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GREVE DES ENSEIGNANTS : Les examens scolaires en jeu

Publié le mercredi 25 mai 2011 à 02h28min

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Au Burkina Faso, chaque jour enregistre son lot de mécontents qui expriment à leur façon leur ras-le-bol d’un malaise qui va grandissant. Ainsi en est-il des enseignants du secondaire en grève depuis quelques jours pour exiger des autorités le paiement d’indemnités pourtant reconnues. Toutefois, il leur aura fallu compter cette fois sur le soutien et la sortie dans les rues de Ouagadougou de milliers de leurs élèves. Ceux-ci ont pris d’assaut l’immeuble abritant leur ministère de tutelle, puis les locaux de la primature, ce qui a provoqué l’amorce de pourparlers. Un rituel désormais connu au pays. Certes, de nombreux Burkinabè ont déploré les mutineries répétées avec leurs cortèges de désolations. Ce fut pourtant un vrai déclic, car ayant tiré la société de sa léthargie.

En effet, outre l’amorce du paiement des sommes dues aux soldats, les autorités ont commencé à prêter une oreille attentive aux exigences de la Coalition contre la vie chère. Des mesures d’apaisement du climat social ont été prises : changement de gouvernement, baisse des prix des denrées de première nécessité, etc. Le vent de révolte qui a gagné les casernes ayant porté fruits, des composantes du corps social ont alors emboîté le pas aux mutins. A quelque chose donc malheur est bon : chacun semble avoir trouvé dans la contestation l’avantage de rappeler l’autorité supérieure à son bon souvenir.

Peut-on condamner les frondeurs de vouloir se saisir de l’opportunité ainsi offerte ? Peut-on s’abstenir de reprocher au gouvernement de faire la politique de deux poids deux mesures, à savoir vite céder aux exigences des mutins, et prendre son temps pour examiner les revendications sempiternelles des différentes composantes du corps civil ? Il y a en effet une antériorité des mouvements civils par rapport aux mutineries de la Grande Muette. Et la majorité d’entre eux usent du cadre républicain pour faire entendre des revendications jugées légitimes. Et pourtant, ils ont du mal à obtenir satisfaction. L’Etat devrait s’assumer, après avoir donné la preuve que les ressources sont disponibles lorsqu’on le veut bien. Continuer de tergiverser ne fera que conduire à une cristallisation des frustrations. Or, lors de certaines sorties, des membres du tout nouveau gouvernement tiennent un discours lénifiant.

Non seulement certains propos sont loin de convaincre, mais encore ils irritent et ne rassurent point. Les nouveaux membres du gouvernement doivent sérieusement apprendre à communiquer. Il leur faut savoir user de termes sans équivoque, et adopter un ton qui n’offense pas. Plutôt que d’insister sur l’importance du dialogue, de la concertation, de la paix et de la cohésion sociale, il convient avant tout de chercher à donner satisfaction aux porteurs de revendications : ici les syndicats d’enseignants en grève. L’on peut se féliciter de la promptitude avec laquelle les autorités reçoivent les protestataires. En cela, le Premier ministre Luc Adolphe Tiao, en particulier, a rompu avec la tradition. Le dialogue s’amorce rapidement. Il privilégie l’écoute, et entreprend de chercher des solutions aux problèmes posés.

Nul n’ignore cependant que ses pouvoirs sont limités. De sa part, il y a une évidente bonne volonté. S’agissant des grèves par exemple, l’on semble loin de cette période où le pouvoir et les syndicats se livraient plutôt à une guerre des statistiques. Chacun brandissait les données en sa possession pour confirmer sa victoire sur le camp d’en face. Dans le climat actuel, le gouvernement a intérêt à exhumer au plus vite les dossiers qui fâchent, à dialoguer avec les forces sociales, à établir avec elles un échéancier réaliste afin de trouver des solutions consensuelles aux différents litiges. Face aux enseignants par exemple, il ne faut pas attendre que ça grève, ça rue dans les brancards, ou que ça casse pour appeler au dialogue. Cette manière de faire déconcerte. Il faut savoir tirer des leçons du passé. Mais, il y a comme une incapacité à voir venir les choses et donc à anticiper. Chaque jour, cela devient pesant dans le fonctionnement de l’administration publique. Il faut cesser d’agir en pompiers. La présente équipe gouvernementale a l’excuse d’être jeune. Elle attend d’être bien rodée.

Les ministres prennent à peine connaissance de leur feuille de route, et des labyrinthes de leurs départements respectifs. Pour la plupart, il faut apprendre à traiter les dossiers du Conseil des ministres, tout en faisant face aux cas les plus urgents. Reste aussi à savoir quelles directives sont parvenues de l’échelon supérieur, depuis les premières audiences que le chef de l’Etat a accordées aux diverses composantes de l’armée et aux civils ? Quelles sont, à cet égard, les marges de manœuvre dont disposent vraiment les nouveaux ministres qualifiés de « compétents » dans un gouvernement dit « de combat » ? Depuis des lustres, des dossiers bien connus dorment au fond des tiroirs. Feindre d’en ignorer l’existence, ne fera qu’en rajouter à l’exaspération des Burkinabè. L’opinion attend que les débats de fond remontent en surface et que des réponses appropriées soient trouvées. S’il opte pour la politique de l’autruche, le gouvernement Tiao finira par se brûler les doigts. Il gagnerait à mettre rapidement en place des commissions d’investigation, afin que lumière soit faite sur certains dossiers épineux.

Cela permettra de décourager la poursuite des crimes économiques et de neutraliser des individus notoirement connus comme étant des délinquants à col blanc. Car, tant que certaines forfaitures se poursuivront, et que le sentiment de deux poids deux mesures perdurera, il sera difficile de contrer le vent de révolte qui gagne du terrain au Faso. D’ici là, vu la proximité des examens et concours scolaires, et eu égard au nombre des revendications du monde enseignant, il y a quoi se demander : quel sort réserve-t-on aux examens scolaires de cette année ?

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 25 mai 2011 à 06:42, par isak En réponse à : GREVE DES ENSEIGNANTS : Les examens scolaires en jeu

    ou va tu mon pays ?

  • Le 25 mai 2011 à 08:08, par fantadoux En réponse à : GREVE DES ENSEIGNANTS : Les examens scolaires en jeu

    Même si les revendications des enseignants sont justes, ils n’ont pas à envoyer les élèves manifester et revendiquer pour eux et à leurs places. On se rend bien compte du pouvoir qu’exercent les prof sur les adolescents surtout lorsqu’il s’agit de mettre du désordre ! En attendant, l’année scolaire est définitivement foutue !

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