Sams’K le Jah : "La mort d’un humain est toujours un échec"

J’avoue que la mort d’un être humain est toujours triste. Maintenant comme on le dit, il n’y a que cela dans l’actualité. Et c’est toujours un échec que des gens s’affirment par la violence, que des gens utilisent la violence pour regler des problèmes, pour moi c’est toujours un échec. Il faut essayer de connaître les origines de tout ce malaise dans le monde aujourd’hui. Parce qu’avec la philosophie rasta, on se dit qu’on a les outils nécessaires pour avoir un monde beaucoup plus harmonieux. Pourquoi il y a des terroristes ? Qui les a inventés ? Pourquoi les gens sont obligés d’utiliser le terrorisme pour se faire entendre aujourd’hui ? Parce que je me dis que l’homme est la seule espèce dans laquelle l’on voit des gens se battre jusqu’à mort. Quand vous prenez les animaux sauvages, ils ne vont jamais se battre jusqu’à mort. Pourtant, on se proclame les plus intelligents. Pourquoi ceux qui sont les plus intelligents doivent s’en vouloir jusqu’à mort. L’homme a un problème avec lui-même.

Pour moi, le plus important c’est de chercher à développer l’humain dans l’homme, à replacer l’homme au centre de toutes les réflexions. Barack Obama dit qu’avec la mort de Ben Laden, on aura un monde de paix. Or, l’autre aspect est que Ben Laden a beaucoup d’adeptes. Si ces gens aussi doivent répliquer par la violence, cela provoquera un cycle infernal de violences qui ne finiront pas. Je suis indifférent à sa mort car un être humain, quand il meurt, c’est une perte pour l’humanité. Des Ben Laden, il y en a partout, il y en a tous les jours. Ce que George Bush aussi a fait en Irak n’est pas bien.

 Chantal Ouédraogo, étudiante : "Il fallait le capturer et le présenter au monde"

Ce que je pense de cette mort est qu’à travers cela, le réseau va perdre en intensité mais je ne crois pas que cela va sonner la fin du terrorisme. Je n’y crois pas. On aurait pu le capturer et le présenter à la face du monde plutôt que de le tuer. Franchement, cette manière de faire n’a pas du tout été la bonne.

 Mahamadi Ouédraogo, étudiant : "Cela va donner plus d’ampleur au terrorisme"

Je ne crois pas que cela va mettre fin au terrorisme, je crois plutôt que cela va lui donner plus d’ampleur. Et puis, d’aucuns diront que c’est une mise en scène parce qu’il y a la cote de popularité de Barack Obama qui est mise à mal. Est-ce que c’est pas une mise en scène politique pour corriger son image ? Pourquoi cela intervient actuellement ? Il est vrai que Ben Laden était le chef de file du terrorisme international, mais pour sa mort, personnellement je ne crois pas que cela mettra fin au terrorisme. Il est vrai que cela peut dissuader les terroristes. Mais mettre véritablement un frein au terrorisme, je ne pense pas. Parce qu’il y a longtemps que les Etats-Unis sont engagés dans la lutte contre le terrorisme mais de jour en jour on voit que cela continue à prendre de l’ampleur, et a même touché l’Afrique. Ce sont des gens aussi qui ne reculent pas, la situation sera très dure.

 Samuel Kaboré , traducteur : "C’est bien, mais il faut résoudre les injustices"

La mort de Ben Laden est une bonne nouvelle, parce que c’est un terroriste. Vous vous rappelez le 11 septembre 2001 lorsqu’il y a eu beaucoup de victimes innocentes qui sont tombées. Nous disons que c’est une bonne chose. Mais est-ce qu’il faut s’arrêter là ? Qu’est ce qui a amené Ben Laden à être comme ainsi et à tuer tant de monde ? Est-ce que vous ne pensez pas qu’il y a une injustice quelque part ? Je dirai aussi que l’action de Ben Laden a participé à l’équilibre du monde. Vous voyez ce que les Américains ont fait en Irak ? Que les terroristes tuent une personne innocente, c’est la même chose que font les Américains qui combattent en Irak et qui tuent des innocents.

Donc vous voyez, il y a un problème qu’il faut essayer de résoudre. Sinon, on ne peut pas dire que Ben Laden était bon mais ceux qui ne sont pas comme Ben Laden, tuent autant que Ben Laden. L’exemple de la Libye est parlant. Il faut rééquilibrer le monde, travailler à résoudre les injustices, cela prendra du temps, mais il faut que les gens misérables sentent qu’il y a une oreille attentive à leurs problèmes. En Palestine, il y a des gens qui meurent chaque jour. Qu’est-ce qu’on fait pour résoudre le problème ? Pour me résumer, ce sont toutes ces injustices réunies qui font que le terrorisme a des beaux jours devant lui. Ben Laden est mort, mais le réseau a des tentacules partout. Ben Laden lui-même ne commandait plus rien. Il y a AQMI et tout ce qui s’ensuit. C’est bien, mais il faut travailler à ce que la mort de celui-ci ne soit pas source de frustrations. Donc, il faut résoudre les injustices.

 Bèkouènè Christian Somé, étudiant en communication : "Les lendemains sont à craindre"

La mort de Ben Laden, je l’ai accueillie avec joie et pincement au coeur. Joie d’abord parce qu’il y a un chef du terrorisme qui a été anéanti, donc c’est un danger qui a été extirpé. On aurait souhaité qu’il soit arrêté plutôt que tué. Pincement au coeur car ce n’est pas sûr que cette action puisse mettre fin au terrorisme. Ben Laden n’était plus sur le terrain. Il avait des collaborateurs qui travaillaient avec lui et qui étaient plus sur le terrain que lui-même. Donc, son décès peut amplifier le terrorisme. Les lendemains de sa mort sont à craindre. Il faut s’attendre à tout.

