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EGYPTE : L’acte de contrition intéressé de Moubarak

Publié le jeudi 19 mai 2011 à 00h47min

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Pour recouvrer sa liberté après sa mise en détention préventive pour corruption, l’ex-première dame égyptienne, Suzanne Moubarak, n’a pas hésité à se délester d’une bonne partie de sa fortune au profit du peuple. Conséquence de cette générosité aussi subite qu’inattendue : elle a été remise en liberté le 17 mai dernier. Un ouf de soulagement pour celle qui ne veut pas entendre parler de prison, même dorée. Hosni Moubarak, qui a, comme son épouse, piqué une crise cardiaque lors de son premier rendez-vous avec le juge d’instruction, veut aussi voir l’étau judiciaire se desserrer momentanément autour de lui. Il semble avoir décidé d’imiter tout simplement son épouse. En effet, on prête à l’ex-raïs l’intention de rétrocéder sa fortune au peuple.

Mieux, il serait même prêt à présenter ses excuses aux Egyptiens pour les torts qu’il leur a causés pendant son long règne. En retour, il compte bénéficier d’une grâce qui l’absoudrait de tout ce qui lui est reproché et, du même coup, lui éviterait l’humiliation à travers un procès. Mais l’ébruitement de ce projet d’acte de contrition a fait bondir certains Egyptiens. Pour beaucoup, Moubarak, sa femme, ses enfants et bon nombre de ses proches, doivent tout simplement rendre compte. Si ce n’est pas le cas, la révolution aura été inutile. Certes, elle a permis de se débarrasser d’un dictateur, mais elle n’a pu , pour l’instant, lui demander des comptes. Aussi, tous ceux qui sont morts pour la révolution l’auront été pour rien si le plus grand responsable de leur mort est tout simplement absous de ses crimes.

Visiblement, le raïs déchu aura du mal à acheter sa grâce à travers un legs de sa fortune et une demande de pardon. L’acte de contrition est donc décrié avant même d’être posé. Il faudra qu’il réponde d’abord de sa gestion et de ses actes devant la justice. Par la suite, les Egyptiens verront s’il y a lieu de lui accorder le pardon ou pas. « Pardon peut-être, mais justice d’abord », tel semble être le refrain sur les bords du Nil. Et c’est au grand dam de l’ex-homme fort du Caire qui croyait ainsi bénéficier de circonstances atténuantes et, pourquoi pas, d’une impunité. On lui a fait comprendre de la plus belle manière, que présenter des excuses, demander pardon, n’est pas synonyme d’impunité. L’acceptation ou le rejet des excuses ou du pardon revient en dernier ressort à la victime qui peut s’y résoudre après que justice a été rendue.

Certes, sous d’autres cieux, il est arrivé que des victimes pardonnent sans qu’il y ait eu justice. Et cela au nom de la réconciliation nationale qui est souvent nécessaire pour des pays qui ont connu de profondes crises sociopolitiques. Mais on n’est pas tout à fait dans cette situation en Egypte et il est donc difficile pour Moubarak de demander pardon pour éviter de ne pas avoir affaire à la justice de son pays. Cela n’émeut pas la majorité des Egyptiens pas plus que son patriotisme qui a consisté au refus de s’exiler et à partir du pouvoir pour limiter le nombre de morts. La soif de justice est bien réelle. Toutefois, il faut reconnaître du mérite à l’ancien président pour la démarche qui lui est prêtée. En effet, il n’est pas donné à tous les anciens dignitaires d’avoir l’humilité et le courage de demander pardon pour ce qu’ils ont fait au cours de leur règne. Il y en a qui se prennent pour des personnes infaillibles au point d’être persuadées que tout ce qu’elles font est bien. Or, gouverner, diriger, régner c’est poser des actes au quotidien, au cours desquels des erreurs sont forcément commises. Saint Juste n’a-t-il pas dit à juste titre que "nul ne gouverne innocemment" ?

Séni DABO

Le Pays

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