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BURKINA FASO : L’espoir viendra-t-il de la société civile ?

Publié le dimanche 8 mai 2011 à 23h38min

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La crise survenue au Burkina a révélé de sérieuses lacunes au sein de la classe politique au pouvoir et dans l’opposition. La première et la seconde ont failli pour n’avoir pas su anticiper et tirer les leçons qui s’imposent. Ce faisant, elles ont réellement fait preuve d’un manque de leadership. L’opposition burkinabè se subdivise aujourd’hui en deux principaux camps : celui du "chef de file de l’opposition officielle", qualifiée à tort ou à raison d’opposition "radicale", et le groupe des refondateurs, sorte d’opposants "mous" qui ont toujours cherché un compromis avec le chef de l’Etat.

Le premier est à l’origine du meeting du 30 avril dernier, à Ouagadougou, qui s’est soldé par un échec : seules quelques centaines de militants avaient fait le déplacement, alors que 34 partis politiques avaient sonné la grande mobilisation. L’échec était prévisible car les acteurs de la société civile, les syndicats en particulier, s’en étaient démarqués pour éviter tout amalgame. Ce meeting était-il vraiment bien préparé ? Le thème était-il porteur et opportun ? Les accusations contre Blaise Compaoré étaient-elles si suffisantes et pertinentes au point de demander sa démission ? L’échec de la mobilisation prouve qu’il y a des difficultés à ce niveau. L’opposition "radicale" semble s’être mise en dehors de la République par le thème de la démission. Le thème choisi n’était en rien mobilisateur, Blaise Compaoré venant d’être réélu pour un nouveau mandat de 5 ans, quoi qu’on en pense.

Du côté des refondateurs, ce n’est pas non plus reluisant. Certes, lors de leur sortie après l’échec de la mobilisation de l’opposition "radicale", ils se sont démarqués des autres, soulignant qu’ils désapprouvaient leur manière d’exiger le départ de Blaise Compaoré. Mais, même s’ils se prennent pour des légalistes soucieux de l’ordre républicain, par le passé, ils avaient également fait l’objet de sérieuses critiques de la part du pouvoir comme de l’opinion publique.

Une nouvelle fois, l’opposition burkinabè reste divisée sur la question du départ de Blaise Compaoré. Sur son parcours, elle montre de sérieuses limites : des querelles intestines qui la fragilisent, l’incapacité de faire une lecture qui s’arrime à l’évolution de la situation nationale, et la difficulté de trouver un thème propice à la mobilisation citoyenne. Quels thèmes auraient donc pu convenir ? "Touchez pas à mon article 37" aurait pu faire mouche. Car, depuis le soulèvement populaire du 3 janvier 1966, ce pays est géré par des militaires. Or, l’indiscipline qui a caractérisé la Grande muette et pris en otage le Faso tout entier, a pour sources de nombreux problèmes que vivent également les civils.

En effet, si la contestation de la hiérarchie par la base pose un problème de cohésion au sein de la Grande muette, elle révèle du même coup une crise de leadership dans la gestion du pays en général. Des opposants de qualité auraient pu mettre en évidence et donc en perspective la similitude des revendications de la troupe et celles du corps civil exaspéré par la mal gouvernance sous la IVe République.

En sortant, l’opposition "radicale" a sans doute fait une lecture biaisée de la situation nationale ou en tout cas manqué de stratégie. Il est clair que la crise socio-économique actuelle ne pouvait suffire à "dégager`" Blaise Compaoré comme Ben Ali en Tunisie. Si des similitudes en rapport avec l’extrême longévité au pouvoir existent, au Burkina Faso, les luttes ont permis de conquérir et de préserver jusque-là un minimum de libertés.

Certes, l’opposition a le plein droit de réclamer le départ du chef de l’Etat. Une opposition digne de ce nom aspire toujours à conquérir le pouvoir d’Etat et à le gérer. Ce scénario existe partout dans le monde. Surtout quand l’équipe en place se montre défaillante dans la conduite des affaires de la République. Encore faut-il pouvoir mobiliser le peuple déçu sur la base de ses intérêts et au moment propice. Il ne s’agit pas simplement de ruer dans les brancards lorsque l’on sent qu’il y a une place à prendre. Un travail préalable est nécessaire. Le problème de légitimité de Blaise Compaoré s’est posé depuis la publication des résultats du scrutin présidentiel de novembre dernier. Qu’on se rappelle les contestations à propos de la liste électorale et des résultats proclamés à l’issue des consultations.

Un examen minutieux de la situation, aurait pu amener l’opposition à conclure que le thème relatif au départ de Blaise Compaoré avant le terme de son mandat, n’était pas mobilisateur. Les Burkinabè sont davantage préoccupés par des questions de survie. En ne privilégiant ni la vie chère, ni l’intégrité de l’article 37, l’opposition avait programmé son échec.

Visiblement, l’opposition burkinabè dans son ensemble a du mal à convaincre et donc à mobiliser. Autant l’usure du pouvoir se fait sentir au niveau du régime en place, autant l’opposition brille par son manque de cohésion et d’absence de leadership en son sein. Assurément la nécessité d’un dialogue transversal s’impose. L’espoir viendra sans doute du côté de la société civile. Pour plusieurs raisons : elle renferme des hommes et des femmes de qualité. De plus, elle s’appuie sur une jeunesse de plus en plus consciente, responsable et déterminée. Ensuite, elle a une grande capacité de mobilisation. Ses analyses sont pertinentes et percutantes.

Enfin, elle a le sens de l’organisation et de la communication. Contrairement aux partis politiques, toutes tendances confondues, la société civile burkinabè constitue un réel espoir. C’est le lieu d’insister sur l’importance de prendre en compte les candidatures indépendantes pour toutes les consultations. Les Burkinabè sont fatigués de voir, revoir, entendre et réentendre les mêmes individus leur parler de problèmes pour lesquels ils n’ont jamais trouvé de solutions.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 9 mai 2011 à 00:58, par Tapsoba En réponse à : BURKINA FASO : L’espoir viendra-t-il de la société civile ?

    Ne pensez vous pas que si la société civile brille c est justement parce qu elle n est pas une force politique à fortiori une menace pour le régime Compaoré ? À contrario,ne subirait-elle pas le même sort que l opposition politique comme l a reconnu S.Diallo ? Et puis ,la societé civile fédère plus de monde parce que ces revendications sont concrètes et en phase avec le vécu quotidien du peuple,entre autres,la vie chère,baisse des pouvoir d achat,defense de droit de l homme,etc.Ca c est du concrèt .Rien à voir avec des longs discours indiscourables - papiers longueur comme disent les ivoiriens- des politiques ,d ailleurs creux.

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