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Beyon Luc Adolphe Tiao doit relever un formidable challenge : effacer 60 jours de « désordres » anti-républicains qui ont brouillé l’image « démocratique » du Burkina Faso (1/2)

Publié le jeudi 21 avril 2011 à 01h07min

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Je ne cesse de l’écrire. Il y a toujours deux lectures du Burkina Faso. La première, la plus simple, surtout quand on n’a jamais mis les pieds dans le « pays des hommes intègres », met l’accent sur l’homme au pouvoir : un ex-officier subalterne, « communiste-révolutionnaire », qui a accédé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat puis de l’assassinat de son prédécesseur et compagnon de lutte, et s’y est maintenu par l’élimination physique de ses deux autres compagnons, eux aussi des militaires.

Grâce à des partenariats extérieurs, parfois avec des pays « limites » (Libye, Taïwan, etc.), et à son ingérence dans les affaires politiques des pays voisins, il s’est taillé un pouvoir quasi absolu au sein duquel le parti « présidentiel » est hégémonique dans l’univers politique comme dans le monde des affaires. Ajoutons qu’il est au pouvoir depuis près d’un quart de siècle et qu’il entend y rester encore malgré une Constitution qui limite le nombre de mandats présidentiels. Etc.
C’est une première lecture. L’autre souligne que le pays de cet homme-là est passé d’une société fermée (« révolution ») à une société ouverte (« rectification » puis « démocratisation »), devenant ainsi, contre toute attente, un modèle de stabilité et de développement ; il est ainsi devenu non seulement incontournable sur la scène diplomatique ouest-africaine grâce aux actions de médiation engagées, mais s’est imposé comme un partenaire fiable du monde occidental et « émergent » qui salue ses performances en y multipliant les investissements. Il est désormais le premier producteur africain de coton, et d’un coton de qualité, mais également un pôle d’activités culturelles (Fespaco, La Termitière, Jazz à Ouaga, etc.) et touristiques (SIAO, SITHO, Loropéni, etc.) dont la réputation est internationale. En moins d’un quart de siècle, le paysage politique, économique, culturel et social de ce pays a été totalement métamorphosé.

Il fallait, sans doute, être l’un pour que l’autre soit. C’est la règle du jeu politique et aucun homme d’Etat digne de ce nom n’échappe à cette dualité : homme-pays. En France, Charles De Gaulle et François Mitterrand en ont été l’illustration. Et si le second a pu mener à bien deux mandats (mais en subissant, dans le même temps, deux « cohabitations » avec l’opposition), le premier, malgré sa dimension historique indéniable, a dû quitter le pouvoir sous la pression des électeurs qui considéraient que « dix ans, ça suffit ».

Etant sur le terrain africain depuis… 1967, et ayant par ailleurs visité bon nombre de pays d’Asie, du Moyen-Orient et d’Amérique latine, j’avoue avoir une lecture positive de l’évolution du Burkina Faso qui, venant d’où il vient (et sans ressources naturelles exceptionnelles), va dans le bon sens. Même s’il m’arrive de souligner que ce sens-là, parfois, frise le « sens interdit ». Et que le Burkina Faso peut aussi donner l’impression d’aller trop vite, trop loin ; au risque d’aller dans le mur ! Si j’avais à choisir d’avoir 20 ans ou 40 ans quelque part en Afrique ce serait, incontestablement, au Burkina Faso. Jugement non pas absolu ; mais tout à fait relatif.

Les soixante jours qui viennent de s’écouler depuis la mort du jeune Zongo le 20 février 2011 obligent aujourd’hui à bien plus relativiser les choses que par le passé.

Le Burkina Faso vient de tourner une page de son histoire. Difficile et douloureuse. Même si le pire a été, jusqu’à présent, évité. Tertius Zongo et son gouvernement en ont fait les frais. Mais c’est une règle du jeu qui, pour injuste puisse-t-elle paraître, s’impose à tous les « joueurs ». Beyon Luc Adolphe Tiao a été appelé par le président du Faso à prendre la suite de Zongo. C’est une « première » dans l’histoire des premiers ministres burkinabè depuis que le job a été rétabli par Compaoré : jusqu’à présent les successions ont été opérées « à froid » ; jamais lors d’une crise qui, pour beaucoup, s’apparente à une crise du régime.

