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An 2 de la crise ivoirienne : Escale forcée à Tafiré

Publié le mercredi 29 septembre 2004 à 06h38min

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Après Bouaké hier, nous parlons aujourd’hui de notre voyage jusqu’à Ferké. Bien que les festivités des deux ans du déclenchement de la rébellion en Côte d’Ivoire aient été prévues pour se dérouler à Bouna (600 km de Bouaké), nous n’avions aucune excuse pour rater ce pour quoi nous avions quitté Ouagadougou le 16 septembre 2004. A bord d’un car, nous voilà donc partis pour une redoutable traversée.

Bouaké est timidement animée cet après-midi du 17 septembre. C’est dans une voiture du consulat du Burkina, que nous sommes conduits à la gare routière. Des cars positionnés en direction du levant attendaient d’éventuels passagers. Nous ne tardons pas à trouver une occasion en partance, selon le chauffeur, pour Ferké, où un car relais devait nous conduire vers Bouna. Nos tickets de voyage en poche, nous voici dans le tacot où nous avaient devancés d’autres voyageurs. Toujours de l’avis de son propriétaire, le véhicule ne tardera pas à s’ébranler.

C’est plutôt nous qui ne tardons pas à déchanter. L’attente, pure perte de temps, allait ajouter à notre fatigue et à notre énervement. Tout autour du car, des jeunes, pour la plupart dans un état second, importunaient constamment les passagers.

Lorsque notre transporteur se décide enfin à prendre le départ, c’est pour nous asperger d’une eau sale et nauséabonde. Une dame, notre voisine dans le car, qui crachait à tout bout de champs, avait fait attacher du poisson frais en haut du véhicule, et c’est l’eau de ce poisson, que nous avons reçue en plein visage lorsque le car a bougé. Faux départ ! Il faut arranger la marchandise avant de repartir.

Encore une quinzaine de minutes de perdu. Nouveau départ, nouvel arrêt un peu plus loin pour embarquer d’autres clients. Dernier arrêt avant de prendre véritablement la route, la halte centrale à la sortie de la ville, où tous ceux qui rentrent ou sortent de Bouaké doivent montrer patte blanche, lâcher une pièce aux volontaires des Forces nouvelles, avant de « gagner la route ».

Ce scénario se répète aux multiples postes de contrôle le long du trajet, ce qui ne manque pas d’exaspérer les uns et les autres. Nous, pour notre part, refusions de jouer le jeu, préférant descendre à chaque fois pour présenter notre ordre de mission et notre sauf-conduit, obtenu au quartier général à Bouaké.

Le car allait à Sikasso

La nuit est tombée et notre « woro woro » roule toujours comme il peut vers sa destination. Les escales aux postes de contrôle se succèdent. Dans l’autobus, les discussions ont progressivement cessé.

Les uns sont serrés contre les autres. L’air est moite, quelques-uns dorment déjà. Quand nous embarquions à Bouaké, le convoyeur nous avait bel et bien donné sa destination finale : Ferké. C’est forts de cela que nous avons pris place dans sa patache, et accepté de souffrir le calvaire, l’essentiel pour nous étant d’arriver à Ferké.

Mais c’était sans compter avec la roublardise dont font souvent preuve les transporteurs, prêts à tout pour faire le plein de passagers. Le car allait plutôt à Sikasso, mais notre homme n’a pas daigné, dès Bouaké, nous en piper mot. Nous le saurons seulement une fois à la bifurcation en direction du Mali. Là, il nous confie à un de ses confrères transporteur.

Prendre son mal en patience

Le parcours a continué, presque toujours dans les mêmes conditions jusqu’à Tafiré, une ville moyenne. Après le contrôle d’usage, le car stationne à la gare. Qu’est-ce qui se passe ? Nous n’irons pas plus loin. Il est 20h passée et plus aucun véhicule ne doit rouler avant le lever du jour. Nous passons donc la nuit à Tafiré. La ville était presque vide. Devant quelques cours et dans les maquis, des groupes disparates devisaient.

Eh bien, puisqu’il faut passer la nuit à Tafiré, nous n’avons plus qu’un seul souci : trouver un coin où dormir. Non loin de là, un motel. L’unique apparemment dans toute la zone. Il est en partie envahi par de hautes herbes. A l’intérieur, rien d’exceptionnel, mais nous n’avons pas le choix. Nous aménageons dans nos chambres, et après un bon bain, la fatigue faisant, nous prenons rendez-vous avec le sommeil.

Les lieux hébergeaient d’autres locataires dont des rebelles. Notre sommeil a été perturbé par une soirée culturelle qui se tenait à quelques mètres de là. Il l’a été davantage tard la nuit, lorsqu’une fille, qui a eu maille à partir avec son amant, s’est crue en droit de réveiller tout le motel par ses vociférations.

Tôt le matin, nous rejoignons notre car, mais pas pour partir tout de suite. Les Forces de l’ordre, qui ont été de faction toute la nuit à la gare routière, exigeaient leur « petit déjeuner » de chaque conducteur de car. Cette redevance acquittée, nous prenons enfin la route de Ferké, où nous arriverons à 7 h 30. Nous en reparlerons demain.

D. Evariste Ouédraogo San Evariste Barro
L’Observateur

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