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SITUATION NATIONALE : Comment sortir du malaise sociopolitique

Publié le lundi 23 mai 2011 à 02h42min

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L’auteur de la réflexion ci-dessous fait une analyse sans complaisance de la situation sociopolitique nationale marquée çà et là par des courants de revendications sur fond de vie chère. Il esquisse une série de propositions qui, à son sens, pourront contribuer à un retour rapide à la normale.

Monsieur le Premier ministre a rencontré les partenaires techniques et financiers (P T F) du Burkina Faso le mardi 10 mai 2011. C’est une très bonne et belle initiative. Cependant, la phrase lancée (Ce n’est pas le moment de nous abandonner, est sujette à caution de mon humble avis, car il eut fallu que le Premier ministre passât en revue les différents rapports antérieurs produits par ces mêmes P T F pour bien comprendre leurs profondes préoccupations qu’ils viennent une fois encore de réitérer. Ils sont très inquiets de l’utilisation qui est faite de l’argent de leurs contribuables. A défaut de changements notables dans la gestion, qu’ils mettent en place des conditionnalités ou dispositions contraignantes pour débloquer les fonds.

Il faut souligner qu’ils ont, eux aussi, soutenu les plans et autres programmes d’ajustements structurels controversés et iniques de la Banque mondiale et du FMI en Afrique qui ont grandement contribué et accentué la pauvreté, alors que, ces institutions sont liées par la charte des Nations unies qui fait obligation de respecter les droits humains.

N’est-on pas en droit de se demander si ces deux institutions n’ont pas violé les droits élémentaires des peuples en imposant des politiques économiques non- réalistes, et insoutenables avec de graves préjudices sur les populations africaines ! Le nouveau vocable est devenu le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. Force est de constater qu’il ne s’agit ni plus ni moins d’un cadre stratégique de lutte contre les pauvres. Cependant d’un point de vue historique, le FMI et la Banque mondiale sont des institutions spécialisées des Nations unies. Malheureusement, elles ne respectent pas les droits humains alors qu’elles ont l’obligation pour créer les conditions pour la pleine jouissance de ces droits en terme de respect, protection et promotion de ces droits.

Nous constatons que ces institutions ont dangereusement contribué à la déstructuration des économies africaines pour des raisons encore inavouées, cependant calculées pour maintenir nos pays dans la dépendance. Les secteurs sociaux de base sont les plus durement touchés par ces politiques iniques. Le constat est sans appel : un échec cuisant et cinglant de ces deux institutions. Aucune des politiques préconisées par le FMI et la Banque mondiale en Afrique n’a permis une quelconque émergence à nos jours. L’Afrique reste toujours exploitée considérablement par l’Occident. C’est pourquoi, nous devons réduire la dépendance à l’égard des aides, diversifier et accroître les compétitivités en économie. Les politiques actuelles de la Banque mondiale et du FMI, consistent à rendre encore plus dépendant nos pays. C’est pourquoi il faut réagir : La logique de rendre les riches encore plus riches et appauvrir davantage les pauvres. Aujourd’hui on parle d’appuis budgétaires non affectés de façon précise, ouvrant ainsi toutes les portes et voies possibles et inimaginables d’accès aux marchés de gré à gré de l’Etat à coup de milliards et de milliards dont les bénéficiaires, les mêmes et toujours les mêmes, sont connus d’avance au détriment du peuple et en parfaite violation des procédures de gestions appropriées dignes d’Etats véritablement démocratiques. Le malaise est très profond aujourd’hui plus que jamais et le pire est à craindre si on continue de laisser le temps au temps et de louvoyer et toujours contourner et déplacer les problèmes. Les revendications sont démocratiques et très nombreuses à satisfaire. Il faut arrêter les festivités et :

Reconstruire les édifices saccagés dans tout le pays ; dédommager les victimes des saccages ; contenir la flambée des prix des produits de grandes consommation ; régulariser les avancements des fonctionnaires avec incidences financières depuis au moins 5 ans ; zouter du riz aux soldats ; relever le pré franc des soldats ; liquider la dette intérieure ; faire face aux règlements des engagements extérieurs ; faire face aux multiples revendications sociales des scolaires et étudiants ; et syndicats ; corriger les pensions CARFO et CNSS ; etc. tout cela sur quelles ressources financières ? Tenir compte que d’année en année les revendications iront crescendo. Il faut convenir et poser de façon rigoureuse et sérieuse tous les diagnostiques possibles afin de ramener la sérénité souhaitée au niveau de la bonne gouvernance. C’est pourquoi, il me paraît urgent de demander aux P T F leurs concours pour réduire la fracture sociale, les inégalités, lutter efficacement contre la corruption et l’impunité, une justice, la même pour tous. Il faut restaurer l’autorité de l’Etat. Pour le faire, il conviendrait que tout le monde en termes de droit soit soumis aux mêmes devoirs et obligations.

