ?

    Cette vision pyramidale de la responsabilité et du succès dont le journaliste parle, n’est ce pas le résultat de notre éducation scolaire importée du système français ? Je crois qu’on enseigne aux ghanéens d’apprendre à se débrouiller. On gagnerait peut être à les copier !?

  • Le 30 mai 2011 à 21:21 En réponse à : Editorial des Editions Sidwaya : ADO au pouvoir en Côte d’Ivoire, et après ?

    entièrement d’accord avec cet article

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