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Opposition burkinabé : le requiem des hyènes

Publié le mardi 10 mai 2011 à 01h45min

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D’un côté une trentaine de partis déclarés au chef de file de l’opposition, Me Bénéwendé Stanislas Sankara. De l’autre, un groupe d’opposants se réclamant des artisans de la refondation rangés autour de Me Hermann Yaméogo. Au milieu, un singleton, l’ADF/RDA, emmené par Me Gilbert Noël Ouédraogo, partisan de la soupe et estimant cette stratégie comme la meilleure pour conquérir le pouvoir d’Etat. Un tel scénario augure un flou dans le rôle politique que devraient jouer exactement les adversaires au régime de Blaise Compaoré en ces temps de crise sociale aigüe. Les audiences séparées accordées par le Premier ministre, Beyon Luc Adolphe Tiao à ces trois « ténors » à la robe noire, a semé le trouble dans l’opinion.

Désormais, les opposants burkinabè se distinguent par la catégorie des « véhéments » (radicale plaisantine), la race des « cache-cache » (équilibristes) et l’équipe des « chauves-souris » (profiteurs à tout moment). Malgré ses trois têtes, l’opposition burkinabé s’illustre par une querelle et une rancune qui inhibent toutes synergies et unités d’actions au lieu d’être une hydre forte et régénérant.
Avec la bénédiction des manifestations suscitées par les élèves et les militaires, des hommes et des femmes aux aguets pour « chiper » le pouvoir de Blaise Compaoré se sont donnés du boulot ou, du moins, ont été projetés devant le feu de la rampe. Incapable d’user d’un langage politique responsable pour apaiser la situation, ils se sont mis à en profiter de la mauvaise manière.

Si les sorties tonitruantes sont de bonnes guerres dans ce jeu politique dans lequel le parti majoritaire, le CDP et ses soutiens satellitaires, la mouvance présidentielle, règnent en maître, l’opposition burkinabé pèche par son discours peu convaincant, inconstant et parfois aux antipodes de la cohésion nationale. Le fiasco observé de ce que se voulait le grand meeting du samedi 30 avril et l’entrée en matière fracassante du camp de Hermann Yaméogo illustrent encore une fois, l’incapacité des postulants au fauteuil présidentiel à s’accorder sur le minimum pour persuader l’ensemble des Burkinabé qu’ils sont capables de tenir les rênes du pouvoir quand sonnera inéluctablement le vent du changement à la tête de l’Etat.

Comme en 1991 au moment de l’ouverture au multipartisme, en 2000 avec l’expérience du gouvernement d’ouverture nationale, en 2011 au temps de la plus grave crise sociopolitique, les opposants n’ont pas su saisir sa chance pour se crédibiliser, un tant soit peu, auprès de leurs compatriotes las de la chose politique qui leur mène en rond et alourdit leur fardeau.

De « petits loups aux dents longues » et de « vieux singes aux grimaces apprivoisés » se disputent dans le même camp et s’infantilisent à chaque fois qu’ils ont cru le régime trébucher. Au lieu de proposer une alternative qui entrainerait une adhésion unanime à leur cause, ils se bornent à des querelles inutiles qui finissent par les ridiculiser. Les micro-comportements et le lyrisme amphibien ont fini par mettre les Burkinabé devant le fait accompli : « Nous reconnaissons que le régime actuel n’est pas le meilleur que nous aurions souhaité pour notre pays mais qui parmi les opposants peut sincèrement remplacer Blaise Compaoré aujourd’hui et gouverner mieux que lui. D’un côté comme de l’autre, la classe politique actuelle s’est fourvoyée et personne n’a confiance en elle. A défaut de trouver mieux, on préfère l’ancien pour éviter un saut périlleux dans l’inconnu avec des opposants inconséquents ».

L’opposition a toujours manqué le bon coaching et raté fréquemment le virage des débats louables pour lesquels il est attendu des suggestions pertinentes aux préoccupations nationales. Son infertilité intellectuelle et morale à y parvenir conduisent le peuple à en avoir marre. Les rendez-vous manqués avec l’histoire et avec la démocratie sont devenus ses traits caractéristiques. Elle s’est muée en un panier à crabes si bien que la majorité se moque quand celle-ci s’aventure à donner des leçons : « On se connaît tous dans ce pays-là ». Voilà un aveu populaire qui laisse penser que l’arène politique au Burkina Faso est un cirque où tous les politiciens sont les acteurs d’une même comédie. Même pipe, même tabac : « Béliers se cognant la tête le jour, caïmans se partageant les poissons d’un même marigot la nuit venue ».