Il existe abondamment des textes régissant pratiquement tous les domaines. Il convient de les faire appliquer convenablement à tous et par tous. L’impunité est à la base de nos problèmes. Nous avons les solutions. Appliquons-les. Assainir de façon générale toute l’Administration publique mais surtout les finances publiques avec réédition de tous les comptes publics ou un audit général véritablement indépendant (institutions, ministères, directions générales et autres), inclure un contrôle citoyen dans la gestion de la chose publique. Peut-être une des possibilités pour lever les interrogations et rassurer les P T F de l’engagement véritable du Faso à rompre avec les habitudes et attitudes protectionnistes, de patrimonialisation du pouvoir des passes droits et autres clans de la concolta, la camorra, et autres mafieux. Que tous ceux qui sont redevables à l’Etat s’engagent à payer. Ces graves maux : injustice, impunité sont, entre autres, les sources de contestations et d’oppositions violentes actuelles au régime du président Compaoré traité de Compaorose et de Compaoré Démocratique Parti.

Réduire de façon drastique le train de vie de l’Etat (acquisitions injustifiées et sans véritables intérêts de véhicules rutilants pour certains fonctionnaires qui ne génèrent aucune ressource financière au profit de l’Etat). Limiter les mises à disposition de tickets d’essences et autres Tomcards. Recentrer objectivement et efficacement le Parc auto de l’Etat. Mettre en mouvement tous les rapports d’inspections (techniques ou d’Etat) et sanctionner les auteurs de détournements et autres fautes graves de gestion et faire le point, exact des dossiers de l’ex-BRCB créances compromises des établissements financiers, banques et autres rachetées par la CNSS sur les cotisations des travailleurs. Diktats de la Banque mondiale sous prétexte d’assainir les comptes financiers de l’Etat en son temps (confer J.O du 10 août 1992). Revoir la procédure de nomination des DAAF dans les départements ministériels et autres institutions. Les DAAF doivent être nommés par le ministre des Finances et devraient être des Financiers (inspecteurs des finances, du trésor, administrateurs des services financiers). L’inspection générale des finances devra régulièrement effectuer des suivis et des contrôles fréquents. Envisager de relever ou mettre fin aux fonctions de tous les fonctionnaires (directeurs de services, directeurs généraux) qui ont cinq ans et plus, et donner aussi la chance aux autres fonctionnaires d’apporter leurs compétences.

La nomination des préfets, hauts-commissaires, gouverneurs (fonctionnaires de l’administration générale : secrétaires administratifs, adjoints administratifs, administrateurs civils sont ceux-là qui sont formés pour occuper ces postes).

Permettre l’alternance à tous les niveaux : le cadre le plus ancien dans le grade le plus élevé doit et pourra aussi prétendre à un poste de responsabilité. Pour des questions d’efficacité, des critères objectifs pourraient être élaborés à compétences égales. Il y a trop de situations d’inégalités et de frustrations des fonctionnaires. Le fameux Fonds commun pose véritablement problème car les critères et autres modalités d’affectations ou de distributions de ces sommes récoltées sont floues. Il faut se rappeler les derniers sit-in des agents des finances à ce sujet. Aujourd’hui, la police nationale comme municipale pose son problème à propos des contraventions et services payés pour lesquels il faut leur reverser quelque chose. Demain ce sera le tour des gendarmes pour ces mêmes contraventions et les magistrats pour les condamnations et autres scellés pour le trésor public. Il faut mettre de l’ordre dans tout cela, autrement le pire viendra. Par contre, je m’interpelle et me pose la question de savoir quel est le fonctionnaire qui ne contribue pas au développement du pays ? Pour être juste envers tous, il conviendrait de supprimer purement et simplement ces Fonds communs et reverser les produits dans un compte spécial qui servirait à des actions visibles de développement avec toute la transparence requise car le pays souffre d’injustice, de mensonges, de duperies, de la corruption à outrance et de l’impunité avérée. Le débat peut être ouvert à ce sujet pour savoir à quoi ces fonds pourraient bien servir.

