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PASSORE : "Mettre de l’eau dans leur vin et se donner la main"

Publié le mercredi 18 mai 2011 à 02h21min

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Dans cette analyse, l’auteur fait l’état des lieux de la crise qui a secoué la province du Passoré en revenant sur la fameuse liste noire. Il invite les responsables du CDP et les autres parties à privilégier le dialogue.

En 1998, l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de ses trois compagnons avait plongé le Burkina Faso dans une crise sociopolitique sans précédent. A l’époque, les filles et les fils du Passoré, épris de valeurs de justice et très attachés au caractère sacré de la vie humaine, s’étaient prononcés dans la rue, la seule voie pour se faire entendre aux pays des Hommes intègres contre la tyrannie et l’impunité. Nous nous rappelons comme si c’était hier les méthodes employées pour dénouer la crise à Yako. En lieu et place de la concertation et du dialogue, les tout-puissants politiciens miliciens de la ville ont pris le bâton pour se faire entendre ; c’est l’histoire des gourdins Yako’99.

La répression a été dure, si dure qu’elle a laissé des séquelles indélébiles dans le tissu social. Elle n’a apporté que la consternation, la désolation, la haine et les rancunes entre les fils et les filles d’une même province. Dans cet épisode de bastonnade, la branche armée du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès) était pointée du doigt. En 99, pour les personnes très attachées à la dignité humaine et au droit à la vie, il était difficile de cautionner et d’accepter les comportements barbares des responsables de la cité recrutés au sein du CDP. Cette situation était plus ou moins compréhensible, car en huit (8) ans de démocratie constitutionnelle, il était difficile pour des autorités politiques révolutionnaires de naissance et de formation de se comporter comme des démocrates avertis ; d’autant plus qu’à l’époque, devant c’était du ‘’maïs’’.

Les électeurs faisaient figure de bétail électoral, le nombre de voix était proportionnel au nombre de tee-shirts et de plats de riz gras. Aujourd’hui, en plus du pain, le peuple a besoin aussi de liberté. De 1999 à 2011 curieusement, la cité de Yako est toujours dirigée par des politiciens qui nous convainquent qu’ils sont plus des CDR (Comité de défense de la révolution) que des démocrates, même en gestation.

Affaire Justin Zongo, la compétition des projectiles et des bâtons Yako’ 2011

Les manifestations des scolaires de Yako consécutives aux événements de Koudougou ont emporté sur leur passage quelques vitres du Palais de justice, le commissariat central de Police, le Secrétariat de la député Fatou Diendéré et celui de l’ALCV (Association de lutte contre les violences). Le tournant décisif des manifestations s’est déroulé le 11 avril 2011. En effet, très tôt le matin, les élèves avaient tenu un sit-in à la sortie de la ville vers l’église protestante à l’issue duquel décision avait été prise d’aller retirer une liste noire qui serait détenue par les locataires du Secrétariat de la député qui fait office de siège du CDP.

La vingtaine d’élèves chargés de récupérer la liste sera accueillie par des militants majoritairement du troisième âge visiblement résolus pour convaincre leurs enfants par le bâton. Qui aurait commandité cette ligne de front ? La question reste posée, mais les commentaires vont bon train dans le Passoré. La réaction des manifestants a été fatale au Secrétariat de la député, au siège de l’ALCV et d’autres biens. Mais heureusement, on ne déplore pas des pertes en vies humaines mais des blessés. C’est la compétition des projectiles et des bâtons Yako’ 2011. Je rappelle aux CDpistes incriminés et aux commanditaires de la répression du 11 avril 2011 que l’encasernement des policiers décidé par le gouvernement était d’éviter les affrontements, sources d’intensification de la violence.

La ville de Yako compte au moins 6 000 élèves. Combien de miliciens armés allez-vous recruter pour contrer cet effectif ? Difficile de vous comprendre à moins de considérer que vous avez des idées inadaptées et il vous revient de faire votre propre lecture de l’efficacité d’une telle entreprise après le 11 avril 2011. Vos comportements se succèdent et se ressemblent dans une société en évolution et imprégnée des valeurs de liberté. Qu’avez-vous apporté pour contenir ou résoudre la crise ? A en croire les manifestants à travers leurs revendications, vos trouvailles sont les suivantes : arrêter une liste noire des meneurs, les menacer par coups de téléphone ou à domicile, recruter une milice pour les attaquer et chercher parallèlement des boucs émissaires. Voilà ce que votre réflexion vous a apporté comme solution.

La polémique sur cette liste menace quotidiennement la quiétude à Yako, car les manifestants soutiennent sa présence et demandent des comptes. Pourquoi une liste noire si nous considérons qu’elle existe ? L’assassinat de Justin L. Zongo a-t-il été planifié par le CDP ? Autrement dit, est-ce un crime politique ? Les CDpites de Yako se sentent–ils interpellés à travers les revendications des scolaires ?

"Vous vous trompez d’époque"

Pourquoi la responsabilité est revenue au groupuscule des militants du CDP de menacer les manifestants par coups de téléphone et des déplacements dans leurs familles respectives ? Voudrait-on faire croire encore aux Yakolais que vous avez droit de vie et de mort sur la population, que vous décidez du destin de chaque Yakolais. Si telle est votre logique, vous vous trompez d’époque car c’est peine perdue. Face à ces comportements incompréhensibles, deux inquiétudes se dégagent : l’intimidation des manifestants est-elle organisée par un groupe isolé de la famille CDP/ Yako ou une décision consensuelle ? Le premier cas serait le mieux partagé au sein de l’opinion publique locale. Ce qui est sûr, c’est tout le parti qui en pâtit. A Yako, la résolution de la crise était simple.

D’abord, à défaut d’observer, les tout-puissants CDpistes avaient le choix de rejoindre le comité de crise pour réfléchir à une sortie de crise honorable pour la province, une occasion pour montrer à l’opinion publique que la violence n’est pas la chose la mieux partagée au Passoré. Ensuite, les valeurs qu’il faudrait posséder pour accéder au cercle de dialogue sont : avoir une forte capacité d’écoute, des propos d’apaisement, la courtoisie et être capable de faire des propositions concrètes. Enfin, à l’issue des rencontres, les manifestants devront se sentir en sécurité. Nonobstant les manquements et les écarts de conduite observés de part et d’autre, je reste optimiste que Yako dispose toujours de potentialités pour résoudre intelligemment cette crise. Pour l’occasion, j’invite toutes les parties concernées à mettre de l’eau dans leur vin et se donner la main, car la violence pose plus de problèmes qu’elle n’en résout.

Soumaïla ZIDA Etudiant en 4e année de Géographie à l’université de Ouagadougou. email : zsomaila@yahoo.fr

Le Pays

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