Le poste de premier ministre avait été supprimé en Haute-Volta en 1980 ; Compaoré l’a réinstauré en 1992. Son premier titulaire a été Youssouf Ouédraogo, un politique. De 1994 (au lendemain de la dévaluation du franc CFA) à 1996, c’est Marc-Christian Roch Kaboré, un politique également, qui a occupé la primature. Les successeurs seront bien plus des « techniciens » que des « politiques » : Kadré Désiré Ouédraogo (1996-2000), Paramanga Ernest Yonli (2000-2007) - qui a établi un record de longévité - Tertius Zongo (2007-2011).

Tiao n’est pas, à première vue, un « politique » ; mais il n’est pas non plus un « technocrate » si tant est que l’on pouvait définir ainsi ses prédécesseurs qui, tous, avaient une sensibilité particulière aux questions économiques. Ce n’est sans doute pas « la tasse de thé » de Tiao dont l’atout majeur est sa connaissance intime du Burkina Faso et sa proximité avec les Burkinabè dont je peux affirmer qu’il en connaît les vrais problèmes pour les avoir souvent évoqués avec moi, à Ouaga comme à Paris.

Tiao est né le 4 juin 1954 à Tenkodogo, province du Boulgou (frontalière du Ghana et du Togo), au Sud-Est de Ouagadougou. C’est en Haute-Volta qu’il fera ses études primaires et secondaires (il y participera au mouvement scout ; il sera par la suite membre du Comité national des Scouts du Burkina) avant de rejoindre Dakar, en 1977, et le Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI). Il y obtiendra, en 1980, un diplôme supérieur de journalisme et y nouera des relations dans la communauté des journalistes africains.

De retour en Haute-Volta, il va rejoindre l’Ecole supérieure de droit de l’université puis la… « révolution » : de février 1984 à juin 1985, il sera directeur des journaux à la direction générale de la presse écrite. C’est alors qu’il s’inscrira au département de communication de l’université de Montréal. Il y obtiendra un masters ès sciences de la communication et de l’information. Son rapport d’étude portait sur « les politiques de la communication en Afrique noire » et il élaborera plusieurs plans « com » pour un certain nombre d’organismes burkinabè (CND, MFDI, MC, LONAB). Son mémoire de masters a porté sur « les Comité de défense de la révolution et le processus de mobilisation pour le développement du Burkina Faso ».

De retour à Ouaga, il va prendre la direction générale des éditions Sidwaya. Nous sommes en octobre 1987 au lendemain de la victoire de Compaoré sur Thomas Sankara. C’est le temps de la « rectification ». Il va gérer le groupe qui édite notamment le quotidien national jusqu’en août 1990. Fondateur de l’Association des journalistes du Burkina, il la présidera de 1988 à 1990). En août 1990, il sera nommé secrétaire général du ministère de l’Information et de la Culture. Son ministre sera, tout d’abord, Béatrice Damiba (qui sera par la suite, à de multiples reprises, ambassadeur et qui prendra la succession de Tiao à la présidence du CSC quand il sera nommé ambassadeur à Paris) - ils sont restés des amis très proches - puis Charles Salvi Somé (1991-1992) et, enfin, Cheick Lindou Thiam (1992).

C’est au cours de cette période qu’il va publier, aux éditions Sidwaya, ses « Entretiens avec Blaise Compaoré ». En novembre 1992, il rejoint Paris et l’ambassade du boulevard Haussmann comme attaché de presse. Frédéric A. (A. pour Assomption) Korsaga venait d’y prendre la suite de Serge Théophile Balima. Tiao va rester aux côtés de Korsaga tout au long de sa présence en France. Il en profitera pour suivre la formation du Centre d’études diplomatiques et stratégiques et préparer, dans le cadre de l’université Paris-II, une formation doctorante en sciences de l’information et de la communication.

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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