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COTE D’IVOIRE : Quand les bourreaux se muent en victimes

Publié le mercredi 27 avril 2011 à 01h44min

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Dans la Côte d’Ivoire où la vie reprend peu à peu, les loups cherchent fébrilement à se faire passer pour des agneaux. Le chef de l’Etat nouvellement élu, Alassane Dramane Ouattara (ADO), et ses amis Houphouëtistes (RHDP) sont si attentionnés à l’égard de leurs anciens tortionnaires, que les fidèles du dictateur Laurent Koudou Gbagbo commencent à dépasser les bornes. Non seulement leurs milices refusent de désarmer, mais encore, des thuriféraires du régime déchu abusent des tribunes internationales pour crier au loup. On croit rêver. En tout cas, il n’y a pas meilleure manière de tenter de freiner l’élan salvateur, et … de forcer la main aux gens qu’on sait pourtant animés des meilleures intentions.

Il faut craindre en effet que le pouvoir qui s’installe à Abidjan et Yamoussoukro ne finisse par verser dans la répression comme l’y incitent ses adversaires. Les provocateurs professionnels qui ont imposé la guerre à ce pays, semblent reprendre du service. Ainsi, leur discours, à l’inverse de celui de la paix et de la réconciliation, tend chaque jour à pousser un peu plus le camp des Houphouëtistes vers la restriction de leurs libertés.

On croit rêver : des gens détenus, bénéficiant de certaines largesses, en profitent non pour exprimer une quelconque reconnaissance ou adhérer à l’esprit du pardon, mais plutôt pour vilipender ceux qui leur ont succédé au pouvoir dans des conditions qu’on sait fort difficiles. Ces critiques sont bien amnésiques. Ce sont les mêmes qui, il y a quelques semaines à peine, refusaient tout accès aux antennes nationales à leurs adversaires politiques. Exerçant alors un monopole historique sur les médias d’Etat, notamment la radio et la télévision, ils intoxiquaient les Ivoiriens, diabolisaient à souhait qui ils voulaient, violant allègrement au passage le sacro-saint principe de la laïcité de l’Etat républicain. Ces gens, sans foi ni loi, voudraient encore pouvoir profiter de l’occasion pour continuer à vociférer comme hier. Si seulement ils méritaient l’attention qui leur est accordée ! Dans certains pays, de tels individus, à l’origine des malheurs de tout un peuple, seraient tout simplement ignorés puis réduits au secret. Parce que des exemples du genre abondent à travers la planète, Afi N’guessan, président du Front Populaire Ivoirien (FPI), et certains de ses acolytes, feraient bien de méditer un peu. Ils éviteraient ainsi d’alourdir les charges qui pèsent sur leurs consciences.

Ces individus dont toute l’Afrique et le monde entier connaissent aujourd’hui l’extrême cruauté ne cherchent même pas à s’amender. Ils devraient pourtant profiter des espaces de liberté pour aller dans le sens souhaité : les retrouvailles. Car, même au sein du FPI, de nombreux militants à la base aspirent certainement à reprendre leurs activités dans la paix retrouvée. De là à penser que l’inconscience de certains partisans de Gbagbo finira bien par les perdre un jour, il n’y a qu’un pas vite franchi. Car, dans le cadre de la réconciliation et du pardon, il faut se tracer des limites à ne pas dépasser. Et tôt ou tard, des inconduites aussi flagrantes que celles que l’on enregistre jour après jour du côté de ce qui reste de l’ex-majorité présidentielle, pourraient amener le gouvernement actuel à durcir le ton et même leurs conditions de liberté. D’ici là, Afi N’guessan et autres peuvent se féliciter de l’élégance et de l’amabilité des Houphouëtistes à leur égard. Dans un tout autre contexte, nul n’aurait entendu parler d’eux. Encore moins les entendre vilipender ceux qui, hier encore, étaient obligés de se terrer ou de recourir à la communauté internationale pour ne pas subir leur soif de sang.

