LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Football français : Des visages de l’exclusion

Publié le vendredi 6 mai 2011 à 20h41min

PARTAGER :                          

L’affaire des quotas du football français dévoilée par mediapart au delà des révélations qu’elle a suscitées et du discours véhiculé pour la rendre légitime dépasse le domaine sportif. Elle est l’illustration dans le domaine du sport d’une politique d’exclusion savamment orchestrée et/ ou encouragée contre une partie de la population française.

Un faux débat

Dès l’éclatement de l’affaire, les principaux accusés ont tous abordé dans un sens, celui de la refondation du foot français à l’origine et surtout de la double nationalité de certains footballeurs qui occasionne selon eux une perte pour l’équipe nationale de football française. Ce discours politiquement légitime n’est de notre point de vue qu’une invention pour cadrer le débat car dans les faits, cela ne constitue en rien un manque à gagner ni pour la nation française ni pour les centres de formation.

La France a toujours été le pays choisi par les meilleurs footballeurs disposant de la double nationalité qu’elle forme. Ainsi, depuis des décennies, toutes les valeurs sures de la formation française concernées ont presque joué sous les couleurs françaises depuis les catégories jeunes jusqu’en A (des générations Tigana, Ngoty,Boli, Desailly, Viera, Trezeguet… en passant les générations Dorhasso,Diarra, Mavuba…jusqu’à la dernière vague composée des Mvila, Benzema, Benarfa, Nasri, Mandanda, Shako..). Les autres joueurs sont donc constitués des joueurs n’ayant pas les possibilités (par leurs performances sportives) de jouer pour la A Francaise et usent donc du règlement de la FIFA qui leur permet de jouer en A pour les couleurs de leurs pays d’origine (ou celui de leurs parents).

Sont de cette vague des joueurs comme Marouane Chammak, Karim Ziani, Habib Bamogo, Zaouad Zaïri, Frederique Kanouté, Mohammed Sissoko, Sami Traoré, Mamadou Niang, Souleymane Diawara, Michael Chretien…. Ces joueurs ont fait le choix rationnel de joueur pour la patrie de leurs parents plutôt qu’une impossible ou éphémère carrière en bleu comme l’ont connu Amara Simba, Olivier Kapo, Peggy Luyindula, Lamouchi, Charles Itange, David Ngog… dire donc que le France sort perdante de cette politique de la double nationalité constitue historiquement un mensonge et surtout permet de détourner les débats vers des proportions légitimes et moralement acceptables.

De même, cela ne constitue en rien une perte pour les clubs formateurs. En effet, Pour les centres de formations le problème de la double nationalité ne se pose même pas car ces structures constituent l’aile recherche des clubs, chargées de détecter, de former et de valoriser les meilleurs talents afin d’en tirer le meilleur profit. La nationalité ici est donc un problème inexistant, le seul critère étant la qualité du joueur. Des joueurs comme Didier Drogba, Mamadou Niang,Ousseinou Diouf, Kodjo Afanou, Emanuel Adebayor,Perrier Doumbé, Mboma Patrick, Samir Nasri, Steeve Mandanda, Stephane Mbilla, Razak Boukari et bientôt Eden Hazar, André et Jordan Ayew permettront ainsi à leurs clubs formateurs d’empocher une jolie plus value lors de leurs transferts.

La véritable problématique

Parler de la double nationalité comme facteur d’une perte pour la France est un faux débat et ne constitue aucunement le véritable problème dont souffre le foot français. La véritable question à la quelle la gouvernance du football français doit se pencher est la suivante : par quelle stratégie produire un football de qualité comme cela se fait ailleurs ? (Espagne, Allemagne, Hollande, Brésil, Egypte ou Portugal) A cette question la réponse parait simple : axer la formation sur un football qui privilégie le jeu plutôt que le physique. Cela se voit sur les pelouses du championnat de France chaque weekend avec des équipes qui jouent pour ne pas perdre au lieu de jouer pour gagner et donc produisent du jeu à la fois défensif, décousu et apathique. En conséquence, le meilleur buteur du championnat de l’hexagone atteint rarement la barre des 25 buts (18 l’année passée) alors que la moyenne est de 30 dans les autres championnats… et cela n’est pas une question de race ou de taille : l’Allemagne, le Portugal le Brésil et l’Argentine développent un football basé sur ces valeurs mais avec en général des grands gabarits et diverses races.

En outre, le rugby sport physique et dure n’est pas la l’activité sportive privilégiée de populations citées au cours de cette réunion des quotas.

Les mécanismes de l’exclusion

Nous pensons donc qu’en réalité, cette affaire du quota dans le foot français participe dans une large mesure à une stratégie politique qui encourage (ou ne réprimande pas) l’exclusion d’une partie de la population dans tous les domaines et toutes les catégories de la société française.

Interrogé sur cette affaire de quota, l’ancien président de l’olympique de Marseille Pape Diouf a affirmé ceci : « le football français est à l’image de la société française, une société raciste ». Nous dirions pour notre part en partant des affirmations de Pape Diouf que le football français est à l’image de la société française, une société qui exclut. Cette exclusion se manifeste de la façon suivante : stigmatiser une partie de la population et élaborer une politique d’exclusion dans un discours politiquement légitime et moralement acceptable. ainsi, dans l’affaire du quota dans le football, la stratégie consistait-elle à définir une politique de refondation du football français qui passe par une procédure de sélection excluant une partie de la population française et la justifier par un discours légitime comme cela a aussi été le cas dans un autre domaine :le débat sur la laïcité (qu’on devrait plutôt qualifier de débat sur l’islam).

