Norbert Tiendrébéogo, président du FFS : "La nomination de Luc Adolphe Tiao constitue un non-événement"

Nous constatons qu’on a nommé Luc Adolphe Tiao comme Premier ministre. Est-ce que c’est la meilleure personnalité ? Là, je ne sais pas. De toute façon, Blaise Compaoré sait toujours où aller chercher ses oiseaux rares. Nous, nous soutenons que c’est, à la limite, un non-événement. N’eût été la grave crise que traverse le Burkina Faso, cette nomination aurait constitué vraiment un non- événement tout comme la dissolution du gouvernement. D’ailleurs, cette nomination est intervenue suite à la sortie brutale des militaires pour revendiquer leur dû. C’est Blaise Compaoré lui-même qui a promis des indemnités et des primes aux militaires sans être capable d’honorer sa parole donnée. Donc, s’il y a quelqu’un qui devrait démissionner, c’était bien lui mais pas le gouvernement. C’est pourquoi on a une très mauvaise lisibilité des actes qu’il est en train de poser ces derniers temps. Est-ce que ce sont des actes de quelqu’un qui est vraiment terrorisé et qui ne sait pas où poser les pieds ? Il y a lieu de se poser des questions. Si Luc Adolphe Tiao peut aider Blaise Compaoré à résoudre ses problèmes, c’est tant mieux.

Mais nous estimons qu’il est plus que temps pour Blaise Compaoré de prendre la vraie mesure de la situation et de préparer sa sortie. Je crois que c’est comme cela que le Burkina Faso va pouvoir vivre en paix, au lieu de connaître des lendemains plus que chauds. Je pense qu’on ne peut pas reproché à Tertius Zongo de n’avoir eu la carrure nécessaire. Qu’est-ce que Luc Adolphe Tiao peut apporter de nouveau ? Je ne sais pas trop. On peut relever également que Blaise Compaoré a toujours nommé des Premiers ministres économistes. Maintenant, on nous envoie quelqu’un de l’information et de la communication. Est-ce que c’est un problème de communication qui se pose aujourd’hui au Burkina ? C’est plutôt la misère et la paupérisation de la population qui font souffrir plus d’un. C’est vraiment le lieu de se poser pas mal de questions. C’est pourquoi je dis qu’on a une mauvaise lisibilité des actes posés par Blaise Compaoré aujourd’hui. J’ai toujours dit que je ne serai pas un ministre de Blaise Compaoré.

  Emile Paré, président du MPS/Parti fédéral : "En situation de crise, il faut une solution de crise"

D’aucuns ont dit que la crise est uniquement inter-militaire et estudiantine. D’autres disent que c’est une crise inter-commercants. A mon avis, il s’agit d’une crise sociale, politique et économique. Par rapport à cela, il y a un certain nombre de mesures fortes qui peuvent être prises. Si vous vous souvenez bien, j’ai toujours dit, depuis deux ans, que notre pays traverse une crise sociopolitique profonde face à laquelle il faut des remèdes de valeurs. Il faut une refonte profonde de la République, il faut avoir le courage de convoquer des assises nationales. La mise en place d’un nouveau gouvernement est très bien mais quelle sera la nature de ce gouvernement ? Luc Adolphe Tiao, c’est un monsieur que nous connaissons bien. Il a des compétences dans le domaine de la communication, mais ici la question est profondement politique. Est-ce que le gouvernement qu’il va mettre en place sera un gouvernement de crise ?

C’est cela l’essentiel de la question dont nous attendons la réponse par rapport à la composition du gouvernement. Vous savez très bien qu’en politique, on travaille en équipe. Le Premier ministre travaille sur la base d’une lettre de mission et nous ne connaissons pas la mission qui lui a été assignée. Voilà comment il faut interpréter la situation. Mais je pense que ce n’est pas la qualité individuelle de l’homme qu’il faut surtout apprécier. On peut même fonctionner sans Premier ministre mais comme notre Constitution dit qu’il faut un Premier ministre, il faut en nommer. Si ce dernier n’a pas de lettre de mission qui réponde aux aspirations du peuple, il va échouer. Par contre, s’il a une bonne feuille de route, il peut réussir. Nous attendons qu’il comprenne les préoccupations du peuple car nous sommes en situation de crise et pour cela, il faut une solution de crise."

  Issa Tiendrébéogo, secrétaire général du GDP : "Blaise Compaoré doit tirer toutes les conséquences et libérer les lieux"

"Luc Adolphe Tiao est un monsieur que je connais bien. Sur le plan du travail, il a prouvé ses compétences. Malheureusement, le poste qu’il vient d’occuper n’est pas professionnel mais plutôt politique. Il faudra attendre de voir son équipe et la liberté qu’on lui donnera, parce que, comme vous le savez, c’est le chef de l’Etat qui détient tout le pouvoir. Donc, cela dépendra de la liberté qu’il va avoir pour mener à bien sa mission. Sans cette liberté, il ne pourra pas réussir. Tout découlera de la sincérité et de ce que le chef de l’Etat compte faire. Sinon, de mon point de vue, il faut que nous repartions sur de bonnes bases pour sortir de cette crise. Comme je vous l’ai dit, si on lui donne la liberté, il fera quelque chose. Sinon, le problème restera entier et cela tant que Blaise sera là. Il est capable de remettre en cause tout ce qu’il aura pris comme engagements, car nous l’avons vu après les événements relatifs à l’affaire de Sapouy. Les problèmes resteront posés tant qu’on ne trouvera pas les solutions adéquates à la crise. Il appartient au président Blaise Compaoré de tirer toutes les conséquences et libérer les lieux."