Le souci de la bonne marche de la nation importe peu. Le ventre d’abord, le peuple ensuite. La démission subite de Ousséni Tamboura de l’ADF/RDA dont les vrais mobiles sont à rechercher dans sa non-conduction par le parti de l’Eléphant dans le « gouvernement Tiao I » pose le problème du militantisme véritable et de la foi en un idéal. Le suivisme avec la ferme intention de glaner des postes aiguise le papillonnage dans lequel de nombreux acteurs politiques se vautrent. Cette attitude a atteint son paroxysme agaçant. Dans leur ensemble, les Burkinabé ont tout compris et pris la résolution de refuser de se laisser mener en bateau. Matures politiques depuis la nuit des temps, ils entendent s’armer de courage pour dicter sa loi de peuple souverain.

Le fait de prendre à chaque fois leurs concitoyens et leurs concitoyennes pour des « nez percés », les opposants burkinabè ont poussé le peuple à la fatalité. Devant toute situation qui aurait pu être une aubaine pour eux, ils se battent comme des hyènes au contact du sang. Une cacophonie amère aux relents de déchirements impitoyables. Le pouvoir semble s’être résolu qu’il est mieux de considérer la rue comme son meilleur et réel adversaire que de s’appesantir sur le camp d’en-face dont la morbidité et la mortalité dans l’animation et l’occupation du paysage démocratique sont vexatoires. Les mouvements sociaux, les manifestations d’humeur sont à prendre plus au sérieux que les randonnées politisées et saugrenues d’un groupuscule moribond.

Parce qu’il peut arriver que le régime actuel ait usé de mesures dilatoires pour dresser une tour de Babel entre les courtisans du fauteuil suprême mais les enfantillages donnés à voir à chaque tentative de regroupement en leur sein aurait pu les entraîner vers la raison, pour des actions d’adultes et des décisions politiques responsables. Pour une fois, l’on peut rouler des Maîtres, des Docteurs et des Professeurs dans la farine. Mais à réussir cette roublardise à l’infini, c’est que l’on a en face de soi des individus sans le moindre idéal politique dans le cœur et l’esprit. Dès qu’une manne tombe dans l’escarcelle, ce sont des accusations mutuelles à se noircir l’intelligence au point d’oublier le combat commun. Le peuple ne veut être comptable de ce spectacle désolant et déshonorant. L’opposition burkinabé tient aujourd’hui à un fil sur lequel son chef et ses leaders de tout bord ont du mal à se tenir pour jouir d’une quelconque aura. A défaut de vaincre par les urnes, elle attend la providence, quel que soit le canal de sa survenue. Quel dommage !

Les opposants ont tellement de compte à régler entre eux que toute tentative de les rassembler est un cirque de circonstance, un assentiment de dupe. Ils se regardent en chien de faïence qu’ils ne savent pas à quel moment la roue tourne en leur faveur. Tantôt républicains ou démocrates, tantôt nostalgiques des Etats d’exception avec ses putschs, ils brillent par leur incohérence. Refondation, oui ! Réformes, oui ! Le peuple comprend et adhère à ses vocables si tels sont les passages politiques obligés pour son bien-être socio-économique. Mais quel est le contenu que l’on met dans ces grands chantiers de l’avenir du pays ? Tant que les pseudo-politiciens ne sauront pas semer la graine de la différence pour sonner un ralliement à eux, le peuple les observera comme des épouvantails. Alternance ou pas, il est en droit de prendre ses responsabilités lorsqu’adulé ses intérêts sont réellement menacés.

D’ailleurs, le parti au pouvoir se demande bien l’origine et les auteurs de cette vague de mécontentements qui secoue le pays étant donné que c’est lui seul qui peut se targuer d’avoir des millions de militants et d’électeurs. La lucidité dont on fait preuve les syndicats le 1er mai dernier pour éviter toute récupération de leur journée par des « rapaces » politiques ainsi que l’écho fracassant de la furie des élèves, des militaires, des policiers et des commerçants démontrent éloquemment que le changement peut se produire, l’alternance est possible sans le moindre vent « vampirisé » par de prétendus opposants. La lutte consciente pour la survie est à même de le commander sans haine ni chasse aux sorcières. La volte-face opéré par le gouvernement devant certaines revendications, longtemps perçues comme irréalistes, sont à mettre à cet actif.

Dorcas Céleste KOIDIMA

Pour lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 10 mai 2011 à 07:33, par ORAN En réponse à : Opposition burkinabé : le requiem des hyènes

    Le pauvre Ousséni Tamboura de l’ADF/RDA a été sacrifié et c’est tout. Il supporte mal de ne pas pouvoir profiter de son PRONAA qu’il a voulu conduire comme son affaire personelle. Le PRONAA devait être un programme intégré dans le programme de développement de l’éducation. Ousséni, tu trouveras du travail bientôt quelque part. Il faut bien chercher.