Une dangereuse stratégie

Dans un contexte de crise économique et sociale et d’échec de projet politique, ne faut-il pas cadrer les débats sur une autre forme de gouvernance plus souple et prospective afin de tirer des leçons pertinentes ? Alors que dans les autres pays les débats tournent autour des projets de relance de l’économie et du pouvoir d’achat et de l’écologie, les pouvoirs publics français ont eux fait le choix de détourner les français des véritables enjeux pour des projets qui ont pour conséquence l’exclusion d’une partie de leurs populations.

Dans cette logique, les projets nationalistes jadis combattues au nom des valeurs républicaines sont banalisés et même légitimés (les multiples débats sur la laïcité), les velléités d’exclusion avouées (le fameux quand y’en a un…, l’invasion libyenne comparée aux croisades, sans oublier l’indigne jugement sur l’affaire de l’incendie de l’immeuble parisien dont les habitants étaient d’origine étrangère)
Toutes ces affaires montrent si besoin en est que l’on assiste à une entreprise politique d’un régime en situation d’échec mais prêt à tout (même aux dangereuses méthodes) pour demeurer au pouvoir. Si à court terme cela peut conduire au résultat escompté (nous espérons toutefois nous tromper en affirmant cela), il en résulte que le legs sera difficile à assumer dans un moyen et long terme (la population française vieillissant, la relance économique passe par la contribution de populations immigrées, ce qui doit se traduire dès à présent par des politiques d’assimilation de celles-ci autour des valeurs républicaines françaises).

Semer des graines de l’exclusion constitue une mauvaise stratégie politique dont l’affaire des quotas n’en est que l’illustration dans le domaine du sport qui paraissait être l’un des rares domaines ou s’exprimait les symboles de l’intégration (le fameux black, blanc, beure). De ce fait, nous saluons donc la réaction ferme, spontanée mais isolée (mutisme totale d’une grande partie de la classe politique et du gouvernement) de Madame la ministre du sport qui permettra sans doute de mettre toute la lumière sur cette affaire. Les propos aussi étonnants qu’illustratifs du sélectionneur de l’équipe de France monsieur Laurent Blanc dans cet enregistrement indiquent une chose : il n’a jamais aussi bien porté son nom

Wendata Miki Zongo

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 7 mai 2011 à 02:01, par Kappa En réponse à : Football français : Des visages de l’exclusion

    Très belle analyse. Tout est dit et avec une bonne argumentation. Je suis d’accord avec vous. Il nous faut des articles comme ça plus souvent.
    Merci !

  • Le 7 mai 2011 à 10:43, par Didier En réponse à : Football français : Des visages de l’exclusion

    Je viens de lire votre article et vous faites une excellente analyse de la situation en France. Ce qui se passe dans le foot français n’est que le reflet de la politique française. Une politique d’exclusion menée par les ténors de l’UMP dans le but de récupérer des voix du Front National. Ce qui est une stratégie extremement grave pour l’avenir. Les vrais problèmes de la France sont ailleurs... Malheureusement, nos responsables politiques manquent d’imagination pour l’avenir. Avec ce genre de politique, nous allons droit dans le mur

  • Le 8 mai 2011 à 01:30, par farafina mogo En réponse à : Football français : Des visages de l’exclusion

    cet article est hilarant ! c’est à peine si le journaliste ne dis pas l’avenir de la France dépend des immigrés !mais franchement qu’ils me dise siplement que les français ne peuvent plus procréer !
    je pense que le peuple français ets très poli ! vous savez chez nous en Afrique, quand tu arrives dans certains pays et que tu es étranger, on te dis clairement c’est les nationaux d’abord !
    et si vous ne le savez pas, je vous apprends clairement que dans ceratins pays africain et maghrébin (car c’est eux qui se plaigne de l’instauration du quota) il est ecrit dans les constitution que les étrangers passent toujours après les nationaux dans les postes de travail à pourvoir !
    et puis il y’a une politique qui a consisté pour les pays occidentaux à encourager les blacks dans l’art et le sport pour les éloigner de tout travail de réflexion !
    mais franchement quand allons nous nous réveiller ?quand allons nous nous rendre compte que la pays n’est pas notre pays ?c’est nous les hypocrites !nous critiquons la politique de la france et nous déplrons le fait qu’elle s’ingère dans nos affaires internes !
    chers africains, on est cuit et recuit !

  • Le 8 mai 2011 à 14:34, par rahim En réponse à : Football français : Des visages de l’exclusion

    Pourquoi modifier les propos de Pape Diouf ? "l’ancien président de l’olympique de Marseille Pape Diouf a affirmé ceci : « le football français est à l’image de la société française, une société raciste ». Nous dirions pour notre part en partant des affirmations de Pape Diouf que le football français est à l’image de la société française, une société qui exclut." Pourquoi cette euphémisation ? C’est curieux comme les Africains (surtout ceux qui vivent en Afrique) ne veulent pas pas utiliser le mot "racisme". Ca aide les racistes.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique