Le président ADO est à Ouagadougou. Nombreux sont ses inconditionnels qui peuvent mourir désormais en paix.

Ni la canicule ni la date, lundi, jour ouvrable donc, n’auront entamé la mobilisation des inconditionnels du nouveau président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara. Femmes, jeunes, étudiants, fonctionnaires et petits commerçants ont tenu à vivre « l’événement ».

Rassemblés en associations, chacun y est allé de sa dévotion : « ADO, la solution », « ADO, le sauveur », « ADO, l’homme de la paix », « ADO, l’apôtre de la paix » … Autant de formules qui barraient les larges banderoles des comités de soutien, parmi lesquels « les tanties et les sœurs d’ADO ».

« On veut le voir de près », dit à s’époumoner un jeune homme, à qui la sécurité vient d’interdire l’accès à la petite porte qui donne sur le tarmac. Mais il en faut plus pour émousser sa dévotion. Comme pris de transe, le voilà qui esquisse des pas de danse, les bras levés, sous les cris de ses camarades : « On est bôrô d’ADO » (1).

Plus loin, un groupe de « diaspo » fait un show bien particulier. L’écume aux lèvres, entouré de ses compagnons, un homme chante en tournant en dérision l’ancien chef de l’Etat, Laurent Gbagbo. Morceaux choisis :

 « On dit résultats, Damana Picasse a déchiré papiers ho ho ho ! »
 « Gwangwan dans gwangwan, Gbagbo est allé s’enterrer dans bunker ho ho ho ! »
 « On a envoyé souris de Ouaga qui ont dit qu’il est au 3e sous-sol ho ho ho ! »
 « Blaise a dit que c’est petit affaire, s’il veut il n’a qu’à se cacher dans puits ho ho ho ! »
 « Ils ont pris Gbagbo en débardeur, sa femme est devenue coco taillé ho ho ho ! »

Costume gris, cravate courte, casquette estampillée « ADO Boys », le président du comité d’action pour la paix avec Alassane Dramane Ouattara (CAPADO), Tasséré Batoro, est très affairé. Consignes par-ci, instructions par-là, il ne ménage aucun effort pour réserver un accueil « exceptionnel » à son idole, auquel il compte décerner une lettre de félicitation.

Encore faut-il qu’il puisse le rencontrer : « Même si je ne parviens à la lui remettre, j’espère pouvoir me rendre à son investiture le 21 mai à Yamoussoukro. L’essentiel, c’est qu’ADO ait pu récupérer son fauteuil ». Mais cette « journée de grande joie » a tout de même été teintée d’amertume.

Accompagné de l’ancien président de la section burkinabè du Rassemblement des houphouëtistes pour le développement et le progrès (RHDP), Parfait Sapo, le président du CAPADO, n’a pu avoir accès à la salle VIP. « C’était prévu que je serai dans le salon d’honneur, ensuite, on m’a dit d’aller m’arrêter derrière la banderole afin que le président puisse mieux me voir. Il y a des problèmes au niveau de l’organisation ».

Selon des sources proches de certains comités de soutien à ADO, la mobilisation, même jugée satisfaisante, reste en deçà des attentes. L’une des explications à cela :

« Il y a une sorte de rivalité entre le RHDP et l’URECIB (NDLR : l’Union des ressortissants de la Côte d’Ivoire au Burkina Faso). A cela s’ajoute l’intrusion du député Mahamady Kouanda qui s’est fait présenter à l’ambassadeur ivoirien comme étant le premier soutien à la candidature de Ouattara au Burkina », nous a confié un ADOlâtre qui a souhaité garder l’anonymat.

Lorsque les deux chefs d’Etat font leur apparition sur le perron du salon d’honneur, la multitude exulte. Alors que l’on s’attendait à ce que le président du Faso et son hôte de marque s’engouffrent dans leurs rutilantes Mercedes noires, ils ne résistent guère à l’envie de goûter au plaisir du bain de foule. Délire dans les rangs. « ADO ! », « Blaiso ! ».

Une « tantie » se pâme littéralement : « Je vous aime ». Les uns font des images à partir des téléphones portables, les autres tendent les bras, espérant une poignée de main de « l’apôtre de la paix ». En vain.

La foule continue de presser. La sécurité repousse. Des vestes s’envolent, des appareils d’enregistrement tombent. Confusion totale. Des pickpockets s’en donnent à cœur joie. « Mon bedou (2). On a volé mon bedou ».

(1) On est fans d’ADO, en argo ivoirien (2) Porte-monnaie dans le jargon jeunes

Alain Saint Robespierre

L’Observateur Paalga