    • Le 11 novembre 2013 à 19:29, par koumba En réponse à : Opposition burkinabé : le requiem des hyènes

      Vous feignez de n’avoir pas lu son interview sur les raisons de son départ de l’adf-rda ; je vous joins un extrait de l’interview. Ne pas gérer le pronaa est une conséquence et non une cause. Le pronna a eu le mérite d’etre pensé et élaboré, et par conséquent devait être intégré dans la politique de l’éducation, elle êlle même dans la stratégie globale de développement du pays. Haro aux navigateurs à vue et aux profiteurs !
      Interview in Observateur Paalga :

      "Votre démission du parti de l’Eléphant intervient le lendemain de votre éviction de l’Exécutif. Plus d’un y voit un lien de cause à effet ?
      • Non il n’y a aucun lien de causalité. Il y a juste un lien contextuel et je vous prie de noter une bonne fois pour toutes que ma décision de quitter l’ADF/RDA était prise depuis bien avant. Les questions du gouvernement sont si sensibles qu’il faut éviter de les banaliser. Depuis 2009, notre tandem au gouvernement avait cessé de fonctionner et cela se matérialisait par le fait que nous avions cessé de nous concerter les mardis sur les dossiers du Conseil des Ministres. Le 10 février 2010, j’adressais une lettre (NDLR : il nous en donne copie) au président du parti sur des déficits de gouvernance, de transparence et de gestion du parti. Je n’ai eu aucune réaction et je n’ai pas non plus noté d’amélioration.
      Nous avons clopiné comme ça et toute l’année 2010 il n’y a eu aucune réunion préparatoire du Conseil des ministres ; en plus, des réunions avec les députés du groupe parlementaire se tiennent sans que je n’en sois informé ! Lors du dernier remaniement du gouvernement Tertius, alors qu’il m’informait du statu quo de notre position dans ce gouvernement, je lui signifiais qu’il pouvait chercher un autre cadre du parti pour me remplacer. Malheureusement les conditions ne lui ont pas permis de le faire. Voilà l’histoire de cette démission et vous voyez qu’elle a commencé bien avant. Et ce que me rétorqueront certains de vos lecteurs, c’est qu’on peut être débarqué sans en être prévenu. Je voudrais dire que le Faso est une savane et quand les consultations commencent, tout homme politique a ses réseaux, on en est plus ou moins informé.
      Y avait-il des problèmes de fonds ou saviez-vous que vous ne seriez pas reconduit ?
      • Oui bien sûr, après l’épisode de janvier 2011, je n’avais pas de doute sur ma non-reconduction. Vous savez, quand le train fait une escale, celui qui ne veut pas poursuivre le voyage a une meilleure occasion de faire aussi une escale. Les problèmes de fond n’ont jamais été absents de nos échanges entre nous deux ou en réunion. Mon opinion maintes fois exprimée est que tout engagement politique doit découler d’une volonté affichée, défendue et étayée d’apporter un mieux-être aux populations, et non juste d’une gestion de positions électives ou nominatives.
      Toutes les voies de recours ont-elles été explorées avant la déchirure ?
      • Vous savez, il y a des voies de recours inscrites dans les statuts ou le règlement intérieur, et celles-ci ne peuvent opérer que si le parti fonctionne normalement et connaît le respect des principes ; or c’est à ce niveau que se trouve le nœud du problème ! Moi, quand je dénonce des distorsions, j’écris au président du parti ou je le dis quand il y a une réunion et donc j’estime avoir joué ma partition. Il y a aussi les recours informels, ceux-ci ne sont pas de mon ressort, puisque j’estime que c’est le chef qui doit avoir une faculté d’écoute et en discuter avec ses collaborateurs !
      Si on vous avait reconduit, alliez-vous quitter le navire ?
      • Depuis notre participation au gouvernement en 2006, il connaît ma position et j’ai souvenance de comment lui-même m’avait approché pour y entrer en 2007. Il sait donc dans quelles conditions j’y serais reparti.
      "

  • Le 10 mai 2011 à 07:46, par Hamane En réponse à : Opposition burkinabé : le requiem des hyènes

    Hermann YAMEOGO ne pèse plus sur le plan politique au Burkina Faso. Tout le monde sait que ton père t’a vivement recommandé de suivre Blaise Compaoré. ET Norbert Zongo t’a toujours inviter à faire beaucoup attention car le père de Blaise ne lui a pas dit de te suivre. Si et seulement si tu savais que le peuple ne te crois plus, tu serait plus heureux, sereine et tu vivras mieux.

  • Le 10 mai 2011 à 11:54, par le sincère En réponse à : Opposition burkinabé : le requiem des hyènes

    Bonne analyse. je lis toujours avec plaisir vos papiers. du courage.

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