 Ben Issouf Minougou, journaliste à L’Indépendant : "La précipitation avec laquelle les Américains ont enterré Ben Laden me laisse perplexe sur les circonstances de sa mort"

"Tout d’abord, personne ne peut se réjouir de la mort d’une autre personne, on ne peut que déplorer cela. Maintenant, quand on rentre dans le fond des choses, les Américains et les Occidentaux le taxaient de terroriste et le traquaient depuis plus de dix ans et aujourd’hui, c’est la fin de leur traque en ce qui concerne Ben Laden qui est supposé être le leader du mouvement Al-Qaïda. Mais comme on le dit souvent, quelqu’un ne peut pas être un terroriste pour rien. Certainement qu’il y avait des causes. Il paraît que ce Ben Laden a eu à faire des affaires avec l’ancien président américain Georges Bush (le père). On ne peut dire que quand les Occidentaux sont contre toi, il faut s’attendre à une solution finale parce que dès qu’ils n’auront pas ta peau, ils ne te lâcheront pas et c’est le cas avec Ben Laden. J’avoue qu’il y a des doutes sur la mort de Ben Laden.

Je suis sceptique par rapport à la véracité des choses. Tout simplement, la précipitation avec laquelle on a fait disparaître son corps et on dit même qu’on l’a immergé et que cela répondrait à des pratiques musulmanes sont entièrement faux. Aucune théorie musulmane ne dit qu’on peut mettre un cadavre dans l’eau. Pourquoi avoir tué Ben Laden qui n’est pas n’importe qui en espace de 24 heures ? On ne veut plus que personne d’autre voie son corps sous prétexte que là où on va l’enterrer sera un lieu de pèlerinage, ce n’est pas une raison suffisante. Je pense qu’on devrait confier le corps de Ben Laden aux autorités pakistanaises. A eux de voir s’il faut incinérer le corps. Mais qu’il y ait plus de gens qui voient le corps et qui attestent que c’est bel et bien lui.

Donc, il y a un flou qui entoure cette histoire. Concernant les photos, je ne vais pas rentrer dans le débat que l’AFP a engagé, parce que moi je suis au Burkina Faso, je suis loin de la France, loin du Pakistan. Donc je ne peux pas attester que le corps et les photos ne sont pas de Ben Laden. Mais une chose est sûre, c’est qu’il y a un flou qui entoure la mort de Ben Laden. La perte d’un leader dans les mouvements pareils va porter un coup dur dans les jours à venir. Ben Laden était unique en son genre. Mais le terrorisme ne peut pas finir parce qu’Al-Qaïda est une organisation, qui a des filiales partout, il y a des gens qui se reconnaissent à travers elle individuellement et collectivement. Donc, selon moi le terrorisme n’est pas fini car si Ben Laden a des adhérents et des militants, ces derniers peuvent répondre au coup fatal porté à leur mouvement".

 Batio Parfait Ido, journaliste à Radio Salankoloto : "La mort de Ben Laden est juste une stratégie de communication pour la précampagne du président Barack Obama"

"Nous avons appris que l’homme le plus recherché de la planète n’est plus, qu’il est mort, qu’il a été tué par un commando américain. A cette information, j’ai sursauté car moi, je ne comprends plus rien. Mais, après une analyse profonde personnelle, je me suis rendu compte qu’il y a un jeu autour de la question de Ben Laden. Je ne sais pas si c’est une stratégie de précampagne du président Barack Obama. Mais, je me dis que nous ne sommes plus à cette époque où il faut distraire le peuple par rapport à un tel danger. J’ai appris l’information et je comprends, parce que Ben Laden était un danger pour le monde, pour l’humanité. C’est quelqu’un qui était sans foi ni loi. Je pense qu’en le tuant, les Américains se sont rendu justice. Mais comme on n’arrivait pas à l’avoir, ils ont mis du temps pour pouvoir le neutraliser.

S’ils l’ont tué, tant mieux. Mais je dis que pour nous, Ben Laden n’était plus et cette stratégie est une manière pour l’administration américaine de se préparer aux élections. C’est comme cela que je vois les choses. De toutes les façons, que ce soit cela ou pas, il fallait tôt ou tard éliminer ce monsieur qui faisait trop parler de lui, négativement bien entendu. Je m’inscris dans le sens de l’Agence France presse (AFP) quant au doute montrant les photos de la mort de Ben Laden. Car vous savez qu’aujourd’hui avec les Technologies de l’information et de la communication (TIC), tout est possible. Aujourd’hui, on peut modeler une image à sa guise. On peut montrer une image et dire que c’est Ben Laden. Autant on peut truquer dans le montage, autant on peut détecter ce genre de montage. Je n’ai pas de doute que la mort de Ben Laden est une mise en scène.

La preuve, c’est le président Barack Obama qui est sorti lui-même faire l’annonce de la mort de Ben Laden avec un air de confiance. Pour ma part, c’est juste une stratégie de communication pour la précampagne. Cette mort du leader du mouvement Al-Qaïda va entraîner des révoltes et des représailles car ses militants vont vouloir se faire justice. Seulement, ce qui est bien, c’est que c’est un nom qui est à jamais effacé dans l’histoire de l’humanité."

Propos recueillis par Wilfried BAKOUAN et Ambèternifa Crépin SOMDA (stagiaire)

Le Pays