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Train de mesures du nouveau PM : Pourquoi attendre que "ça caille" ?

Publié le vendredi 29 avril 2011 à 01h37min

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Debout, pupitre à l’américaine, ce qui lui conférait l’avantage de dominer son auditoire tout en le rendant plus proche et participatif (c’est lui-même qui désignait les journalistes désirant intervenir), le nouveau Premier ministre Luc Adolphe Tiao a donc donné sa conférence de presse hier en fin d’après-midi.

A dire vrai, après l’exclusivité accordée à la Télévision nationale du Burkina (TNB) au lendemain de sa nomination ; puis les entretiens successifs sur Radio France internationale (RFI) et Africable où bien de sujets ont été déflorés, mâchés et remâchés, on se demandait ce qu’il y aurait de nouveau lors de cette sortie. Et l’on plaignait les journalistes qui allaient être obligés de poser des questions déjà soulevées par les confrères qui ont eu la chance d’avoir la primeur des propos premier ministériels.

La déclaration liminaire du conférencier aura finalement balayé ses inquiétudes car en fait, de simple introduction aux échanges, il s’est pratiquement agi d’un petit discours de politique générale (en attendant le grand et le vrai) dicté par la gravité de la situation et l’urgence des problèmes à résoudre. C’est un chef du gouvernement faisant tour à tour dans la supplication et l’exhortation avec un zeste de fermeté qui a entretenu la presse nationale et internationale une heure durant.

On ne peut que se réjouir de la batterie de mesures, fussent-elles parfois symboliques, prises pour résorber une crise sociopolitique qui fait vaciller la République et les fondements de l’Etat de droit. Comment, en effet, ne pas saluer l’abattement de 10% de l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) ; la suppression programmée de la litigieuse Taxe de développement communale (TDC) ; la baisse envisagée des prix des produits de première nécessité ; le retrait pur et simple de la tarification sur les actes médicaux ; l’apurement des avancements de fonctionnaires, etc. ?

C’est, à n’en pas douter, une combinaison de remèdes qui vont, un tant soit peu, soulager les ménages et contribuer à faire baisser la tension sociale en ces temps de vie chère. Même si, le citoyen voulant toujours le beurre et l’argent du beurre, ces décisions vont entraîner nécessairement une baisse des recettes de l’Etat à qui l’on demande pourtant tout ; et on peut faire confiance à ce monstre froid pour, le moment venu, reprendre subtilement de la main gauche ce qu’il a consenti de la droite le couteau à la gorge.

Certes, un être doué de raison et de bon sens ne saurait faire l’apologie de la violence en érigeant la force comme moyen de résolution des problèmes. Surtout au Burkina dont le seul avantage comparatif est la paix et la stabilité. Encore faut-il que les gouvernants, murés dans leurs certitudes et une forme d’autisme, soient réceptifs à un autre langage.

Or jusque-là, s’abritant régulièrement derrière "les contraintes budgétaires", la "modicité des moyens étatiques" et autres vocables propres aux pays impécunieux comme le nôtre, les autorités qui ne s’interdirent pourtant rien, ont souvent fait dans le dilatoire quand les partenaires sociaux s’égosillent à n’en plus pouvoir. Pourquoi donc faut-il attendre que "ça caille" pour être trivial, comme si on n’entendait que le langage de la canonnière ? Où donc étaient ces possibilités soudain disponibles comme par l’effet d’un tour de passe-passe ?

Le nouveau locataire de la Primature ne s’y trompe pas, qui l’a relevé dans les quatre objectifs majeurs qu’il s’est fixés, il faut "améliorer la gouvernance politique, économique et administrative" au "Pays des hommes intègres" et ce n’est certainement pas le moindre de ses chantiers dans un Burkina où les mauvaises habitudes qui ont, on le sait, la vie dure, semblent parfois érigées en méthode de gouvernement. Il a beau être optimiste de nature ainsi qu’il l’a confessé il y a une semaine sur la TNB, quelle potion miracle pourra bien concocter Luc, le saint patron des médecins, pour soigner les nombreuses plaies du Faso dont certaines se sont gangrenées depuis longtemps ?

D’autres Premiers ministres avant lui sont arrivés, la fleur au fusil, avec les meilleures intentions du monde et une certaine dose de bonne volonté. Avant de se rendre compte que certaines clés leur échappent ou qu’il y avait des forces d’inertie à moins qu’eux-mêmes, après leur profession de foi, soient tombés à leur tour dans le péché.

La question se pose donc de savoir si le nouveau venu, à qui il faut néanmoins accorder le bénéfice de la bonne foi, va pouvoir reformer de l’intérieur un système où par définition, chacun des éléments, pris isolément, n’a d’importance que par sa relation au tout. On sent d’ailleurs que lui, si disert sur les autres aspects de la crise, marche subitement sur des œufs quand on parle des réformes politiques, notamment la problématique matricielle de l’article 37, ou le sort qui sera réservé aux hommes de tenue qui ont troublé l’ordre public, volé, saccagé et violé des femmes.

Tout le mal qu’on souhaite à notre confrère, appelé en pompier pour éteindre un incendie qu’il n’a pas allumé, est de réussir mais ça ne sera pas facile, et il est suffisamment intelligent pour ne pas le savoir. La preuve, alors qu’il prêchait la bonne parole au ministère des Affaires étrangères, un nouveau départ de feu a été vite circonscrit : la maréchaussée dont un des éléments a été molesté par un policier lors de leur sortie, voulait marcher sur le commissariat central de Ouaga, et pas pour faire causette avec les poulets.
Pauvre Luc !

Ousséni Ilboudo

L’Observateur Paalga

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