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Après « des moments de folie », retrouver la confiance nationale et internationale !

Publié le vendredi 6 mai 2011 à 00h48min

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« Il y a eu des moments de folie, ça suffit. Je ne souhaite pas qu’on indexe les soldats burkinabè comme on le fait dans certains pays ». Propos lancés par le nouveau premier Luc Adolphe Tiao, visiblement agacé, au cours de sa première conférence de presse le jeudi 28 avril, en écho aux actes de voyoucratie auxquels se sont livrés récemment les militaires dans plusieurs villes du pays. Il s’est ensuite engagé à prendre toutes les dispositions pour « restaurer la sécurité des citoyens ». Peu avant, le ministre de la Communication, Alain Edouard Traoré avait annoncé que sa priorité était de « travailler à restaurer l’image du Burkina qui a été écornée ces derniers temps au niveau national et international, afin de retrouver la confiance des partenaires et remettre le pays sur le droit chemin ».

Il y a, en effet, urgence ! En l’espace de quelques trois mois, le Burkina a littéralement dilapidé son principal atout qu’il se plaisait à vanter pour attirer les touristes et les investisseurs étrangers : la stabilité politique et la paix sociale.

Dans un environnement continental et régional marqué par l’instabilité politique et des conflits postélectoraux dans de nombreux pays, le Burkina offrait un relatif havre de paix où les touristes pouvaient s’y rendre et se déplacer en toute sécurité. Certes, le pays n’est pas gâté par dame nature, des efforts doivent encore être faits pour améliorer l’infrastructure routière, et les récurrents délestages perturbent la productivité des entreprises, mais grâce aux réformes économiques entreprises ces dernières années, le Burkina dispose aujourd’hui d’un environnement des affaires très libéral dans lequel l’investisseur peut trouver son compte.

« Au Burkina, l’investisseur peut être sûr qu’en se réveillant le matin, il n’aura pas la mauvaise surprise d’apprendre que ses biens sont confisqués par une junte qui a pris le pouvoir », expliquait l’ancien premier ministre Tertius Zongo lors d’une mission économique à Paris en novembre 2008, en réponse à une question sur ce qui peut bien attirer un investisseur étranger dans son pays. En mai 2010, au terme d’une analyse de la situation socio-économiques et des perspectives économiques, l’agence de notation des risques pays, Standard & Poor’s, avait attribué la note B au Burkina, indiquant que le pays devrait toujours bénéficier de « appui des donateurs, de la stabilité politique et afficher un niveau d’endettement viable », ce qui lui permettra de continuer la politique de « modernisation des processus agricoles, les réformes fiscales et une nouvelle amélioration du climat des affaires ».

Après les pillages et autres destructions de biens publics et privés ces derniers temps, il faut bien reconnaître que notre « produit d’appel » a sérieusement été endommagé. Malheureuse coïncidence, les premières sorties bruyantes des militaires contre la condamnation de leurs frères d’armes par un tribunal civil pour « atteinte à la pudeur et vol » ont eu lieu au moment où se tenait le deuxième forum sur l’investissement et la sécurité juridique.

Vu de l’extérieur, les rodéos des militaires ivres d’alcool quelques semaines après, les saccages des boutiques et stations d’essence, les victimes de balles perdues et les cas de viols rapportés dans la presse nationale, donnent au Burkina l’image d’un pays plongé dans le chaos. Le 16 avril, le ministère français des Affaires étrangères a ainsi placé le Burkina sur le même niveau de dangerosité que la Syrie, un pays où des manifestations sont violemment réprimées par l’armée, faisant des centaines de morts, et déconseille ces deux destinations aux voyageurs.

L’effet de cette annonce, reprise en boucle toute la journée sur les chaines d’informations continues, est désastreux. De sources consulaires, les demandes de visas sont en chute libre et certains voyageurs qui en avaient pris demandent à être remboursés, pendant que des Tours opérateurs, qui ont découvert la destination Burkina grâce aux éditions successives du Salon international du tourisme et de l’hôtellerie (Sitho), enregistrent des annulations de réservations. En France, en Belgique, de nombreux compatriotes sont assaillis de questions par leurs amis qui veulent savoir « si vraiment, ça craint d’aller actuellement au Burkina ? ».

Il faut donc agir vite et empêcher que cette hideuse image que notre pays a présentée durant les semaines passées ne s’incruste durablement dans l’inconscient collectif. Les concertations tous azimuts entreprises par le président Compaoré et son premier ministre avec les différentes couches socio-professionnelles, les soldats de la troupe et la hiérarchie militaire visent d’abord à mieux comprendre les préoccupations des uns et des autres, et ensuite à rassurer l’opinion nationale et internationale qu’il s’agit non pas d’une crise structurelle, mais seulement « des moments de folie ». Après avoir rencontré le 29 avril le corps diplomatique accrédité dans notre pays, le ministre des Affaires étrangères Djibril Bassolé est attendu en France où il doit animer une conférence de presse lundi et rencontrer, deux jours plus tôt, les Burkinabè de la diaspora, véritables ambassadeurs dont le rôle dans la diffusion des informations sur leur pays d’origine dans leur pays d’accueil en temps de crise est assurément déterminant.

Si les premières mesures prises par l’exécutif ont permis de ramener le calme, rien pour l’instant n’est gagné et il serait hasardeux de conclure que la crise est définitivement derrière nous ?
Au moment où les vacanciers de l’été prochain commencent à choisir leurs destinations, il appartient au gouvernement de mettre le paquet pour consolider la paix sociale et supprimer le couvre-feu encore en vigueur dans la capitale.

Car, comment savourer le « poulet bicyclette » que la terre entière nous envie, en ayant l’œil rivé sur la pendule ? Pour l’investisseur, dont l’activité s’inscrit dans la durée, la classe politique, majorité et opposition, doit lui envoyer des signes le rassurant quand à la sécurité de ses investissements sur le long terme.

Joachim Vokouma

Lefaso.net

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