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Situation nationale : L’inquiétude des Burkinabè de France

Publié le lundi 23 mai 2011 à 18h02min

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En visite à Paris, le ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso a échangé avec ses compatriotes sur la crise qui secoue leur pays. Une crise qui les préoccupe au plus haut point.

« Jamais le Burkina n’a connu une pareille situation de désordre. » Face à la diaspora réunie à l’ambassade du Burkina Faso à Paris, le 14 mai 2011, Djibril Bassolé, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, résume ainsi la crise qui a fait tomber le gouvernement de Tertius Zongo. Amer, Djibril Bassolé rappelle les points forts des événements : la mort suspecte du jeune Justin Zongo, le 20 février à Koudougou (Ouest) ; la mutinerie « brutale » de militaires suivie de « vandalisme et d’exactions », le 22 mars à Ouagadougou, la capitale ; la manifestation pacifique contre la vie chère le 8 avril et, une semaine plus tard, le soulèvement d’éléments de la garde présidentielle…

Dans l’assistance, Karim, élégant trentenaire, blâme le président Blaise Compaoré et son entourage. « S’il avait été rencontrer la famille du défunt [Justin Zongo, ndlr], je pense que ce qui est arrivé ne se serait pas produit. (…) Pour apaiser le problème, il aurait pu voir directement la famille, présenter ses condoléances. Il a sa stratégie, d’accord. Mais je trouve que ses conseillers ne sont pas de bons conseillers », lance-t-il, provoquant une salve de rires. Sur ce dossier, le colonel-major Djibril Bassolé, déjà aux Affaires étrangères en 2007-2008, considère que « peut-être la gestion a fait défaut ».

Le ministre fait allusion à la précipitation des autorités à attribuer la mort de Justin Zongo à une méningite –une version contestée par la famille du disparu :

« Je ne sais pas si ce sont les coups qu’il a reçus à la police qui sont à l’origine de la mort. (…) [Mais] quand quelqu’un est mort, surtout lorsqu’il a été détenu, il faut simplement tout de suite déplorer la mort, annoncer que des enquêtes seront entreprises pour déterminer la cause réelle de la mort et qu’effectivement, si ce sont les conditions de détention qui ont amené la mort, les auteurs seront poursuivis et sanctionnés. »

Conséquences économiques

Afin d’apaiser toutes les tensions, le gouvernement de Luc Adolphe Tiao poursuit les concertations avec la société civile, la classe politique et divers corps de métiers. Le temps presse car, déjà, les effets de la crise se font sentir. La place « du Burkina au sein du [classement, ndlr] Doing Business –en terme de pays à risque, nous sommes classés au niveau de la Syrie, de la Côte d’Ivoire, de la Libye– a fait qu’Air France et quelques bailleurs de fonds ont pris du recul par rapport à notre pays », déplore Omar Yugo, président du Cercle international des décideurs à Paris et régulièrement en affaires au Burkina.

L’entrepreneur, qui a songé à rapatrier sa famille au plus fort des violences, appelle donc le pouvoir à communiquer sur les plans national et international pour sortir le pays des Hommes intègres de cette posture. Car, conclut-il, « au-delà de soigner l’image [du pays, ndlr] pour une pérennité du président Blaise, il y a les intérêts majeurs d’innombrables personnes, de chefs d’entreprise, d’ONG, de partenaires au développement, d’organisations diverses et variées… ».

D’ores et déjà, des « mesures d’urgence » ont été promises. Outre le dédommagement des commerçants attaqués et la traduction en justice des coupables d’exactions, il est aussi question d’une baisse du coût des denrées de grande consommation et d’une augmentation du pouvoir d’achat des travailleurs « même de façon symbolique ». Objectif : « Améliorer les conditions de vie et de travail des Burkinabè à moyen et long terme », indique Djibril Bassolé, 53 ans, fils d’un père infirmier et d’une mère ménagère.

Béret sur la tête et lunettes sur le nez, Didier Ouedraogo aimerait y croire, mais se montre sceptique. « Si monsieur Blaise Compaoré est là depuis vingt-quatre ans et que, aujourd’hui seulement, vous êtes là en train de faire le constat des difficultés que nous vivons, mais il y a malheur ! Excusez-moi, mais ça pose un grave problème de diagnostic ! », lâche le président de la section française du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP).

Ardiouma Sirima, secrétaire général du MBDHP, dresse le même constat, et met en garde le pouvoir :

« Curieusement, les syndicats, les organisations des droits de l’Homme… qui posent leurs revendications aux autorités de façon pacifique depuis des années, ne sont jamais écoutés. Les militaires tirent et ils sont écoutés. Donc attention : si le gouvernement donne l’impression qu’il faut prendre les armes pour être écouté, on va vers d’autres conflits importants. »

La menace d’un scénario à l’ivoirienne

Certains évoquent d’ailleurs la menace d’un scenario à l’ivoirienne, et même à la tunisienne. D’autant que la possible modification de l’article 37 de la Constitution, qui mettrait fin à la limitation des mandats présidentiels, fait toujours parler. Faux débat, tranche Djibril Bassolé. Il en veut pour preuve qu’elle n’est pas le « mobile » des récents événements, même si une marche de l’opposition, le 30 avril, demandait clairement le départ de Blaise Compaoré. Toujours est-il que l’avenir de l’article 37 est en stand by...

« La position du gouvernement est très claire : nous ne pouvons pas, dans le contexte actuel, nous lancer dans un processus de modification de cet article 37. On irait vers une provocation inutile. (…) Il ne serait pas judicieux à ce stade (…) de commencer à penser à qui sera Président après 2015 », a précisé le ministre.

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Vos commentaires

  • Le 24 mai 2011 à 11:47, par Méli En réponse à : Situation nationale : L’inquiétude des Burkinabè de France

    Rectification du titre, il faut plutôt dire : "L’inquiétude des Burkinabè de Paris" car comme d’habitude tout se passe à Paris uniquement et les Burkinabè dans les autres régions de la France sont les oubliés.

    • Le 27 mai 2011 à 13:22, par Poko En réponse à : Situation nationale : L’inquiétude des Burkinabè de France

      Je suis tout à fait d’accord avec ce qui a été dit ; les burkinabè qui résident en province sont oubliés. Nous sommes rarement informés des évènements, et Paris n’est pas la France. On a plutôt l’impression que chacun oeuvre pour sa propre gouverne ; soyons solidaires, car l’union fait la force !
      Il serait judicieux de recenser tous les burkinabè résidant sur le territoire français, de communiquer avec eux éventuellement par mail, de constituer au final un Réseau actif. Ainsi, ceux qui peuvent se déplacer, apporter leur contribution, s’impliquer d’une manière ou d’une autre, auront l’opportunité de le faire. Cela va demander beaucoup de travail, mais Démocratie oblige !
      En ce qui concerne la situation nationale, il ne faudrait pas oublier que l’histoire (coups d’Etat, révolution, rectification) se répète pour ceux qui auraient tendance à l’oublier.
      Il ne faut surtout jamais oublier que quand on est "là-haut", il y a toujours un bas, et un Dieu (notamment pour les faibles et les innocents) au dessus de tous. Chez les Moossé on dit que "quelle que soit la hauteur à laquelle une pierre a été lancée, elle finit toujours par retomber au sol".
      La Terre de nos Ancêtres est sous notre commune responsabilité, et c’est ensemble que nous construirons un Burkina intègre, prospère, et où il fera bon vivre.
      Pour ce faire, EQUITE, JUSTICE et DEMOCRATIE sont et restent incontournables ! Pas de langue de bois, plus de rhétorique ni de mises en scènes : "les actes parlent plus fort que les mots" autrement dit " Dire c’est faire"....et le chantier est titanesque.
      Ainsi Gouverner est loin d’être une simple "promenade de santé, de plaisir ou de vanité". L’oncle Goama en se référant au Code de dignité des caciques d’antan dirait que "Gouverner, c’est comme s’asseoir sur des braises ardentes tout en gardant le sourire". On devrait donc se poser des questions sur tous ceux qui s’y éternisent : sont-ils masochistes, sont -ils les seuls à être compétents, ou se sont-ils réapproprié la notion de gouvernance à leur avantage ?
      L’exemple nous est donné ailleurs et en d’autres temps que ce sont les hommes qui oeuvrent pour le devenir collectif, autrement dit, ce sont les peuples qui écrivent l’histoire de leur pays.Que chacun se réveille, car c’est ensemble, que le pays gagnera le pari de la Démocratie et du mieux-être. La nature a horreur du vide, et à bon entendeur salut !
      PS : c’était ma manière de contribuer après coup à cette réunion à laquelle je n’étais pas conviée. Merci internet !
      Une burkinabè de la province

  • Le 24 mai 2011 à 12:35, par Le Citoyen En réponse à : Situation nationale : L’inquiétude des Burkinabè de France

    Cher ministre, si parler de la révision de l’article 37 aujourd’hui serait une provocation inutile, pourquoi en parler même demain. Quel est le problème de cet article pour qu’on tourne autour du pot. De grâce, dites à Blaise que rien ne sert de construire d’en causer la destruction. Il faut qu’il y ait un après Blaise. Blaise lui-même y a intérêt et les mauvaises langues finirons par le bénir et le regretter.
    Bon vent pour la recherche de la paix, mais sachez que sans alternance, pas de paix ! leçon de l’Histoire qu’aucun être humain ne peut changer dans Etat civilisé. A vos garde Monsieur le diplômate !

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