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Editions Sidwaya : Deux hommes, deux itinéraires …

Publié le dimanche 8 mai 2011 à 23h39min

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L’Histoire court ! Aussi vite que le vent, elle file. Il y a moins d’un an, les couloirs du palais de Kosyam résonnaient de temps en temps des rires atypiques et saccadés du « Woody de Mama », Laurent Koudou Gbagbo. Blaise Compaoré, son « frère et ami », n’était pas du tout avare en sourires et plaisanteries. La conversation entre les deux hommes au pouvoir ressemblait à une séance de partage de noix de kola dans un cercle d’initiés de longue date : chacun en prend un peu et laisse le reste à son prochain. Les deux hommes travaillaient ensemble, des heures durant, pour finaliser les mesures à prendre pour la mise en œuvre des « Accords de Ouagadougou » pour le retour de la paix en Côte d’Ivoire.

Accompagnés chacun de leurs proches conseillers qui veillaient au grain, Compaoré et Gbagbo jetaient les bases de l’avenir ; car, pour eux, seul le devenir des deux pays et particulièrement de la Côte d’Ivoire devait se conjuguer en paix, progrès et bonheur de leurs peuples. C’est une lapalissade, même si ô le Président-professeur « gbagboïste » du Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire, M. Paul Yao N’Dré, après avoir pourtant jeté, pendant des mois, son pays dans l’une des plus graves crises que l’Afrique contemporaine ait vécue..., semble l’avoir sciemment ( ?) oublié, dans son adresse, à l’occasion de la cérémonie marquant la prestation de serment du président Alassane Dramane Ouattara.

Ô surprise ! Grande surprise ! Voilà que l’Histoire s’affole, s’emballe ou se met à balbutier. Temps et espaces de turbulences des plus périlleuses : Abidjan devient une poubelle, une maison des horreurs, un charnier géant alimenté par la rivalité haineuse de certains : effroyable au regard et à la conscience. Nauséabondes, les odeurs qui s’en dégagent.

Ouagadougou se transforme en une instable poudrière, en une fourmilière en activité : nous tombons des nues. Ça tire mal mal à Cocody, mais ça tire non moins bien à Kosyam. Gbagbo et sa « clique » se réfugient dans une forteresse fortement fortifiée, implorant les dieux du ciel et les déesses de la terre. Le président Compaoré change de fusil d’épaule, range en partie le dossier des « Accords de Ouagadougou » dans quelques tiroirs, et se consacre à celui portant sur les mutineries dans les casernes.

Sont appelées au secours, toutes les forces susceptibles de ramener la quiétude et la paix. Ainsi, les hommes de Dieu prient, d’un côté, pour que l’Esprit du Très-Haut descende sur le Burkina et le régénère ; de l’autre, pour que les pouvoirs du « Malin » soient annihilés et que triomphe Laurent Gbagbo.

Il est demandé à Dieu de faire des miracles ; pourtant, à l’impossible, Dieu est tenu. L’analogie s’arrête là. Car, finalement, l’un est capturé et l’autre rasséréné ! Gbagbo, sans aucun doute, restera dans les mémoires collectives. Ce n’est pas seulement l’image de chef d’Etat capturé comme un « agouti », humilié, mais celle d’un homme qui a raté le rendez-vous avec l’Histoire. Il aurait, en acceptant sa défaite et en écoutant les nombreuses médiations et non des moindres, écrit un chapitre crucial du Grand Livre « ivoiro-africain », fait un pas de géant dans l’Histoire de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique. Les nombreuses vies qu’il a ôtées et fait ôter demeureront comme des lézardes sur la conscience collective de ses partisans, des blessures béantes - qui ne cicatriseront que très difficilement et douloureusement vraiment - dans les mémoires des familles des victimes.

Blaise Compaoré face à l’adversité et à la crise a choisi de dialoguer. Dialogues à tout-va avec toutes les couches socioprofessionnelles du Burkina, même celles qui par certains comportements incivils, se sont mis en marge de la République ; nomination d’un Premier ministre de dialogue et de communication qui a rapidement pris des mesures d’apaisement. La tempête n’est peut-être pas passée, mais voici venus des vents favorables. En cela, il faut saluer la stature d’un homme d’Etat, Blaise Compaoré.

La balle est maintenant dans le camp des citoyens burkinabè. Le retour à la paix est conditionné par les comportements des uns et des autres. Gouvernants, majorité, opposition, société civile. Chacun a son rôle à jouer dans ce que nous pouvons appeler « le nouveau contrat social » qui doit aider à renforcer ce besoin de vivre ensemble, nous permettre de nous concerter pour faire évoluer le Burkina Faso vers la voie de la réussite et du progrès social.

Il y a un seuil au-delà duquel l’opposition n’a pas de sens, c’est le seuil du chaos. Les opposants dans toutes les situations peuvent s’opposer au président élu, ce qui est leur droit, sans s’opposer à l’Etat, ce qui est une surprise décevante. L’évolution de la situation nationale a montré que certains, tout opportunisme bu, préfèrent leur propre lopin de pouvoir à l’intérêt général : c’est la lecture que l’on peut faire de la parodie de meeting « pour exiger la démission de Blaise Compaoré » à laquelle nous avons assisté le 30 avril dernier.

Ne faut-il pas, pour redonner de l’impulsion au mouvement, pour relancer la nouvelle marche et regarder ensemble dans la même direction et de façon responsable, donner des signaux forts de part et d’autre ?

Le président du Faso et le gouvernement donnent chaque jour des gages de leur engagement total à servir l’intérêt général, le peuple burkinabè. Les partis politiques de la majorité, qui consentent l’impôt, soutiennent les mesures prises par le gouvernement.

La société civile, en suspendant ses manifestations publiques le 1er mai et en consentant à une trêve, indique le sens de la responsabilité et de l’Etat. Certains partis politiques de l’opposition se situent sur un autre registre. Ce n’est pas leur faire des procès d’intention que de dire qu’ils ont des visées putschistes, ce qui est contraire à l’esprit républicain.

Le monde entier regarde le Burkina. Il veut savoir si le pays est encore une destination recommandable, une zone fréquentable et accueillante. Certaines agences bancaires, en France, par exemple, osent même décommander d’envoyer de l’argent à Ouagadougou. « Ce n’est pas sûr », disent-elles. Cela pose la nécessité de mettre en exergue la confiance et la stabilité retrouvées à l’intérieur, pour qu’elles puissent être constatées à l’extérieur.

La justice, le pardon et l’esprit de vivre ensemble dans le progrès devraient être -et seront- les leitmotivs. Les évènements récents ont montré la fragilité de la paix ; il ne serait pas superflu de demander à chacun et à tous de renforcer la culture de l’apaisement, de la paix. Chaque centimètre parcouru ensemble est une victoire éclatante. Sachons nous en réjouir, toujours ensemble, même si le chemin est long...

Par Ibrahiman SAKANDE ( sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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