L’entêtement de Afi N’guessan est inadmissible. Il continue de s’enflammer comme s’il n’avait aucune considération pour son chef Gbagbo. Ce dernier avait pourtant recommandé de taire les armes et de privilégier les civilités. Sans doute, le président du FPI, est-il devenu très amer pour avoir perdu, il y a quelques années, les privilèges que lui conférait à l’époque le poste de Premier ministre de Côte d’Ivoire. Peut-être a-t-il du mal à digérer d’avoir été remplacé par Guillaume Soro ? Pourtant, et cela est bien élémentaire en politique, il faut savoir partir le moment venu, pour espérer mieux rebondir par la suite. Afi N’guessan se révèle au sein de l’appareil du FPI comme un des principaux animateurs de la répression, un habile théoricien du terrorisme moral, intellectuel et politique. Ceci, à l’heure où il faut retrousser les manches afin de reconstruire ce que lui et ses amis ont si facilement détruit. Le moment venu, les électeurs ivoiriens sauront se rappeler ses paroles qui divisent et détruisent. En attendant, trop d’égards à l’endroit de personnes qui ne le comprennent pas ainsi, pourraient nuire à terme au système qu’ADO tente de mettre en place. En effet, ces individus sont très dangereux pour la Côte d’Ivoire en reconstruction, car ils ont bien conscience que cette dernière va très bientôt aller comme sur des rails. Mais sans eux. Or, un succès précoce peut mettre trop en évidence leur nullité au pouvoir durant dix bonnes années. Ils feront donc tout pour nuire aux succès d’ADO, en abusant s’il le faut, de l’esprit de tolérance et de l’attachement des Houphouëtistes à la démocratie. On le sait : c’est sur un terrain favorable que se développe le microbe. Dans une période aussi sensible, il faut donc demeurer ferme à l’égard de tous.

Particulièrement les pro-Gabgbo qui ne souhaitent pas voir ADO et ses compagnons réussir. Nul n’en voudra pour cela à ADO et à ses amis, frappés d’ostracisme il n’y a pas si longtemps dans la république du Front populaire ivoirien. Face à la stratégie de la victimisation adoptée par ses adversaires qui visent à endormir la vigilance de l’opinion, ADO doit poser un geste fort. D’autant que nul n’ose imaginer sans frémir quel sort les partisans de Gbagbo auraient réservé aux dirigeants ivoiriens actuels s’ils avaient perdu la guerre. Aussi, pour rétablir l’équilibre dans les institutions, leur faudra-t-il bien un jour se résoudre à restreindre leurs marges de nuisance. L’avancée de la démocratie en Eburnie en dépend. Certes, il faut normaliser et pacifier ; mais dans une Côte d’Ivoire qui vit une période cruciale, ADO et ses compagnons vont devoir s’abstenir par moments de penser à ménager la communauté internationale. Car, l’ancienne classe dirigeante a, dans ses rangs, des gens à la langue fourchue. Même s’ils ne constituent qu’une minorité, ils chercheront toujours à faire oublier que leur régime aujourd’hui défait, a bien été le premier à réprimer, violer, massacrer, harceler et traquer durant une longue période. Et, autant ils ont imposé la guerre à tous, autant ils s’appliqueront toujours à inciter les plus malléables à agir en dehors du cadre républicain, en espérant voir intensifier la répression qu’ils n’auront alors de cesse de dénoncer.

Aussi, même s’ils se veulent passionnés de paix et ardents défenseurs des libertés démocratiques, les Houphouëtistes devront faire preuve de vigilance et de fermeté. Il faut savoir garder l’arme au pied et ne pas se laisser piéger. Et jamais, il ne faudra se laisser divertir par un discours qui pue toujours la haine de l’autre, et le refus de s’aligner sur la majorité des Ivoiriens.

"Le Pays"

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