Dans un Etat de droit, la justice reste le dernier rempart car sans justice rien n’est possible ni réalisable ; alors il y a une impérieuse nécessité à réhabiliter très rapidement cette institution qui reste le dernier recours quoique l’on fasse.

Au plan politique

Le président Compaoré est sans doute à son dernier mandat. Il aura été à la tête de l’Etat depuis 28 ans. 1987 à 2015 avec quatre ans d’Etat d’exception ; deux septennats et deux quinquennats. C’est un privilège et un très long règne pour une démocratie. Il faut amorcer l’alternance pour sauvegarder la démocratie en péril par ces diverses contestations et révoltes, qui, sans aucun doute, s’accentueront au fil des temps, si des dispositions idoines ne sont pas envisagées une fois pour toute de maintenir la limitation des mandats à 2 s’appliquant au présent mandat. Prendre le risque d’aller au-delà, c’est délibérément vouloir installer une monarchie traditionnelle au Burkina avec des conséquences très lourdes et incalculables pour la cohésion sociale dans notre pays, qui, malgré tout, n’a jamais connu ce genre de situation. Ce serait une initiative redoutable. Grosso modo, en 28 ans ; 2/3 d’assez bonnes choses et 1/3 de pas bons et même mauvais. Il conviendrait d’accompagner objectivement le président Compaoré, le rassurer et lui offrir la garantie pour au moins ce qu’il est et aura été pour notre pays, afin qu’il règle ou prenne les dispositions pour mettre sur les rails tous les dossiers pendants et autres sujets qui fâchent, y compris les crimes économiques et de sang, le dossier Norbert Zongo et autres privatisations. Pour cela une piste ou schéma comme celui-ci peut être exploré.

Réactiver ou réactualiser le collège des sages qui prendra en compte toutes les composantes pour des réformes politiques et institutionnelles apaisées, consensuelles, et où tout le peuple se reconnaîtra pour une véritable transition inédite. Le chef de l’Etat devra prendre l’engagement d’appliquer intégralement les conclusions de ce rapport pour une transition qui se sera débarrassée de toutes les haines, rancœurs et autres esprits de vengeance ou règlements de comptes. Créer un collège de magistrats pétris d’expériences et au-dessus de tout soupçon qui se chargera de traiter tous les dossiers de crimes économiques et de sang, y compris ceux des privatisations de nos structures et autres sociétés écrans qui en sont issues, qui, du reste sont des dossiers qui restent imprescriptibles. Les conclusions seront remises au collège des sages qui les intégrera dans son rapport général. Les dossiers devant connaître des suites judiciaires seront transmis à la Justice. A l’attention de tous militants, hommes de média, et citoyens burkinabè, le droit à l’information est un droit humain, le Pacte de 1966 dispose ce qui suit :

Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce sans considération de frontière, sous une forme orale, écrite, imprimée (article19). De son côté la commission des droits de l’Homme a récemment souligné que l’exercice de la démocratie englobe : a) La transparence dans la gestion des affaires publiques et de l’administration dans tous les secteurs de la société et l’obligation de rendre des comptes ; b) Une véritable participation de la société civile. L’accès à l’information est un droit qui peut être considéré comme fondamentale en ce qui concerne les actes gouvernementaux et particulièrement lorsque le gouvernement contracte des emprunts publics qui engagent les ressources de l’Etat. Il est à noter que sur le plan juridique international, ce droit a été reconnu par la quasi-totalité des Etats qui ont ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 à l’exception notable des Etats-Unis qui plus de 30 ans après l’avoir signé refusent encore obstinément de le ratifier. Le but de ce droit est que les citoyens aient accès aux documents ou aux informations qui se trouvent dans les mains des pouvoirs publics.

Ce droit implique comme corollaire que les fonctionnaires et les entités étatiques ont l’obligation de faciliter la mise en œuvre de ce libre exercice. En ce qui concerne le champ d’application de la disposition du Pacte de 1966, il est très large. L’étendue dudit article peut être interprétée comme englobant le droit de chaque citoyen de rechercher, demander et obtenir les informations qui se réfèrent aux lois, décrets, actes administratifs, résolutions et règlements, budgets et bilans, mémorandums, comptes rendus, déclarations des biens des fonctionnaires et des autorités de l’Etat et en général tout type de documents qui se trouvent en possession de l’entité publique requise et sous son contrôle. La démocratie et le contrôle démocratique des actes du gouvernement impliquent sans aucun doute pour les citoyens, le droit de savoir et de participer. Mamadou Ben TRAORE Membre Fondateur MBDHP Militant des droits de l’Homme

Le Pays

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