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Koudougou : Les commerçants instaurent une ville morte

Publié le vendredi 29 avril 2011 à 01h38min

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Après la tambouille d’avant-hier mercredi dans la capitale du Boulkiemdé, due à une manifestation de colère des commerçants qui se sont livrés à des incendies de biens et domiciles publics et privés, le calme n’est pas revenu à Koudougou ni dans la nuit du mercredi ni dans la journée de jeudi 28 avril 2011. Nullement satisfaits par leurs “prouesses”, les commerçants sont encore sortis et ont instauré une ville morte ; obligeant tout le monde à vider le marché central, les marchés secondaires et tous les points de commerce.

Mercredi d’angoisse à Koudougou. A la suite des commerçants, qui ont protesté bruyamment et violemment la matinée et une partie de la soirée contre la fermeture de 53 boutiques au grand marché par le comité de gestion pour cause d’impayées de loyer, les policiers du commissariat central et ceux de la compagnie républicaine de sécurité (CRS) ont pris le relais, une fois la nuit tombée, tirant des rafales d’armes automatiques. C’est la première fois, depuis la période révolutionnaire, que des tirs de ce genre ont été entendus à Koudougou.

Une panique s’est emparée des citadins et certains se demandaient si Koudougou ne connaîtrait pas aussi ces pillages et mises à sac de boutiques et de commerces, surtout que ces tirs se localisaient au niveau du centre-ville. Mais il y a eu plus de peur que de mal, car nous avons pu constater, après avoir rallié précautionneusement le centre-ville, que les policiers se sont cantonnés dans le camp CRS et au commissariat de police.

Nous n’avons pu savoir les raisons qui ont motivé ce concert de fusils, mais on se demande si ce n’est pas en réponse à la sortie, ce jour, de leurs confrères d’armes de Ouagadougou, de Dédougou, de Bobo et autres. Vers minuit, des curieux se sont risqués dehors et sont allés à proximité des deux points chauds, sans que les occupants ne montrent des signes d’hostilité. Certains policiers se sont contentés de leur dire d’éviter les rassemblements.

La ville sous le diktat des commerçants

Après une nuit des plus troubles et un sommeil insuffisant, les Koudougoulais n’ont pas eu, pour autant, une journée de jeudi paisible. Les commerçants ont remis le couvert et imposé une ville morte à la population. Parti du marché central, un groupe d’une centaine de jeunes, dont le nombre s’est accru par la suite, savamment et discrètement encadré par des adultes, certains juchés sur des motos, qui jouaient aux éclaireurs et faisaient un travail d’orientation, ont investi le centre commercial et obligé les commerçants à fermer boutiques, alimentations, ateliers, restaurants, maquis et tous les points de vente.

Les institutions bancaires, les services publics et privés, les salons de coiffure, les ateliers de couture, les ateliers de mécanique et de menuiserie, les stations d’essence et les pharmacies ont tous été fermés, de gré ou de force. Certains même ont anticipé l’arrivée des manifestants en baissant très tôt les rideaux ou en rabattant les portes.

Pleins de fougue, les manifestants, composés essentiellement des jeunes du secteur informel, ont pris d’assaut les lycées et collèges, qu’ils ont vidés de leurs occupants. Les élèves, sous la contrainte, sont sortis mais n’ont pas rejoint les rangs des manifestants. Incompréhension du côté des habitants, dont certains débout devant leur cour ou leur lieu de travail se demandaient à quoi rimait tout cela. Au niveau du collège Taal’Bi, situé au secteur 9 en face de la Nationale 14, les choses ont failli tourner au vinaigre.

On y a frôlé l’affrontement entre les jeunes commerçants, armés de fouets, de bâtons et de sifflets, et les élèves, qui refusaient de quitter les classes. Les élèves criaient qu’ils sont en classes d’examen et qu’ils n’entendaient plus accuser inutilement du retard dans leurs programmes. Au terme d’un quart d’heure houleux et sur injonction de leurs profs et de leurs délégués, les élèves ont libéré les salles. Cependant, leurs délégués leur ont enjoint de rentrer directement chez eux et de ne prendre part à aucun mouvement.

Les commerçants veulent-ils la tête du maire ?

Le reste de la matinée, la ville a été la propriété des commerçants, qui y ont mené des courses de rallye, cascadant et faisant pétarader leurs motos sur la voie publique, créant un boucan d’enfer, sifflant à tout va, menaçant et mettant en garde quiconque se hasarderait à ouvrir son commerce. Des bambins se sont mêlés aux différents groupes qui se sont constitués et paradaient dans les quartiers, de façon désordonnée, créant un cafouillage indescriptible. Les marchés central et secondaires sont restés fermés toute la journée ainsi que les grandes boutiques et alimentations. Hier, surtout la matinée, il était difficile de s’acheter un sachet d’eau ou la moindre nourriture.

Les rares restaurants ou maquis qui avaient déjà préparé le menu ont dû vendre dans une quasi-clandestinité ou avec une extrême prudence. Mais qu’est-ce qui justifie un tel comportement ? Dans les rangs des manifestants, on entendait certains crier : “Maire, dégage !”, “Le maire, on ne veut pas”, “Seydou Zagré, démissionne !”. Perché de façon acrobatique sur la moto, un jeune lance à notre intention : “On ne veut plus du maire, ville morte jusqu’au 30 avril”.

Un autre, lui, à pied et torse nu, renchérit : “Ville morte jusqu’à ce que le maire parte”. Mais comme ces propos ne proviennent pas des responsables des commerçants, nous nous demandons si on peut leur accorder du crédit ; surtout que, le mercredi, le président du syndicat des commerçants, Frédéric Yaméogo, avait initié des rencontres avec les éléments de son bureau et les responsables des différentes zones du marché pour calmer les esprits.

De plus, on se demande sur quel motif repose une telle exigence quand on sait que Seydou Zagré, dont le domicile a été incendié, nie toute responsabilité dans la fermeture des boutiques du grand marché, celle-ci ayant été l’œuvre du comité de gestion. Ou bien faut-il y voir des règlements de comptes entre adversaires, ou même, selon certains dires, entre partenaires politiques ? Certains parlent d’instrumentalisation contre le maire. Les voies des politiciens sont impénétrables.

Le soir, le calme est revenu mais la ville morte est restée de rigueur. Deux jeunes, qui passaient devant notre agence, nous ont confié qu’ils ont mis en place des équipes mobiles qui sillonnent la ville pour veiller à ce que cette mesure de ville morte soit respectée. “Celui qui ouvre, c’est tant pis pour lui”, ont-ils lancé. Nous leur avions demandé s’ils étaient du syndicat des commerces. Un a répondu par la négative. Nous avons voulu alors savoir si l’initiative vient de leurs délégués, mais “ça ne vous regarde pas”, a lâché le plus grand, les yeux rouges et le regard intimidant. Nous n’avons pas insisté outre mesure, préférant nous engouffrer dans notre agence et nous atteler à la rédaction de cet article.

Cyrille Zoma

L’Observateur Paalga

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