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Situation nationale : Nous avons tous péché par omission

Publié le dimanche 8 mai 2011 à 23h39min

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Face à cette crise dont nous n’avons pas encore fini de dérouler le fil d’Ariane et qui n’a pas de précédent dans nos annales, les acteurs politiques et institutionnels de la scène nationale n’ont pas été toujours à la hauteur de nos attentes.

Tous, par action mais surtout par omission, ont en effet péché et devraient accepter, chacun en ce qui le concerne, de battre sa coulpe ; non pas sur la poitrine des autres comme cela est fort tentant en pareille circonstance, mais sur la leur propre ; à commencer par le pouvoir.

Nous ne comprenons toujours pas que l’opposition, es qualité, n’ait pas été formellement consultée pour la mise en place de la nouvelle équipe gouvernementale. On aurait dû l’y convier selon nous, quitte à ce que l’ouverture de ce côté-là échouât, parce qu’elle a soit décliné poliment l’offre, soit soulevé des préalables rédhibitoires rendant l’opération irréalisable.

Se sentant royalement ignorée alors que d’aucuns s’attendaient à ce que tout ce que le pays compte de forces représentatives fût associées à la recherche de solutions de sortie du bourbier, l’opposition a beau jeu aujourd’hui de crier à l’arrogance du pouvoir et au mépris de ses épigones. Et son chef de file, Me Bénéwendé Stanislas Sankara, ne s’en est pas privé mercredi dernier sur les antennes de RFI.

Pour prévenir de tels procès, nous pensons que le big boss, à savoir le président du Faso him self, n’eût pas été mal inspiré si, faisant table rase de certaines considérations subalternes, il avait daigné le recevoir officiellement, puisqu’il fait désormais partie de l’ordonnancement institutionnel de notre pays.

Le signal en eût été fort, auprès de l’opinion nationale, de la volonté de ne marginaliser personne quand il y a péril en la demeure commune, surtout pas ceux que la Constitution investit de la charge d’animer la vie politique. Aveu de faiblesse, diront ceux qui s’arrêtent à l’écume des choses ; œuvre de sagesse, leur rétorqueront ceux qui s’efforcent de voir plus loin.

Ce disant, il nous revient à l’esprit certaines séquences de notre histoire où, devant les bégaiements de la république, le général Lamizana, qui a quitté le pouvoir sans réhabiliter le premier président, Maurice Yaméogo, n’a pourtant pas hésité à le recevoir devant les risques de fracture qui s’amoncelaient.

Or, sans vouloir jouer pour autant aux Cassandre, nous estimons qu’au-delà du régime Compaoré, c’est bien notre Etat de droit qui s’est retrouvé du jour au lendemain en danger de désintégration. On ne peut pas ne pas sonner le tocsin quand :

- des hommes de tenue désobéissent l’arme au poing, prêts pour les rapines ;

- des commerçants caillassent des symboles de l’Etat parce que les vandales en treillis ont saccagé leurs vitrines ;

- les magistrats font la grève des peines parce qu’entre autres griefs, un palais de justice a été pulvérisé au bazouka ;

- des élèves, en furie, s’adonnent en cascade à l’autodafé d’édifices publics pour cause de mort par balles perdues de leurs condisciples. Et comme si ce n’était pas assez déjà de telles scènes d’apocalypse, la guerre des polices s’est invitée dans ce Tsunami.

Ainsi a-t-on vu tour à tour en plein Ouagadougou, en plein jour, gendarmes et policiers, puis policiers et militaires en découdre corps à corps, à la sidération scandalisée des badauds.

A-t-on jamais vécu sous nos cieux pareils enchaînements diaboliques des causes et des effets, déclenchés par ceux-là mêmes qui sont les garants assermentés de la sécurité publique et de la sûreté de l’Etat ?

De son côté, notre opposition n’a aucun motif de fierté à tirer de son attitude globale face au risque de délitement qui a guetté l’ordre républicain, car, jusqu’au jour où se traçaient ces lignes, on ne l’a pas entendue élever, ne fût-ce que pour le principe, une condamnation formelle et sans ambiguté des séditions successives qui ont sali l’uniforme tant dans l’armée, chez les CRS qu’à la police.

Ce faisant ou plutôt se taisant, nos opposants, qui ambitionnent pourtant et fort légitimement de se hisser un jour à la gestion au sommet des affaires publiques, ont manqué l’occasion de donner à voir à l’opinion leur étoffe d’hommes d’Etat.

Nous voulons dire par là que, faisant eux aussi fi de certaines considérations subalternes et trêve des petits calculs politiciens, ils auraient dû dénoncer courageusement comme inacceptable que ceux-là qui sont les gardiens armés de l’ordre et de la puissance publics s’en fassent scandaleusement les fossoyeurs.

Il est des actes en république que l’éthique politique oblige à réprouver de toute urgence, même s’ils fragilisent un régime qu’on voue aux gémonies et qu’on a hâte de remplacer.

Entre dans la catégorie des faits et gestes à fustiger toutes autres affaires cessantes les attentats, les prises d’otages, les pirateries de toute sorte et, bien sûr, la désobéissance des forces de défense et de sécurité.