  Etienne Traoré, premier secréraire de Faso Metba : "Blaise sait pourquoi les gens manifestent, ces derniers veulent qu’il s’en aille."

"Personne n’a demandé de dissoudre le gouvernement et de nommer Luc Adolphe Tiao au poste de Premier ministre. J’ai dit dans une interview qu’il n’a aucune envergure, aucun réseau, aucune assise nationale pour résoudre cette crise. Je sais qu’il ne pourra rien faire. Il saura dans quelques mois s’il est un Premier ministre ou un homme de main de la famille du président. Il ne peut rien faire sans François Compaoré par exemple et il le saura très tôt. Pour ce qui est de notre participation à un gouvernement d’ouverture, nous aurons une position commune. Pour le moment, je pense que c’est absurde d’aller faire une réparation d’une mal gouvernance. Je crois que Blaise Compaoré lui-même doit en tirer les leçons. Il y a un manque de confiance entre son régime et lui. Il sait pourquoi les gens manifestent, ces derniers veulent qu’il s’en aille."

  Fidèle Kientéga, député de l’UNIR/PS : "La crise a une origine qui n’est pas le gouvernement mais plutôt le chef de l’Etat"

"Nous avons, comme tout le monde, appris la nomination de l’ancien ambassadeur, Luc Adolphe Tiao, comme Premier ministre. Au niveau de l’UNIR/PS, nous considérons cela comme un non-événement parce que la crise a une origine qui n’est pas du tout le gouvernement mais plutôt le chef de l’Etat. C’est l’Etat qui n’a pas de direction et non le Premier ministre. Nous ne doutons pas de la capacité de Luc Adolphe Tiao mais nous estimons que ce n’est pas un Premier ministre qu’il faut changer pour que le problème du Burkina soit résolu. Quant à notre participation à un éventuel gouvernement d’ouverture, je pense que le président Blaise Compaoré n’a pas besoin de nous. Pour lui, nous sommes une quantité négligeable. La preuve est qu’il a consulté les militaires et les chefs coutumiers et religieux mais pas l’opposition. Donc, comme il n’a pas besoin de nous, nous, nous n’avons pas besoin de lui non plus."

  Philippe Ouédraogo, secrétaire général du PAI : "Je lui souhaite beaucoup de courage et de réussite"

Comme beaucoup de gens, j’ai été surpris de la nomination de Luc Adophe Tiao en tant que Premier ministre du Burkina Faso. C’est une personnalité que l’on connaît parce qu’il a assumé un certain nombre de responsabilités. Mais on ne le connaît pas comme une personnalité d’envergure nationale au plan politique. Le problème est de savoir si l’homme qu’on vient de nommer peut avoir ou a des solutions aux problèmes qui sont posés. Ces problèmes, comme vous le savez, sont de nature politique. Deuxièmement, il faut dire que les défis à relever pour ce nouveau Premier ministre sont importants. Il y a non seulement ceux qui sont liés à l’impunité parce que les élèves réclament avant tout justice pour leur camarade Justin Zongo, mais également les défis liés à la corruption ambiante dont tout le monde se plaint. Il y a en plus que les militaires eux-mêmes qui constituent habituellement le dernier rempart contre le désordre et les manifestations de révolte, se sont révoltés.

Donc, Il s’agira pour lui de savoir si effectivement les mesures qui ont été annoncées et qui concernent le paiement des revendications pécuniaires sont satisfaisantes pour ces militaires. En principe, on s’attend à ce que l’homme qui a été nommé à la tête du gouvernement ait les coudées franches pour composer son équipe avec des gens qui sont déterminés à proposer des solutions pour une sortie de crise. On ne sait pas si Luc Adolphe Tiao aura les coudées franches pour la composition de son gouvernement. Est-ce que l’homme aura les armes pour accomplir les missions qui lui ont été confiées ? Est-ce qu’il aura les hommes qu’il faut pour la bonne politique ? Ce sont là des questions que l’on se pose. En tout cas, je lui souhaite beaucoup de courage et beaucoup de réussite dans sa mission."

  Tiémoko Konaté, député, membre de la Commission des affaires étrangères et de la défense : "Je pense qu’il sera à la hauteur des missions qui lui ont été confiées"

Je voudrais d’abord remercier les Editions "Le Pays" pour s’être déplacé pour recueillir les avis des uns et des autres sur la nomination du nouveau Premier ministre. Ensuite, je voudrais féliciter Luc Adolphe Tiao pour sa nomination à la tête du gouvernement burkinabè. Par rapport à sa nomination, à mon avis, je pense que c’est une très bonne chose. Luc Adolphe Tiao est un homme qui a beaucoup de qualités, surtout au niveau du dialogue. Ces derniers temps, sur le plan national, il y a eu beaucoup de revendications et pour cela, il faut un homme de dialogue pour satisfaire ces revendications dans le court, le moyen et le long termes. Je pense qu’il sera à la hauteur de la mission qui lui a été confiée. Je lui souhaite beaucoup de courage et beaucoup de réussite dans ses nouvelles fonctions.

Propos recueillis par Yannick SANKARA, Ambèternifa Crépin SOMDA et Rasmané KONSEIMBO (Stagiares)

Le Pays