A travers certains de ses représentants, l’attitude de notre opposition n’est pas sans rappeler, en modèle tropicalisé, l’erreur d’appréciation d’un certain François Mitterrand au plus fort de la grande crise estudiantine de Mai-68. Croyant trop tôt son heure venue, surtout quand le grand de Gaulle disparut pour Baden Baden où il s’en fut s’assurer la loyauté des troupes françaises basées en Allemagne, Mitterrand fit assaut d’activisme tendant à se positionner comme solution de recours.

On connaît la suite : il lui fallut s’armer de vingt longues années de patience, puisqu’il lui a fallu passer le Congrès d’Epinay (1), le Programme commun de la Gauche pour que vînt, le 10 mai 1981, le triomphe de la rose.

En organisant ce 30 avril son show “Blaise dégage” alors que les acouphènes des kalachnikovs bourdonnaient encore dans nos oreilles, la coalition des 34 partis, à son tour, a donné du grain à moudre au parti majoritaire. Et son secrétaire national à la Communication, Alain Yoda, s’en s’est fait fort sur les antennes de la même RFI le même mercredi, accusant ces opposants de velléités putschistes.

D’autres silences tout aussi assourdissants nous ont intrigué à d’autres niveaux, sur lesquels on aurait beaucoup à redire : voyez la société civile, si prompte, à travers nombre de ses leaders, à se fendre d’objurgations contre toute atteinte à la règle de droit et à la bonne gouvernance !

Cette fois-ci, motus et bouche cousue ou, si prise de parole il y a, c’est suivant la rhétorique du “Oui... mais” qu’affectionnent ceux qui par opportunité ou lâcheté ne veulent pas prendre frontalement position. Mais alors que penser de l’Assemblée nationale, qui a cru bon de suspendre ses travaux ?

A l’épicentre de l’affaire Norbert Zongo en 1998-2000, tout comme aujourd’hui, cette auguste institution, pour laquelle nous avons la plus grande déférence, n’aura pas manqué toutefois de nous étonner par sa frilosité ou plutôt son atonie chaque fois qu’il y a eu montée des périls. Certes, l’Assemblée a ses raisons - et de bonnes raisons-que la raison commune ne connaît pas.

Certes également en droit, nous ne sommes pas dans le cas des pouvoirs exceptionnels définis à l’article 59 de notre Loi fondamentale et pendant l’exercice desquels la représentation nationale siège de plein droit. Mais dans les faits, on ne saurait soutenir que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels ne s’est pas trouvé menacé à un moment ou à un autre.

Et comme il s’est trouvé que nos députés étaient déjà en session, nous nous demandons naïvement pourquoi ils ont cru bon de se mettre en récréation alors que, selon nous, c’était le moment de se scotcher à leurs bancs, histoire de symboliser leur refus de tout dénouement non constitutionnaliste des épreuves que le pays traverse.

Enfin, la question qui fâche tout le monde, les uns pour ce qu’ils souhaitent, les autres pour ce qu’ils ne souhaitent pas : la problématique de l’article 37, dont se moquent peut-être comme de leurs premières godasses ces mutins de mars-avril, mais qui n’en hante pas moins tous les esprits depuis que les premiers coups de feu ont éclaté.

Aujourd’hui comme hier, nous restons de ceux qui pensent qu’il faut laisser ce texte en l’état, donc ne pas y changer mot.

De la même façon, nous restons de ceux qui pensent qu’il faut ménager à Blaise Compaoré une sortie par la grande porte - celle de la Constitution - qui maintienne intacte son image à l’intérieur et à l’extérieur et le rende digne de rejoindre, dans la béatitude post-électorale, les Abdou Diouf, Rawlings, Kufor, Konaré, qui continuent aujourd’hui encore de servir leur pays et leur continent.

Par les hasards et les nécessités dont seule l’Histoire a les ruses, il s’est trouvé, au terme de plusieurs systèmes d’exception, à être l’homme qui a mis le Burkina Faso sur les rails de la modernité après que Thomas Sankara l’eut placé en orbite.

A moins de vouloir pécher contre l’esprit ou se laisser aveugler par l’esprit de parti, on ne saurait nier que son bilan soit globalement positif, et qu’importe si à son passif persistent bien des insuffisances à redresser. C’est pourquoi nous voudrions une fois encore faire confiance à l’intelligence et à la lucidité de notre personnel politique national. Alternance, alternance, alternance !

C’est bien d’avoir ce mot-clé à la bouche, mais c’est tout aussi bien de ne pas oublier que pour un homme qui aura totalisé plus d’un quart de siècle au pouvoir dont au moins cinq ans d’exception, il y a forcément des choses à se faire pardonner. Et que nous devons avoir la grandeur d’âme de lui pardonner.

Alors, dans l’esprit de l’amnistie dont nous caressions ici même déjà l’idée le 19 mars 2010 (2), travaillons à ce qu’à terme constitutionnel échu, le peuple burkinabè donne quitus à Blaise Compaoré de sa gestion et que, l’esprit tranquille, il puisse se reposer de ses œuvres.

L’Observateur

- Note

(1) : C’est à ce congrès que Mitterrand fédère toutes les sensibilité socialistes et en prend la tête. (2) cf “Regard sur l’actualité” : Appel pour une amnistie présidentielle dans l’Observateur paalga n°7592 du vendredi 19 au dimanche 21 mars 2010

L’Observateur Paalga

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